Aventures en famille

Zài jiàn Zhong Guo, Xin chào Viêt Nam

Écrit par Famille Carrard | 02/10/2012 17:30

Dongxing,  seul un pont nous séparait du Vietnam : nous y sommes arrivés le 26 septembre avec trois jours d’avance sur l’échéance de notre visa chinois.

Auparavant, les dernières étapes précédant l’arrivée à Nanning et les kilomètres cumulés depuis notre départ – 3000 km passés avant Liuzhou, déjà – nous avaient laissés sur les jantes.

La pause bienvenue et indispensable de Nanning en attendant nos visas vietnamiens nous a fait un bien fou – hem à part au budget, la faute aux « iced cappuccinos » de notre auberge de jeunesse et aux vraies glaces à l’italienne dégotées dans un petit café du voisinage… tiens, une ville chinoise où il y a des cafés et des terrasses !

Quelques mots sur Nanning, peut-être : une insignifiante capitale de province, qui regroupe l’équivalent de la population suisse dans son agglomération (7 mio d’hab.). Ville de contrastes typiquement chinoise, où en changeant de trottoir, on passe d’une audacieuse architecture très 3e millénaire à des marchés populaires qui s’entassent au pied de vieilles bâtisses ruinées.

Côté nourriture, les quartiers chics offrent un vaste panel de menus à l’occidentale que nous avions l’habitude de ne trouver que dans les « guesthouses », alors que le marché de nuit autorise toutes les audaces culinaires : qui veut goûter une brochette de crocodile ?

Alors que de nombreux espaces verts permettent de laisser les enfants se défouler, le bord de la rivière et ses couchers de soleil sont un must des soirées nanninguéennes…

Les siestes de Léon et Eugénie ont été mises à profit pour planifier un peu la suite. Nous commençons à être plus au clair quant à notre futur parcours indochinois. Nous avons attendu le dernier moment pour prendre la décision stratégique de franchir la frontière sino-viétnamienne par le bord de mer (Dongxing – Mong Cai) plutôt que par la montagne (Pingxiang – Dong Dang, par le « col de l’Amitié »).

La fin de notre épopée chinoise a été réglée en trois journées de vélo : mais sous un soleil de plomb, nous regardions le ciel dès le matin en espérant que l’orage du soir ne se ferait pas trop attendre… Avouons-le, l’étape qui devait nous mener sur la côte à Fangcheng par des petites routes secondaires nous a donné du fil à retordre : 80 km, dont 65 sur des pistes de chantier et des tronçons de routes complètement pourries en attente d’être retapées… nous avons connu journées plus reposantes !

Nous nous attendions à un véritable parcours du combattant pour franchir la frontière : c’est ce qui est promis à tous les usagers du passage « du col de l’Amitié », pourtant le plus fréquenté par les voyageurs occidentaux. Etonamment, la seule véritable difficulté a été le passage de la première barrière (porte trop étroite pour la remorque) du côté chinois et un étage d’escaliers avec notre caravane – heureusement, un douanier sympa nous a aidé pour le transport. Du côté des formalités, si l’on excepte l’étrange obligation de prendre un ticket payant pour passer la frontière (20 yuans par adulte !) – ça s’est fait les doigts dans le nez, sous le regard bienveillant de douaniers plutôt « gouzi-gouzi », tant du côté chinois que vietnamien. Le comportement pour une fois exemplaire de nos deux asticots nous a facilité la tâche, et nous sommes passés outre les fastidieux contrôles et le passage au scanner de nos bagages.

Nous voilà donc débarqués au Vietnam en douceur, ce qui est de bon augure pour la suite de notre expédition, avec pour premier objectif la Baie d’Ha Long. Mais pour en savoir plus, il faudra patienter un petit peu…

Bilan Chine en quelques chiffres

  • 3489 km à vélo : de Pékin au poste frontière de Dongxing
  • 108 km : étape la plus longue
  • 100 commerces visités pour trouver des piles d’1,2 V au lithium (en vain)
  • 60 stations-service Sinopec visitées pour nos arrêts ombre et boissons fraiches
  • 56 jours de vélo
  • 30 fois par jour où Frédo s’arrête pour prendre LA photo de sa vie
  • 22h30 : fin d’étape la plus tardive
  • 20 Yuans (env. 3 CHF) : chambre la moins chère
  • 15 blocs de feuilles pour les dessins de Léon et Eugénie
  • 8 kilos perdus par Fredo depuis le départ
  • 5 yuans (env. 0.75 CHF) : repas de midi complet le meilleur marché
  • 4 jours de vélo sous la pluie
  • 3 nuits à dormir alignés comme des sardines les quatre dans le même lit
  • 2 places de jeu pour enfants non payantes
  • 1 crevaison
  • 1 nuit sous tente
  • 0 accident… (à part 2 accidents de pipi) !


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Au milieu coule une rivière

Écrit par Famille Carrard | 22/09/2012 18:57

Vacances à Guilin

Suite aux détours montagneux consentis dans le Hunan, qui ne nous ont pas empêché de profiter des paysages et de dûment documenter quelques curiosités cocasses sur la route, cinq jours de vélo d’affilée ont fini de nous achever ; il fallait pourtant passer par là pour atteindre notre assugrine : quelques jours de « vacances » à Guilin.

Nous avions eu tout le loisir de dresser un portrait très vert de Guilin en lisant et relisant les informations données par le Lonely Planet. Au premier abord, nous avons donc ressenti une certaine déception les vingt derniers kilomètres à rouler comme d’habitude dans le bruit, la pollution et la catelle… Heureusement, la zone de banlieue traversée, la récompense était au rendez-vous lorsque nous avons découvert une ville aux  rues propres et aux terrasses (sans riz) avenantes, entre de multiples bras de la rivière Li, au milieu de pics et de parcs verdoyants, abritant lacs et pagodes.

Même l’auberge de jeunesse avait un goût de reviens-y, à tel point que nous avons prolongé le séjour d’une nuit. Afin de profiter au maximum, nous avons joué la carte du presque vrai touriste – tout en continuant de louer une seule twin pour les quatre et d’acheter nos petites briques de « pure milk » au supermarché ! Sinon, nous devons avouer que la deuxième pizza du voyage nous a ravis et que la salade de crudités n’a – pour une fois – pas eu le temps de cuire ! Quant au staff de l’auberge, il a été très avenant et n’a pas hésité à passer des chansons pour enfants à la place de musiques destinées à un auditoire de backpackers en manque de « western habits ».

Pendant que Frédo révisait nos montures d’acier devant notre première maison du voyage, nous avons eu l’occasion de rencontrer des enfants dont les mamans ont vite fait de flairer le bon plan : les abandonner sournoisement à Laure pour retourner vaquer à leurs occupations (certes tout à fait valables, la plupart tenant des commerces dans la rue) lorsqu’elles ont vu que la nouvelle nounou du quartier sortait feuilles, stylos, colle et offrait même le goûter… voilà que Laure, qui cherchait justement à caser ses deux casse-cou, se retrouve attablée avec cinq enfants !

Il y eut d’autres rencontres sympas et plus reposantes, comme celle de Brigitte, une Française voyageant un mois en Chine ou encore celle de Jamel, un étudiant belge tout juste arrivé à Guilin pour étudier le chinois. Sans se préoccuper de la différence d’âge, Léon lui a tenu de longs discours, très heureux de pouvoir parler français à d’autres interlocuteurs que ses parents et sa sœur. Il s’est même essayé à des questions intimes telles que : « Tu as pris ton pyjama ? ».

Les enfants piaffaient d’impatience à l’idée de voir des pandas. La visite du grand « Seven Stars Park » à entrée multi-payante (deux passages de caisse pour trouver l’enseigne du zoo…) leur a permis d’admirer ces nounours bicolores au milieu de petits Chinois surexcités à l’idée de rejoindre le parc d’attractions – bien sûr aussi payant – se trouvant dans le zoo. Léon et Eugénie ont été bien braves en se contentant de la place de jeux car il était impossible de leur offrir un ou deux tours de manège. Non, il aurait fallu encore payer le troisième forfait de la matinée incluant 13 tours. Et un ticket par enfant, je vous prie ! Finalement, le château gonflable de nuit sur la place centrale les satisfera et nous aussi. Depuis notre arrivée en Chine, le château gonflable que nos deux terreurs appellent invariablement « trampoline », est un précieux allié lorsqu’il s’agit de dépenser leur trop plein d’énergie…

Et les mollets pendant c’temps-là ? Ils ont mis au moins trois jours à se détendre… outre le trop plein de vélo, il ne faut pas omettre les sprints encore réguliers que nous embrayons dans les rues à la pêche aux enfants fugueurs. Mais les parents ont heureusement les sens en éveil et continuent inlassablement à répéter pourquoi telle bêtise est plus dangereuse que telle autre, que nous ne devons pas les perdre de vue etc… en espérant qu’ils seront aussi réceptifs à leurs rengaines qu’à celles d’un camion gicleur d’eau beuglant « Vive le vent, vive le vent (… )» (Si, si, ça existe partout en Chine !). A leur décharge, nous devenons tous un peu sourdingues à cause du vacarme ambiant, la palme d’or revenant aux klaxons brise tympans des bus.

De Guilin à Yangshuo

Ayant rechargé les batteries pendant quatre jours à Guilin, nous étions prêts à en découdre avec l’étape de Yangshuo. Comme les routes évitent la partie la plus pittoresque du cours de la rivière Li, le scout de la bande avait échafaudé – sur la base de sources diverses et plus ou moins assurées (mélange d’infos des pages 592 et 597 du Lonely Planet, ainsi que d’autres, picorées sur diverses cartes touristiques – parfois contradictoires – en bitmap sur d’obscurs sites internet…) – tout un plan qui devait nous permettre de longer à vélo la rivière entre Yangdi et Xingping, son tronçon réputé le plus pittoresque ; en prenant des ferries pour traverser la rivière, nous étions supposés pouvoir suivre la piste sur la rive opposée, le tout pour une vingtaine de Yuans par personne. On l’a bien fait sur le Danube, pourquoi pas sur la Li, après tout ! Passons les détails : les ferries existaient, mais toujours à quai, avec éventuellement un vagabond qui dormait dessus. Pas l’ombre d’un moyen de traverser la rivière dès Yangdi : nous aurions pu faire au mieux 500 m de tout-terrain avant d’être bloqués par une falaise à pic. Nous nous sommes donc offert pour nos 7 ans de mariage (ben ouais, c’était le 10 septembre) la vraie croisière touristique en radeau-bambou pour dix fois le prix théorique des ferries, mais en économisant 16 km de pédalage, ce qui a réduit la longueur de l’étape vélo proprement dite à sa portion congrue : 87 km (dont 15 de nuit et 2 sous une pluie diluvienne…).

Ne faisons pas la fine bouche : cette excursion en radeau nous a permis d’apprécier à sa juste valeur le spectacle ahurissant de ces pics calcaire plongeant dans la rivière. En fin de journée, la lumière rasante prodiguait aux parois rocheuses des teintes magnifiques et nous nous sommes essayés à l’art de la prise de vue en contre-jour avec quelques modestes succès pour les photographes-amateurs très peu éclairés que nous sommes.

De Yangshuo même, nous gardons le souvenir d’une petite ville perdue dans le grand cirque de ses pics, où le local se consacre corps et âme à convaincre le touriste que la babiole qu’il a à lui vendre est moins chère et de meilleure qualité que dans les 48 échoppes environnantes présentant le même produit. Néanmoins, nous y avons vu quelques très belles productions artisanales : chapeaux, tissage, maroquinerie ou divers bibelots. C’est surtout l’ambiance bariolée et animée des marchés cachant les vieux bâtiments décrépis qui fait le charme de l’endroit.

Nous avons ensuite déplacé notre camp de quelques kilomètres dans la vallée de la rivière Yulong (Dragon) pour tester l’Outside Inn, un village-hôtel, conceptualisé par une famille Suisse (et récemment reprise par un Hollandais) dans un village à l’abandon dont les maisons ont été retapées une à une. Expérience fantastique, pour le cadre pittoresque et, plus prosaïquement, grâce à une grande caisse de légos, qui nous a permis de souffler un peu… (vous suivez ?).

Bircher, lasagne et salade sont venus nous rappeler que nous autres Helvètes ne sommes pas configurés pour nous nourrir de chats et de pieds de poulets bouillis

Cette mini-étape a été complétée par une excursion à vélo sur les deux rives de la rivière Yulong et par le Pont du Dragon. Bien que sans bagages, la balade s’est avérée épique… devinette : est-il plus facile de faire passer une remorque avec un écartement de roues de 86 cm sur une berme de 70 cm entre deux rizières ou dans un chemin creux de 60 cm de large… ?

A force de fantasmer sur les trempettes régulières des buffles, nous avons improvisé une petite baignade à la nuit tombante juste pour nous rendre plus appétissants auprès des féroces moustiques… l’occasion également de vous faire apprécier l’esthétique très réussie de nos bronzages de cyclistes.

Go west…

En une semaine, nous avons réalisé un véritable contre-la-montre jusqu’à Nanning, poussés par l’envie (et la nécessité) de régler au plus vite les demandes de visas vietnamiens : le 29 septembre, nous devons impérativement avoir quitté la Chine ! Les lasagnes hollandaises n’ayant apparemment pas convenu à Laure, les premières étapes ont été laborieuses jusqu’à ce que bananes, riz et bioflorin veuillent bien réunir leurs forces pour qu’elle puisse consacrer toute son énergie à appuyer sur les pédales. Après un jour de pause réparateur à Liuzhou, nous avons mis le turbo pour arriver un jour plus tôt que prévu à Nanning : nous avons bouclé les 200 derniers km en deux étapes (108 et 95 km) au lieu des trois prévues ! Eugénie et Léon ont merveilleusement bien joué le jeu et se sont relayés sur le tandem pour participer – à leur manière (3 coups de pédales, un tas de questions, puis grande sieste dans la remorque…) – à l’effort collectif! Le ciel couvert, les températures plus fraiches et les routes presque plates ont fortement contribué à booster toute la famille.

Aujourd’hui deuxième jour d’automne, nos passeports sont au consulat vietnamien. Et nous, nous patientons jusqu’à lundi, passant en revue notre folle traversée chinoise pour dresser prochainement un bilan de nos trois premiers mois de voyage !


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Des vieilles briques au macadam, on passe par tous les états d’âme…

Écrit par Famille Carrard | 08/09/2012 18:16

Fenghuang

Fenghuang était notre prochaine étape et l’occasion d’un changement total de décor par rapport aux rizières et aux petits villages de montagne. Sise au fond d’une vallée, au bord d’une rivière serpentant entre des collines escarpées, la ville possède un centre historique pris d’assaut par le tourisme de masse chinois 365 jours par année (366 cette année).

L’arrivée dans cette effervescence avec notre caravane n’a rien d’une sinécure, entre la foule de touristes qui regarde aux fraises ou nous choisit comme sujet de photo (bien en travers de la route pour être sûr de nous ajuster avec l’iphone), installation du marché de nuit et traversée du pont Hong. Ce dernier couvert, à deux étages et rempli à ras bord de boutiques et de mendiants à qui il manque un bras, un nez un œil ou tout le visage… est un peu l’équivalent du Ponte Vecchio à Florence.  Une fois cet obstacle passé – eh oui, un pont peut être un obstacle… – Laure est partie en éclaireur dans les ruelles étroites et bondées pour trouver une pension avec vue sur la rivière, mais celles-ci étant hors de prix en pleine saison (même pas pleins, tellement il y en a !), nous nous sommes rabattus sur un petit hôtel typiquement chinois.

Le vieux rempart donne sur la rivière, tout comme les portes est et nord, dont l’entretien laisse à désirer. Hors les murs, et sur les deux rives, la plupart des vieilles maisons bâties en partie sur pilotis servent de boutiques à souvenirs, cybercafés, pensions ou boîtes de nuit, alors qu’en bordure de la vieille ville fleurissent des grands hôtels dans des styles parfois kitschissimes. Le touriste type voyage en groupe, talonnant une guide à micro qui brandit son parapluie rose au-dessus de sa tête, et se déplace dans des petits bus électriques aux chauffeurs sans foi ni loi, déjà vus à Pingyao (ils ne sont semble-t-il pas soumis aux mêmes règles de circulation que le commun des mortels). On voit également énormément de groupes de jeunes en goguette ou de jeunes couples en voyage de fiançailles ou de noce. Les petites dames des minorités ethniques locales vendent aux jeunes filles des couronnes de fleurs qu’elles arborent fièrement au bras de leur amoureux.

Fenghuang, c’est surtout un festival de lumière pour les yeux dès la nuit tombée : toute la partie de la veille ville donnant sur la rivière – pagode, remparts, tours et temples – brille de mille feux.

En fin de soirée, la vie ne s’arrête pas, au contraire. Le marché de nuit est un haut lieu du gueuleton à la chinoise : on commande des tonnes de nourriture (très bonne) et à la fin les trois quarts passent à la poubelle. On a toujours l’impression de passer pour des rapias à commander juste ce qu’il nous faut (20 brochettes pour 4, une marmite de riz et 3 platées de légumes) et à rendre les plats tout propres.  Dans les rues, les petits zoos en devanture des restaurants exhibés aux enfants la journée deviennent des abattoirs directement dans la rue le soir venu.

Les boîtes et bistrots prennent le relais des échoppes et c’est la bamboulé jusqu’au petit matin. Au niveau des souvenirs, ce n’est pas le choix qui manque : on peut tout acheter, des bijoux aux chapeaux pointus et de la tête de porc séchée à la fausse épée Ming. Mais notre budget voyage et notre chargement nous imposent une certaine discipline et c’est tant mieux ; nous rapporterons des souvenirs dans nos têtes et en photo, plutôt que sous forme de babioles encombrantes.

Retour à la vie sauvage

La nouvelle étape qui n’aurait semble-t-il pas dû sortir de l’ordinaire se transformera en véritable parcours du combattant. La première montée nous coupe littéralement les jambes et la chaleur nous impose dès lors de nombreuses pauses boisson. Au début, on ne s’inquiète pas trop et on profite que les enfants jouent bien avec leurs contemporains locaux et avec le billard de l’échoppe (enfin, ce qu’il en reste !) pour se délasser un peu.

La suite de l’étape nous mène dans des très belles vallées où ça monte et descend sans arrêt, mais les localités ne sont que des hameaux disséminés au gré de la route où nous ne trouvons pas l’ombre d’un logement possible. Apparemment, l’accueil d’étrangers chez soi, contre paiement ou pas, ne fait pas partie des mœurs et on nous renvoie toujours à Huaihua, la prochaine grande ville.

A la nuit tombante, nous en sommes encore à une bonne trentaine de km et d’après la carte, la présence de localités de moyenne importance nous laisse un maigre espoir de trouver un petit hôtel ou un relais routier avant. On continue de nuit – heureusement avec un bon éclairage sur nos véhicules. Pour les 20 derniers km, ça devient l’enfer : la route est de plus en plus défoncée par les camions qui sèment en plus sable, gravier, terre ou gros cailloux à chaque virage. L’explication en est une autoroute en construction 24h/24h : la route nationale, en bon état jusque là, sert de piste de chantier. Heureusement pour nous, les trax et camions surchargés roulent à notre vitesse, le danger vient donc plutôt des dépassements par des voitures dans des virages sans visibilité. Nous avons appris à anticiper ce genre de situation, mais ça reste assez stressant et surtout usant de mettre pied à terre en pleine montée pour éviter des chauffards qui roulent à contresens sur notre piste… Soulagement d’arriver, le ventre vide mais entiers, avec nos deux asticots endormis dans la remorque à Huaihua, passé 22h00, 93 km de tout-terrain dans les pattes. Nous n’avons plus qu’à trouver un hôtel…

Hongjiang

En deux courtes étapes de plaine, quoique sous la chaleur, nous atteignons Hongjiang, ancienne plaque tournante du trafic et de la consommation de l’opium au XIXe siècle, alors que la Chine des Qing était sous la coupe des grandes puissances coloniales, en particulier de la Grande Bretagne. Rien à voir avec Fenghuang : pas l’ombre d’un touriste, la ville semble oubliée du monde et son patrimoine souffre d’une absence totale de mise en valeur.  Elle tourne littéralement le dos aux deux importants cours d’eau à la confluence desquels elle est bâtie ; les quais qui auraient pu accueillir terrasses et échoppes gardent les vestiges en ruine de quelques restaurants et pêcheries glauquissimes, où aucun touriste sensé ne s’aventurerait. L’escalier qui mène aux attractions pour enfants de la terrasse inférieure (château gonflable et manèges) sous le principal pont de la ville sert d’urinoir aux clodos et autres fêtards et de défouloir aux amateurs de pétards du petit matin (ceux qui font du bruit, donc). On y fait aussi brûler des poubelles.

Pour voir la vieille ville, il faut éviter la billetterie et s’enfoncer dans des ruelles cachées par une rangée de façades pouraves aux catelles décrépies. Les hautes façades aveugles en briques grises des maisons qui abritaient les fumeries évoquent avec force l’époque à la fois faste et sombre de ces quartiers pratiquement à l’abandon.

Au détour d’une rue, nous tombons sur une série de figurants en costume « d’époque » et armés de vieilles carabines, occupés sur le tournage d’un film historique se déroulant pendant l’une des Guerres de l’Opium ou la Révolte des Boxers. Ambiance détendue entre deux prises, où chacun est affairé à terminer son bol de nouilles pendant  que les techniciens sont occupés à préparer l’éclairage pour les scènes de nuit.

Malgré l’aspect assez tristounet de la ville, nous y trouvons des habitants chaleureux et souriants, toujours curieux devant notre attirail. Leur attitude à notre égard, à la fois de retenue et de gentillesse est très apaisante en comparaison d’autres villes traversées où on se sentait vite assaillis et oppressés.

STOP !

Après cette pause bienvenue à Hongjiang, on va tomber de haut en début d’étape suivante. En route plein sud à cinq étapes de Guilin, tandis que Laure achète des pommes dans un marché, nous sommes arrêtés par la police. Amenés au poste, contrôle d’identité, formulaires et explications par une jeune fille parlant anglais alpaguée dans la rue par les forces de l’ordre : nous sommes dans une région « non ouverte aux étrangers » et devons rebrousser chemin.

Toutes les tentatives de discussion et de négociation s’avèreront vaines. Nous savions par le Lonely Planet que de telles régions existaient et que l’une d’elles se trouvait dans le Hunan, mais faute d’informations précises, nous n’avions aucune possibilité de savoir qu’elle s’étendait ici. Diverses recherches sur internet nous confirment qu’il est impossible de trouver des cartes ou des listes exhaustives de ces régions, que l’on pourrait alors prévoir d’éviter dans notre parcours… L’officier de police dirigeant le poste était au courant que sa juridiction tombait sous ce règlement, mais il était complètement incapable de nous dire si les arrondissements contigus de la préfecture voisine étaient également interdits pour nous. Il nous a donc renvoyé à Hongjiang en nous disant de remonter jusqu’à Huaihua (3 étapes au N-O) et de prendre un bus pour Guilin (logique, faire 150 km au nord pour aller 300 km au sud !

Bref, finalement nous sommes partis au nord-est – deux étapes en sens inverse – pour rejoindre Dongkou à l’est. L’impression de revivre le même scénario qu’un célèbre général carthaginois traversant les Alpes avec des éléphants… Il s’agissait de prendre la nationale G320 qui traverse les montagnes. A un second contrôle de police, on nous dévie encore un peu plus au nord, mais  nous comprenons que c’est surtout pour nous rendre service : environ 20 km supplémentaires de détour mais pour limiter les montées : on aurait fait 1000 m de dénivelé ce jour-là pour passer la montagne.

Après une nuit au point le plus au nord atteint depuis Huaihua et un nouveau contrôle de police, nous avons repris la route plein sud et sommes sortis des montagnes pour une centaine de km, ce qui fait du bien au moral. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur et malgré les efforts supplémentaires consentis, nous continuons à nous émerveiller chaque jour devant la beauté de cette région. Et quoique certains Chinois nous gavent par leurs manières intrusives, nous nous efforçons de penser à tous les locaux sympas avec qui nous avons partagé biscuits ou pastèque en chemin.

Incompréhension des gens également lorsque nous leur disons que nous allons à Guilin, alors que nous roulons en sens inverse. Tous nous montrent sur la carte la bonne route: celle que nous projetions de prendre au départ, un axe nord sud logique et tout tracé. Nous prenons conscience dans ces moments que le citoyen chinois, tout comme le flic de base, ne connaît rien des restrictions à la liberté dans son propre pays. En fait, du moment qu’on peut rouler à gauche ou à droite de la chaussée et parquer son véhicule n’importe où et n’importe comment, on ne ressent aucune restriction à sa propre liberté individuelle. Dans les villages chacun a le portrait de Mao qui trône au milieu du salon ou du garage et personne ne semble avoir le sentiment de vivre sous un régime qui n’a gardé du communisme que l’aspect totalitaire et dilapidé les valeurs fondamentales.

Trève de philosophie de bas-étage! l’aventure continue, et notre itinéraire encore parsemé de routes de montagnes et de cols nous conduit plein sud en direction du Guangxi, avec Guilin en ligne de mire, enfin!


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La libellule et le papillon

Écrit par Famille Carrard | 29/08/2012 17:35

Eh non ! Nous n’avons pas cédé aux sirènes du Disneyland géologique de Wulingyuan ; c’était hors budget pour nous et vu la météo brumeuse, peu de chances de pouvoir faire LA photo comme dans les guides touristiques… on a remplacé ça par une petite balade en famille dans les champs et les collines.

Nous en avons également profité pour nous familiariser avec le rapport si particulier des Chinois à l’alimentation carnée: au marché, on assiste à toute la chaine opératoire du dépeçage du gros bétail et il faut camber les abats étalés au milieu du passage. Léon adore cette ambiance, surtout la préparation du poisson, mais Eugénie trouve que ça pue et préfère ne pas trop penser au sort réservé aux canards et autres lapins qui s’ébattent joyeusement dans leurs cages… Dans la rue, les devantures des restaurants offrent au regard des passants un joli assortiment de bêtes séchées. Les bouts de lard noircis par les jours/mois/années (faites votre choix!) en exposition y côtoient chats, carpes ou lapins.

 

En guise de beaux paysages et de pittoresque plus « soft », nous en avons pourtant eu plein les mirettes ! Le 17 août, pour l’anniversaire de Frédo, l’étape du jour promettait une belle virée montagnarde et nous n’avons pas été déçus : nous avons débuté par quelques kilomètres à travers des gorges aux falaises et sculptures géologiques à pic surgissant comme des fantômes de la brume matinale.

Puis, prenant notre courage à deux mollets, nous avons attaqué avec l’arrivée du soleil une très belle montée dans les rizières en terrasses, avec heureusement quelques passages ombragés en forêt. Une fois en haut, un coup d’œil sur l’intérieur du parc naturel nous a permis d’apercevoir les fameuses aiguilles rocheuses qui font déplacer tant de cars de touristes. Nous avons poursuivi à flanc de montagne par la route de la corniche locale, sorte de belvédère au milieu des falaises. Celle-ci offrait de splendides coups d’œil sur la  vallée d’où nous avions commencé notre ascension quelques heures auparavant. Pas âme qui vive, à part les papillons et une petite dame qui coupait du bois. Impression fascinante d’être seuls au monde ! Lors de la redescente sur le versant sud, l’entrée principale du parc du côté de Zhangjiajie est brièvement venue nous rappeler la vocation touristique de l’endroit. Par chance, comme un tout nouveau tunnel dessert la région, et que nous évitons au maximum de les prendre à vélo (c’est déjà pour éviter un autre tunnel que nous avons opté pour la montée du matin), nous avons emprunté l’ancienne route touristique vidée de son trafic de cars. Bien que vannés après l’ultime ascension, nous avions encore les sens suffisamment aiguisés pour apprécier à sa juste valeur le panorama de cultures en terrasses qui s’offrait à nous et, surtout, les 600 m de descente qui devaient nous amener jusqu’à la ville de Zhangjiajie.

Cette cité coincée au fond de la vallée ayant comme seul intérêt le point de départ pour le parc proche, nous ne nous y sommes pas attardés et avons repris la route du sud en direction de Jishou, la prochaine grande ville, à trois étapes de montagne particulièrement ardues. Entre autre spécialité des ingénieurs des ponts et chaussées chinois, les montées en courbes progressives paraboliques : au début du faux plat, on voit 1 km plus loin le mur qui paraît vertical de face… bon pour le moral !

En raison de la fatigue accumulée, nous avons donc opté pour une halte intermédiaire à Shidizhen. Si cette petite ville est très peu excitante en soi, son environnement au débouché d’une vallée coincée entre collines, falaises et rizières est très pittoresque ; nous nous sommes donc offert une petite balade à pied au milieu de libellules de toutes les couleurs, mais très difficiles à prendre en photo (là il faut nous croire sur parole…).

Toute cette région montagneuse de l’est du Hunan offre des paysages magnifiques. Plus on s’éloigne des grandes villes, plus la présence de petits villages traditionnels est marquée. Des fermes tout en bois à toiture de tuiles grises, sont parfois disséminées entre petits lacs et rizières dans des paysages enchanteurs, sur fond des collines karstiques caractéristiques que l’on retrouve dans diverses régions du sud de la Chine. Le vert tendre des rizières dans la lumière tamisée forme un contraste du plus bel effet avec les talus des terrasses et les forêts de conifères couvrant les versants les plus escarpés des collines environnantes.

Dans cette région vivent des minorités telles que les Miao et les Tujia et il n’est pas rare de croiser des femmes en habit traditionnel. Ici, en se levant le matin, on revêt son grand chapeau conique et sa hotte de bambou avant de se brosser les dents – lorsqu’il en reste !

 

De notre étape du 20 août, outre les paysages et les inévitables montées, nous retiendrons principalement l’exclamation d’un jeune et cool cycliste chinois aux jambes poilues qui a qualifié notre équipage atypique de « so romantic !».

Le 21 août, après des semaines de canicule et d’étapes rendues pénibles par un soleil de plomb, nous avons enfin pu profiter d’un peu de fraîcheur : départ sous des trombes d’eau et l’après-midi sous un ciel gris agréablement tempéré. Une pause après la dernière montée nous a permis d’observer les tuiliers à l’œuvre, en plein démontage de la voûte du four où quelques mètres cubes de tuiles anthracite ont cuit pendant plusieurs jours.

Jishou, centre régional sans cachet, si l’on excepte une série de ponts enjambant la rivière locale et une pseudo-vieille ville à quelques kilomètres au sud qui paraît entièrement refaite, n’est qu’une ville étape qui donne peu envie de s’y attarder. Nous pensions d’abord excursionner un peu dans les villages et quelques belles vallées de collines environnantes, mais par souci de reposer un peu nos mollets, nous avons préféré mettre notre jour de repos à profit pour faire quelques emplettes et régler certaines questions techniques (bâche à recoudre, chaînes de vélo à dégotter, etc…). Du point de vue humain, le contraste est saisissant avec les journées passées précédemment dans les secteurs reculés (ou dans d’autres villes chinoises traversées plus au nord) : à l’opposé du contact généralement sympathique et détendu avec les petites gens des campagnes environnantes, on tombe des nues en ville, expérience déjà éprouvée à Guzhang, l’étape précédente. Nous voilà confrontés au racisme ordinaire – on nous snobe dans les commerces et les restaurants – et à l’incompétence et à la bêtise du personnel hôtelier, dont la compréhension tant de l’anglais que du mandarin de voyage parlé par le touriste étranger est véritablement à géométrie très variable. Pour illustrer le propos, Laure fait systématiquement l’effort de parler mandarin et les demandes sont toujours les mêmes : étonnamment, certaines fois tout est réglé en cinq minutes , alors que parfois, la réservation d’une chambre est rendue impossible à la dernière minute sous d’obscurs prétextes… Autre spécialité déjà maintes fois observée en voyage, la réceptionniste qui regarde sa série à l’eau de rose en mangeant ses nouilles et en nous ignorant derrière sa pancarte « informations » (bilingue anglais et mandarin) posée sur son desk. Malgré une journée d’effort, nous devons donc penser stratégique jusqu’au but ultime : investir la chambre avec 2 enfants impatients, 2 parents fatigués et plus de 50 kg de bagages. Mais avant, il s’agit de : se faire comprendre sans perdre patience, vérifier l’état de la chambre, maintenir les fauves qui sont dans les starting-blocks, trouver où ranger les vélos, négocier le tarif s’il nous paraît de très mauvais rapport qualité-prix et faire le check-in. Ensuite seulement, nous pouvons envisager de décharger la carrardvane. Parfois, il y a aussi des « surprises sympathiques » que nous ne développerons pas, lorsque nous entamons l’étape du dégreubage…

Résultat, nous préférons ne pas trop nous attarder et poursuivre notre périple vers le sud, à travers rizières, collines et vieux villages : direction Fenghuang, puis Hongjiang, deux anciennes cités que tout oppose.


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Du Yangtzé aux montagnes du Hunan, un petit air méridional

Écrit par Famille Carrard | 21/08/2012 07:47

Le transfert en bus de Xian à Yichang, quelques centaines de km plus au sud, promettait de belles émotions. Nous avons d’ailleurs fait part de nos inquiétudes précédemment. Finalement, la première grimace passée, moyennant un peu de sueur, de cambouis sur les mains et 200 yuans de bonne main à un aide-chauffeur – dans les bus chinois, il y a toujours un certain nombre de personnes gravitant autour du chauffeur qui prétendent faire partie du personnel – tout était arrangé. Le confort des bus couchettes n’est évidemment pas idéal et il ne faut pas être trop regardant à l’état des draps (ou être habillé de long, ce qui n’est pas une évidence à Xian,+36°C début août…). On s’est donc entassés entre deux lits et les couloirs : les enfants ne payent pas, mais ils n’ont pas leur propre couchette et on ne peut pas les faire passer pour des adultes ; après, pour les places en rab’, ça dépend si le bus est plein ou pas.

Finalement, après quelques éclats de voix à faire la police et un arrêt repas sur lequel nous ne nous apesantirons pas, toute la famille a pu dormir, de manière à être frais et dispos – ou presque, Laure n’est pas du même avis 😉 – à notre arrivée à Yichang à 4h00 du matin, après douze heures de bus.

Contre toute attente, l’ambiance à la gare des bus en pleine nuit est plutôt bon enfant : une kyrielle de gens attendent le bus à cette heure et tentent d’engager la discussion. Frédo transpire avec son tournevis tout en expliquant notre trajet sur la carte à une bande de papys qui ergotent sur la fabrication de nos engins : « est-il possible que ces véhicules soient fabriqués en Chine ? ». Eugénie chante, Laure filme et Léon fait sa star sur le tandem.

A 5h00, départ ! On roule jusqu’au petit jour pour sortir de la ville, avant de faire notre désormais traditionnel arrêt pour acheter biscuits, lait et cafés dans une station service avant d’aller poser nos fesses sur les rives du Yangtzé. Le soleil se lève sur un viaduc titanesque qui enjambe le fleuve, les péniches et les petits vieux qui jettent leur filet depuis les rives dans l’eau beigeasse dans l’espoir d’en extirper une carpe encore mal réveillée.

Sinon c’est le défilé des matinaux : joggeurs qui se détendent avant la journée de bureau, employés « Sinopec » qui attendent que soit terminé le plein de leur péniche, vieux qui vont faire leur taïchi, mamys qui dansent en courant et autre nunuche qui promène son caniche customisé au moyen d`une paire de barrettes à nœuds roses en guise de boucles d’oreilles (véridique, mais pas eu le réflexe de dégainer l’appareil photo à temps !).

Mais la route nous attend et c’est sous une chaleur étouffante que nous continuons notre périple, en partie le long du Yangtzé et de ses industries riveraines, puis dans une belle campagne pleine de collines et de briqueteries/tuileries artisanales dès qu’on s’en éloigne.

Le changement de décor avec ce que nous avons vu précédemment est flagrant : le Hubei et le Yangtzé, c’est le sud ! Les plantations de maïs sont progressivement supplantées par de petites rizières et des champs de coton. Les vergers de pommiers et pêchers  laissent place aux orangers ; le long des routes ce sont des alignées de lauriers roses qui nous gratifient parfois d’un peu d’ombre bienvenue. Dans les basses terres, de grandes plantations aquatiques – il s’agit bien de champs immergés, à l’image des rizières – sont couverts de lotus aux fleurs blanches ou roses. Çà et là, des buffles pataugent nonchalamment dans de grands étangs.

Les étapes s’enchaînent et les changements de paysages dépendent surtout des divagations de la route entre les collines et la gigantesque plaine alluviale du Yangtzé, plantée de vignes.

Nous décidons de faire deux jours de pause à Jingzhou, où nous trouvons un hôtel tout neuf pour vraiment pas cher et avec un super accueil : le meilleur rapport qualité-prix à ce jour.

La ville de Jingzhou est une sorte de Xi’an à taille réduite ; si l’agglomération compte 1.5 mio d’habitants, l’ancien centre historique encore doté de son rempart de brique est excentré et tout son pourtour consiste en une douzaine de km de promenade entre les orangers et les lotus qui couvrent l’espace séparant le rempart des douves ; celles-ci sont encore en eau grâce au détournement ancien de bras du Yangtzé.

 Outre les remparts, très peu subsiste de la grandeur passée de cette ancienne capitale ; le centre modernisé selon un urbanisme « à la chinoise » c’est à dire complètement anarchique, a depuis longtemps effacé toute trace des quartiers historiques. Jingzhou garde néanmoins un côté « petite ville » plutôt sympa : les quartiers d’affaires et leurs gratte-ciels se trouvent en effet dans la nouvelle ville située plus à l’est.

Jingzhou abrite un musée archéologique intéressant, avec l’une de ses pièces maîtresses : une momie de 2’300 ans (qui a de très belles dents, selon Léon), mais, définitivement, pas à visiter avec nos deux girouettes ambulantes.

A l’intérieur des murs, jouxtant le musée, outre un vieux temple, le parc Sanguo d’une cinquantaine d’hectares englobant un immense plan d’eau artificiel est complètement laissé à l’abandon. En fermant les yeux, on peut imaginer l’effervescence des soirées d’été : paillottes, grillades et stands à glaces. Tout ceci est délaissé par les locaux et seuls quelques amoureux et joueurs de cartes ou de majong viennent s’y délasser, alors que des touristes suisses à la recherche de glaces tentent vainement de faire le tour des digues (le lac est divisé en cinq parties par des digues reliées par des petits ponts à escaliers) avec leur vélo bizarre. Ce calme est à la fois très reposant et effrayant, comme si la ville autour était totalement abandonnée.

Quitter Jingzhou est aussi une expérience particulière : le seul pont qui enjambe le Yangtzé, large ici de 2.5 km, est une autoroute ; les suivants en amont et en aval se trouvent à une centaine de km (à Yichang pour l’amont) et nous n’avons pas réussi à obtenir des informations sur un éventuel bac qui traverserait le fleuve. Bravant l’interdiction (panneau blanc entouré de rouge avec un vélo au milieu : sauf erreur ça doit vouloir dire la même chose que chez nous…) nous nous engageons à la suite d’un couple de petits vieux poussant son vélo trois-roues, des motos électriques et autres « pèt’-pèt’ ». Bonne surprise : ça roule plus peinard que sur certaines routes secondaires ; il y a relativement peu de circulation et c’est spacieux, on s’offre donc même le luxe de s’arrêter faire des photos et un film.

Après l’épreuve du pont, faute de localité importante à une distance d’étape « standard » (i.e 50-70 km), nous décidons de camper, ce qui est un défi à part entière ; nos tribulations hors des grandes routes nous mènent à travers champs dans un monastère bouddhiste où nous nous faisons inviter pour souper, mais où il ne nous est pas possible de passer la nuit.

C’est donc à la tombée du jour – le pire moment, celui où les moustiques sont les plus voraces – que nous trouvons finalement un bout d’herbe à plat  à l’abord d’une digue. Eugénie avait bien eu une super idée d’endroit plat peu auparavant, mais nous avions dû y renoncer : « Là on peut monter la tente, c’est plat ! » s’était–elle écriée en désignant fièrement le milieu de la route nationale… Nuit étouffante et démangeaisons nous ont vacciné contre le camping pour un moment, mais avec le recul, c’était un petit défi enrichissant.

En entrant au Hunan, nous arrivons dans des terres de plus en plus vallonnées, mais suivons encore pendant deux jours les cours d’eau pour éviter de faire trop de montée.

Après Shimen, les paysages deviennent plus sauvages : les routes quittent parfois le fond des vallées et semblent s’être improvisé un tracé dans le relief au gré de leur humeur. Entre les petits villages, de minuscules champs en terrasse  laissent parfois apparaître de petites maisons en terre construites en hauteur : il s’agit de séchoirs à tabac, culture reine dans la région. Les forêts mixtes où croissent déjà quelques espèces des milieux subtropicaux – çà et là un bananier ou un palmier – recèlent d’innombrables variétés de papillons.

Etonnamment, peu de pittoresque dans l’architecture locale, où les fermes en brique de terre crue ou cuite ont été remplacées par les maisons rectangulaires à façade en catelles. Parmi les particularités du bâti, de grandes entrées à grilles en inox semblent être une spécialité de la région, alors que les demeures des plus nantis se signalent par le nec plus ultra d’un style occidentalisant semble-t-il très à la mode dans le nord du Hunan : le porche à colonnes cannelées et chapiteaux corinthiens dorés (j’espère que les archéologues apprécieront ce descriptif typologique clair et concis !).

L’arrivée dans la région de Wulingyuan et Zhangjiajie, dont le parc naturel classé à l’UNESCO recèle d’étonnantes sculptures géologiques et des grottes, nous replonge d’emblée dans l’un des plus détestables travers de la Chine moderne ; les « scenic areas » à tout crin. Ou comment transformer un site naturel magnifique en Disneyland de pacotille, le tout en pressurisant le touriste de masse dès l’entrée (248 yuans = 40 CHF).

Allons-nous céder aux sirènes du consumérisme ? Vous le saurez au prochain épisode…


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Des industries du Fleuve Jaune aux vertes campagnes du Shaanxi (enfin !)

Écrit par Famille Carrard | 05/08/2012 15:39

Arrivés en vue du Fleuve Jaune, il fallait avouer que notre itinéraire du Shanxi ne nous laissait pas que des souvenirs impérissables. Les abords du cours d’eau le plus célèbre d’Asie nous confirment cette impression : des industries à perte de vue et un fleuve qui ne donne pas tellement envie de s’y baigner, malgré une ambiance playa-paillottes sur les rives… après franchissement du pont, c’est le ponpon (ach pon ?) : sous un soleil de plomb aussi indigeste que le charbon du Shanxi, nous traversons encore une vingtaine de km de zone industrielle ininterrompue, sans doute l’une des plus grosses concentrations de cheminées de refroidissement au monde – un peu comme si on avait appondu 50 centrales de Mühleberg à la suite – ça en devient dantesque, ou pour les poètes, beau comme une pochette de disque de Pink Floyd.

Bref, les derniers km jusqu’à Hancheng sont très longs. Nos efforts sont néanmoins récompensés : si la ville moderne construite sur un plateau a autant de charme qu’une catelle murale chinoise des années 1980, nous tombons sur un petit hôtel dont les réceptionnistes sont particulièrement sympas, ce qui fait du bien. La vieille ville dominée par une pagode se trouve en contrebas ; ses ruelles à l’architecture de bric et de broc, mais avec encore de nombreuses maisons anciennes, est un marché bariolé permanent. Un vaste complexe religieux confucéen à 5 cours jouxte un ensemble plus moderne encore en usage et dédié à une divinité topique où se côtoient joueurs de Go, religieuses et chiens errants, le tout au milieu des éternels travaux de restauration.

Pour retourner en ville, les garçons choisissent l’option de l’escalier qui traverse des jardins en terrasses, monuments commémoratifs de la Longue Marche et divers petits temples pour rejoindre la pagode, alors que les filles font l’ascension en tuk-tuk.

Le lendemain, excursion à Dangjiakun, village historique à l’architecture Ming dont on peut visiter les maisons à cours intérieures. L’emplacement dans une vallée encaissée entourée de forêts ajoute un charme certain au lieu.

Pour rejoindre la région de Xi’an, après avoir quitté Hancheng, nous pouvons enfin profiter de routes un peu moins saturées. Si les villes étapes n’ont qu’un intérêt limité (Heyang, Dali, Lintong), la campagne est faite de plateaux de lœss (plus ou moins plats, on fait tout de même facilement 300-400 m de dénivelé à chaque fois) entrecoupés de profondes vallées ou canyons déjà maintes fois observées dans le Shanxi et souvent assez spectaculaires. Sur les plateaux et dans la large et plate vallée qui s’ouvre au sud sur le Wei (affluent du Fleuve Jaune passant dans la région de Xi’an), les cultures se diversifient et on y trouve vergers et vignes. Par contre, les petits sachets qui entourent chaque fruit pour un mûrissement accéléré restent les mêmes…

De Dali, nous partons tôt avec l’envie de rouler plus vite que les camions, après avoir passé plusieurs jours avec une santé péclotante. Notre objectif est d’atteindre en une journée Lintong (à quelques km de l’armée de terre cuite). 91 km (notre record) plus tard, nous y sommes ! La récompense consistera pour les enfants à se défouler dans un château gonflable au milieu d’une kyrielle de petits Chinois, et pour les parents, à boire une bonne bière avec un excellent repas.

Le lendemain, nous jouons les vrais touristes et visitons l’immense site de l’armée de terre cuite sans appareil photo… Et oui, celui-ci s’est accordé un jour de repos à l’hôtel pour éviter la surchauffe. Il a bien choisi son jour ! Nous arrivons à capter l’attention de Léon et Eugénie pendant deux bonnes heures avec les explications simplifiées de l’archéologue de la famille. Difficile pour eux cependant de comprendre pourquoi tous ces bonshommes sont là. Le retour en bus leur permet de voir la colline qui abrite le tombeau de Qin Shi Huang, le premier roi mégalo d’une Chine unifiée qui s’est entouré de son armée d’argile dans la mort.

Si la sortie de Beijing s’est déroulée les doigts dans le nez, on ne peut pas en dire autant de notre entrée à Xian… Hier, nous étions en plein dans une jungle urbaine où le plus culotté gagne la partie et peut continuer sa route ! N’ayant rien réservé, nous avons légèrement tournicoté avant de trouver une auberge de jeunesse qui pouvait nous accueillir ainsi que nos vélos. Bien sûr, il y a eu des possibilités avant de trouver la bonne adresse, comme de monter tout notre attirail au 6ème étage du guesthouse par la cage d’escalier. Finalement, notre port d’attache pour les deux prochaines nuits est très sympa et nous profitons des petits plaisirs à l’occidentale – qui coûtent la peau des fesses pour notre petit budget, mais qui font un bien fou de temps en temps – avec café machine, milkshake, céréales et pizza !

Contrairement à la capitale, on soigne son look à Xian. C’est branché et il n’y a pas de fausses notes vestimentaires. Nous pouvons observer par exemple que les femmes ne portent pas de chaussettes mi-bas couleur chair avec leurs jupette et sandalettes et que les hommes ne remontent pas systématiquement leur t-shirt afin de dévoiler leur bidon rebondi. Les belles voitures sont un autre baromètre assez fiable de la friquitude palpable. D’un autre côté, les quartiers musulmans permettent le dépaysement total et un joli voyage – temporairement court – en Asie centrale. Et quel bien cela fait ! Que de souvenirs aussi rejaillissent en mangeant des plats ouïghours, en entendant une langue qui nous était familière 6 ans plus tôt. Les enfants apprécient comme les parents le changement de décor et jouent de bon cœur avec des enfants devant une mosquée. Ah… nostalgie… quand tu nous tiens !

Demain, nous tentons une tout autre expérience, celle de prendre un bus jusqu’à Yichang. Ce ne sera probablement pas une partie de plaisir, mais si nous arrivons effectivement à embarquer toute la carrardvane sans mauvaises surprises, cela aura au moins le mérite de nous soulager de 2 semaines de vélo intensives pour coller au calendrier un peu serré de notre planning.

Souhaitez-nous bonne chance…


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