Aventures en famille

Malaisie, quand tu nous tiens…

Écrit par Famille Carrard | 19/03/2013 10:10

Info : c’est bon, l’article a été complété avec les photos !

Pour clore notre magnifique séjour en Malaisie, rien de tel que de passer quelques jours à Melaka, ancienne colonie portugaise bâtie pour contrôler le détroit, actuellement classée à l’UNESCO. L’occasion également – une fois n’est pas coutume – d’apporter quelques éclairages sur la diversité culturelle de ce pays et de livrer nos impressions.

Melaka

Tourisme urbain

Avouons-le, nous avons eu un peu de peine à trouver nos marques au départ, dans cette ville qui, contrairement à Georgetown, l’autre grand site patrimonial de Malaisie, paraît sans queue ni tête du point de vue urbanistique. De l’établissement fortifié portugais, situé environ 3 km au sud-est du centre actuel, seul subsiste un canon pointé vers le large. Les nouveaux quartiers résidentiels actuels occupant les lieux sont plutôt jolis, alors que les résidus de vieux bouibouis populaires qui tiennent davantage du bidonville disparaissent au profit de gros complexes hôteliers. Le « Portuguese Square » n’est rien d’autre qu’un marché couvert en béton de plus et nous ne sommes pas allés vérifier si en lieu et place des nasi goreng, on servait de la bacalhau dans les petits bistrots du quartier.

Le centre-ville actuel, où s’est à l’origine développée l’occupation hollandaise, est séparé en deux parties par la rivière : sur la rive orientale, la colline Saint-Paul porte encore les vestiges de fortifications à son sommet et sur son flanc oriental, mais on a ici davantage affaire à un site archéologique qu’à un centre-ville bâti ; à son pied, directement au bord de la rivière, le quartier rouge s’étend de manière linéaire de part et d’autre de la Christ Church of Melaka, un temple baroque protestant construit par les Hollandais en 1757 (qui n’est pas sans rappeler celui d’Yverdon, de la même époque, à part la couleur) puistransformé par les Britanniques en église anglicane. Le très joli, mais petit centre historique se limite à une belle rue à arcades et à quelques imposants bâtiments coloniaux, tous rouges, couleur d’ailleurs imitée par une série de verrues sans style qui tentent de s’intégrer au milieu.

Sur la rive opposée, le quartier chinois autour de Jonker’s street offre les plus belles vues d’architecture urbaine coloniale, avec quelques superbes temples chinois et la plus ancienne mosquée de la ville. Hélas, l’offre en hôtellerie et restauration étant entièrement tournée vers le tourisme, on y trouve davantage de bars à Guinness et de boutiques de souvenirs que d’échoppes à soupe de nouilles. La population locale y est submergée par les touristes de tous azimuts.

Sinon, d’innombrables rues à maisons anciennes sont éparpillées sur des kilomètres hors du centre, mais non intégrées au périmètre classé, elles disparaissent lentement au profit d’un développement urbanistique complètement anarchique qui fait également fi des piétons et des cyclistes. Finalement, nous avons apprécié le romantisme un peu plus brut des quais graffités – envers du décor des façades toutes jolies du quartier chinois – et du Little India local.

Mention particulière pour le restaurant Indien qui nous a servi de cantine du soir : nous y avons dévoré avec bonheur d’excellents roti canai, nans et diverses spécialités servies sur des feuilles de bananiers. Mais ce qui rendait le lieu attractif, c’est principalement l’ambiance détendue et le personnel au sourire inamovible et aux petits soins pour les enfants.

En définitive, nous avions le sentiment que le centre historique de Georgetown avait un côté beaucoup plus authentiquement populaire que le centre de Melaka, qui semble avoir perdu un peu de son âme à cause du tourisme. Si le centre UNESCO de Melaka est très photogénique, c’est dans les quartiers périphériques que nous nous sommes le plus sentis à l’aise avec le petit peuple local.

Dans la jungle bleue

Pour nous rafraîchir, nous nous rendions en soirée à la piscine municipale – ou plutôt la piscine des Chinois – pour faire fructifier les talents de Léon et Eugénie et … observer les gens : les cours de natation privés avec des professeurs improvisés étaient dignes des Bronzés. Un escadron de gendarmes en slip de bain n’aurait pas été un luxe pour régler la circulation des différents groupes faisant des traversées sans regarder, qui dans la longueur, qui dans la largeur : une version aquatique de la circulation en ville avec feux de signalisation en panne… L’un des grands paradoxes des nageurs (en tout cas les Chinois de Malaisie), c’est que plus ils ont des lunettes de natation, moins ils regardent où ils vont !

Home sweet home

A notre arrivée, nous avons fait un tour de ville pour nous rendre compte que les logements urbains repérés dans nos guides – lorsqu’ils existaient encore – étaient peu avantageux et peu pratiques avec des vélos. Nous avons trouvé un premier pied à terre dans une belle maison coloniale chinoise rénovée, mais un peu excentrée et peu attractive pour une famille avec deux bougillons comme les nôtres. Lors de notre quête de restaurant du 3ème soir, notre découverte inattendue de l’Apa Kaba Guesthouse est donc une véritable révélation : située dans un « kampung » (quartier qui correspondait à l’origine à un village hors du noyau urbain), cette très belle demeure traditionnelle verte et bleue toute en bois est tenue par une famille adorable. Surtout, on y profite d’un immense jardin et des vélos et trottinettes des enfants de la maison.

Au petit-déjeuner, toasts, confiture et vrai beurre sont complétés par diverses spécialités locales, du riz en feuille de bananier à tout un assortiment de beignets salés ou sucrés. Le tout pour une bouchée de pain ! Nous nous y plaisons tellement (coup de cœur pour la cuisinette) que nous repoussons notre départ. Car quand on voyage longtemps, on a parfois besoin de se sentir comme à la maison. Juste à côté, la petite terrasse musulmane du quartier est devenue notre cantine du midi. Idéal pour une assiette de mee goreng servie par une jeune femme au rire communicatif.

Excursion à Ayer Keroh

Afin de nous remettre en jambes le dernier jour, nous avons fait une escapade d’une trentaine de kilomètres à Ayer Keroh. La grande route en plein cagnard nous a mené dans un joli site ombragé, sorte de Signal de Bougy local dont les installations tombent gentiment en désuétude en raison du développement exponentiel de centres d’attractions autrement plus lucratifs dans les environs.

Le zoo voisin venant de doubler ses tarifs (voire tripler pour les enfants), nous avons fait une croix dessus et nous sommes finalement rabattus sur une très chouette place de jeux au bord d’un lac avant de nous faire rafraîchir par un impressionnant orage tropical au retour.

La Malaisie « pour les Nuls »

Diversité culturelle et religieuse

La diversité ethnique et religieuse va de pair avec les groupes humains qui se sont greffés sur le substrat malais à l’époque coloniale. Avec des comptoirs commerciaux dans toute l’Asie du Sud-est, les Chinois ont été présents dans la péninsule bien avant l’arrivée des Occidentaux. Ils s’y sont implantés massivement et durablement à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Quant aux Indiens, ce sont les Britanniques qui les ont fait venir à la même époque, en premier lieu pour travailler dans les plantations d’hévéas, puis de palmiers.

Les Malais sont généralement musulmans sunnites, mais on trouve des communautés chrétiennes : catholiques convertis par les premiers missionnaires portugais ; protestants évangélisés par les Hollandais, puis les Britanniques. Du fait de la forte présence coloniale à Melaka, les communautés chrétiennes sont bien représentées dans cette région. Plus généralement, les Chinois pratiquent toutes sortes de religions populaires en plus du bouddhisme et du taoïsme, mais également le christianisme. Ainsi, chaque ville possède son église méthodiste chinoise. Les Indiens sont majoritairement hindous, une part importante provenant aussi des communautés islamiques présentes dans tout le sous-continent.

L’ensemble de ces groupes cohabite pacifiquement. Par contre, le sens communautaire étant très fort, les incompatibilités culturelles se ressentent dans la vie sociale : un mariage entre une Musulmane et un Chinois est quasi impossibles, par exemple.  De plus, les enfants fréquentent des écoles propres à leur communauté ethnique, linguistique et religieuse, ce qui ne facilite pas le mélange : les matières et les valeurs enseignées sont ainsi propres à chaque groupe.

La Tour de Babel à côté, c’est du pipeau…

Une multitude de langues sont parlées en Malaisie. L’affichage publicitaire en ville et les enseignes des commerces nous indiquent l’origine des tenanciers ou des constructeurs du bâtiment. On passe allégrement d’inscriptions en langue malaise, en alphabet latin ou arabe (comme dans la plupart des pays islamiques, utilisé par les Malais avant l’époque coloniale), idéogrammes chinois ou alphabet sanskrit.

Le malais est la langue maternelle des … Malais, soit un peu plus de la moitié de la population. Le reste se répartit entre de multiples dialectes du sud-est de la Chine, principalement le hokkien et le cantonais. Mais dans les écoles, on enseigne le mandarin comme langue officielle pour tous les Chinois. Pour les Indiens, c’est encore plus compliqué, vu les innombrables idiomes parlés par les multiples ethnies originaires du sous-continent. Les Tamouls y sont néanmoins majoritaires.

Dans les régions reculées, quelques minorités (les Orang Asli) parlent d’autres langues indigènes. Si le malais est la seule langue officielle pour tout le monde, il n’est cependant pas étonnant que l’anglais occupe une place importante dans les échanges, passé colonial oblige et aussi parce que c’est la langue internationale commune enseignée dans les écoles spécifiques à chaque groupe ethnique ; aucune surprise donc d’entendre des citoyens malaisiens chinois et indiens se parler en anglais (c’est un peu comme lorsqu’un Romand et un Alémanique parlent ensemble en anglais car aucun ne veut parler Hochdeutsch) ! C’est pourquoi au restaurant, une carte traduite en anglais n’est pas uniquement destinée aux touristes. Well…

Nos impressions

Le Malais, c’est facile (et parfois rigolo) !

Du colonisateur, la langue malaise a assimilé l’alphabet latin et nombre de mots d’origine anglaise retranscrits de manière phonétique. C’est en les lisant à haute voix que l’on comprend leur sens : « teh limao ais » pour les thés-citron glacés ; « botol » pour une bouteille ; « stesen » pour la gare ; « bas sekolah » pour les bus scolaires ; « motosikal » pour une moto  etc… quant à nous, nous voyageons sur nos « basikal ».

D’usage quotidien, on trouve des mots issus d’autres langues européennes, comme le français (l’indéboulonnable et international « restoran ») ou le portugais (« bomba » pour les pompiers). D’autres mots ont des étymologies plus obscures, mais prêtent à sourire, comme « isteri » pour l’épouse…

La palme du sympa pour les Malais et Malaisiens

Depuis notre arrivée en Asie il y a bientôt neuf mois, la Malaisie est de loin le pays où il est le plus facile de voyager en famille, du fait du bon niveau d’anglais et aussi du contact assez facile avec les locaux. Les gestes et mots de sympathie à notre égard ainsi que la bienveillance générale vis-à-vis de ces Occidentaux pédalant sur leurs drôles de machines nous ont généralement fait chaud au cœur. Combien de fois avons-nous entendu « take care ! » ou « God bless you ! » ? Sans parler des marchands qui offraient spontanément des fruits, etc…

Malaisie rime avec famille

Avec les enfants, comme partout en Asie, nous avons été bien accueillis presque sans exception. La principale différence avec les pays visités précédemment, c’est qu’en Malaisie, on trouve en plus un peu partout des espaces de détente avec places de jeux en très bon état. Nul besoin de s’inquiéter comme en Chine dans les châteaux gonflables défaillants plantés parfois dans des endroits sinistres, comme au Vietnam dans une cage remplie de 1.50 m de boules plastique où l’on voyait disparaître les enfants piétinés ensuite par d’autres, comme au Laos dans l’unique place de jeux du pays praticable uniquement de nuit (pas d’ombre) sans éclairage ou encore comme au Cambodge dans les prés où le gambadage était impensable à cause des mines… Bien sûr, une place de jeux, un zoo ou un parc d’attractions ne sont dans l’absolu pas nécessaires pour faire découvrir un pays à des enfants. Néanmoins, même à dose homéopathique, ils prennent un immense plaisir à se défouler dans un espace qui est spécialement conçu pour eux. Et pour les parents, quel plaisir de se détendre !

Encore un autre signe qui ne trompe pas : dans les restaurants, il y a systématiquement des chaises hautes pour bébés. On croit rêver ! Bref, un pays où il fait bon voyager avec des petits !

A table !

Autant nos mirettes sont restées sur leur faim à cause de paysages souvent dénaturés, autant nos papilles ont été largement mises à contribution ! Sans vous citer toutes les spécialités chinoises, malaises et indiennes que nous avons goûtées (pour cela, il suffit de lire nos articles sur la Malaisie, il y en a un peu partout), faites-nous confiance, nous avons réservé une part importante de notre budget pour… manger !

Sûrement parce que nous avions besoin de changement après des mois de nouilles et riz sautés, notre cuisine favorite était indienne. Peut-être aussi la plus accessible pour les enfants avec une pensée particulière aux roti canai que nous avons appréciés à toute heure du jour et de la nuit. La révélation était à tel point réussie qu’une prochaine aventure en Inde n’est pas exclue !

Nous découvrons que l’outillage principal pour se sustenter est la main droite. Dire que nous nous battons depuis toujours pour que Léon et Eugénie se servent de leurs couverts… Car voir une petite Malaise manger avec ses doigts est bien plus classieux qu’une Eugénie qui s’en donne à cœur joie en offrant un spectacle apocalyptique…

Alors, si vous êtes aussi gourmets et gourmands que nous, la Malaisie est une étape incontournable pour votre prochain voyage à thème !

Et vogue le ferry pour Sumatra

Pendant notre semaine à Melaka, nos montures ont subi un lifting en règle et les dérailleurs ont fait leur séjour de remise en forme chez l’ortho-mécano. Nous avons également pu profiter du « service de poste » offert par deux adorables Bernoises sur le retour.

Au matin du 15 mars, tout notre barda empaqueté, nous sommes donc fins prêts à quitter Melaka et la Malaisie, non sans une petite larme à l’œil. Objectif : l’Indonésie ! La traversée sur Dumai (Sumatra) se fera en ferry, puis nous enchaînerons avec un bus de nuit jusqu’à Parapat (lac Toba), où un nouveau ferry nous mènera jusqu’au village de Tuk Tuk. Arrivés le samedi 16 en fin d’après-midi dans un état second, nous y prendrons quelques jours bien mérités de repos total les pieds dans l’eau fraîche.

Mais cette équipée haute en couleurs vous sera contée une fois que nous aurons déjà quelques cols derrière nous… Nos mollets en tremblent d’avance !


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Un roc, un pic, un cap, une péninsule !

Écrit par Famille Carrard | 13/03/2013 18:18

On roule plus vite que la mousson…

La semaine à Penang nous a permis de recharger les batteries, de nous imprégner un peu plus de la culture des minorités chinoises et indiennes et de nous rendre compte que la saison des pluies n’était pas tout à fait terminée en Malaisie péninsulaire. Nous y avons d’ailleurs essuyé quelques impressionnants orages certains soirs.

Pas étonnant donc de rejoindre la côte sous un ciel gris que nous n’avions quasi pas connu depuis la Chine. A notre arrivée en Asie du sud-est sous des latitudes tropicales, nous avons toujours suivi la mousson mais en six mois, on pouvait compter le nombre d’averses sur les doigts d’une seule main. L’aspect positif, c’est que du coup nos trajets à vélo ont été rendus plus supportables en raison de températures agréables, sinon fraîches, comme en juillet en Suisse !

Sur les traces des Chinois, de Taiping à Ipoh

Les plaines de la façade occidentale n’offrent à vrai dire pas grand intérêt : après Butterworth, nous nous familiarisons avec notre nouvelle carte routière dans un réseau passablement bétonné, industrialisé et pollué (souffle court). En avançant vers Taiping, nous pouvons prendre des routes secondaires traversant rizières, palmeraies et – dès que les collines imposent leurs pentes escarpées – de vraies forêts tropicales encore épargnées par les défrichages. C’est aussi dans les campagnes que l’on trouve une population plus authentiquement malaise et musulmane.

A Taiping, notre première pause dans la province du Perak, nous nous installons dans un vieil hôtel de style colonial ayant, pour la petite histoire, servi de QG à l’état-major japonais en garnison dans la région pendant la Seconde Guerre Mondiale. Quelques anciens hôtels, maisons marchandes, une tour-horloge et les marchés s’ajoutent au tableau des quelques pittoresques vestiges de la grandeur passée de la ville, lorsque c’était le centre névralgique du commerce chinois dans la région. La ville se targue par ailleurs d’avoir toute une série de « premiers » en Malaisie : première gare, premier zoo, etc…

La visite du zoo n’a pas déçu nos attentes : moderne, animaux en bonne santé, place de jeux, environnement très vert au milieu de jolis parcs… Léon et Eugénie ont été ravis d’en faire la visite avec leur papa, pendant que maman se reposait. Nous n’avons pas oublié la photo souvenir avec le python albinos local. Ironie du sort, la plus grosse colonie de macaques des environs squatte les abords extérieurs de l’entrée et tient le premier rôle dans le « recyclage » des déchets produits par la clientèle du zoo…

Nous avons ensuite retrouvé les collines pour rejoindre Kuala Kangsar, autre charmante petite ville dont les monuments royaux essaiment hors du centre. Nous atterrissons dans un sympathique hôtel chinois bon marché (palme du meilleur rapport qualité-prix en Malaisie), avec « tea room » ombragé attenant pour prendre les 4-heures avec les locaux du quartier de toutes origines : il est plaisant qu’en ce lieu, Malais, Chinois et Hindous se mélangent, ce qui n’est de loin pas toujours le cas !

Après une petite sieste, balade sous les portiques des maisons chinoises pour rejoindre la plus belle place de jeux vue en 8 mois d’Asie. Nous y observons une scène assez cocasse ; les Malaises musulmanes de tous âges se sont mises à une pratique dont nous croyions seuls les Chinois friands : la danse collective en plein-air sur des airs disco-gnan-gnan! Il faut bien admettre que cet exercice n’est pas un luxe à la plupart pour gommer un peu leurs rondeurs superflues, d’habitude habilement camouflées sous des habits amples et longs!

Au retour, un arrêt dans la grande salle du centre culturel chinois en pleine effervescence nous a plongé une dernière fois ( ?) dans l’ambiance du Nouvel-An Chinois (que nous ne présentons plus, c’est la dernière fois qu’on en parle, promis !).


De Kuala Kangsar, nous avons slalomé entre les palmeraies et contourné la montagne pour rejoindre Ipoh, sous des averses tropicales ravigotantes (courtes mais efficaces) ! Cet arrêt s’imposait avant de filer dans les Cameron Highlands. Nous avons fait un décevant tour de ville sur la rive occidentale de la rivière, où se trouvent théoriquement les quartiers coloniaux les mieux conservés : en fait, une ville fantôme aux devantures fermées ; nous sommes vite retournés nous réfugier sur la rive orientale, plus moderne.

Outre notre stamm dans la boulangerie locale, nous y avons apprécié un marché coloré dans un bâtiment hideux, une petite échoppe indienne où on pouvait siroter d’excellents thés « tarik » et toutes les déclinaisons des crêpes « roti ». Ces délices nous étaient servis par un grand nounours moustachu au sourire bienveillant, sur fond du heavy metal du stand voisin. Dans ce quartier subsistaient tout de même quelques très belles rues anciennes de maisons à portiques abritant les commerces les plus divers.

 Il n’y a guère qu’en repartant pour la gare des bus que nous avons aperçu de loin les quartiers plus monumentaux hérités des colons Britanniques, comme la grande gare d’un blanc immaculé, pas assez cependant pour nous faire dévier de notre trajectoire. Nous étions déjà branchés sur notre prochain défi : faire entrer nos vélos dans le premier bus du matin pour effectuer sans (trop) se fatiguer les 1600 mètres de dénivellation pour atteindre Tanah Rata, dans les Cameron Highlands.

Dans les Highlands, on fait son marché

Aucun regret d’avoir avalé rapidement la très belle route en lacets traversant la forêt tropicale, car c’est une ascension sans répit qui nous aurait attendu : sur près d’une centaine de kilomètres, pas un bistrot. Arrivés en haut, c’est la baffe ! La jungle a disparu et tous les flancs des montagnes sont occupés par des serres qui semblent surtout tenir là par la force de l’esprit. Pas trop envie d’aller y sarcler des salades en pleine mousson, en tout cas ! On y produit, choux, tomates et – surtout – des fraises hors-sol célèbres et célébrées loin à la ronde. Maraîchers et pépiniéristes rivalisent d’ingéniosité pour exploiter le moindre mètre carré de ces terrains pentus et ravinés sur leurs vieilles jeeps rouillées. Sortis des serres, nous traversons Brinchang, puis atteignons notre but Tanah Rata.

De Brinchang, nous sommes surpris de découvrir des hôtels belle époque désuets, décrépits, et probablement beaucoup trop grands pour la demande en saison… en faisant abstraction de l’environnement végétal tropical, on pourrait se croire dans des stations alpines à sanatoriums au début de l’automne. Quelques maisons d’hôtes plus haut de gamme reflètent bien l’influence britannique et rappellent d’autres « Highlands ». Nous nous souvenons avoir vu peu ou prou les mêmes maisons de maîtres près de Pitlochry en Ecosse.

Autre signe de l’héritage britannique que nous n’avions pas encore connu en Malaisie (et plus intéressant pour nous autres gourmands) : au nombre des spécialités locales, on compte de « divins » scones que nous avons dégusté à plusieurs reprises dans un café de Tanah Rata, le bien nommé « The Lord’s Scones ». Mais ici, point de grands rouquins en kilt ! Ce sont les Chinois qui sont propriétaires des plantations et des hôtels, alors que les Indiens tiennent les restaurants et font les petites mains dans les serres.

En parlant de serres, pour ne pas oublier qu’en Suisse, février rime avec l’arrivée des fraises espagnoles hors-sol de saison, nous n’avons pas manqué l’orgie de ces succulents fruits rouges sous serre, garantis locaux. C’est le seul endroit en Asie du Sud-Est où elles soient produites… Nature, en confiture, shake, brochette trempée dans du chocolat fondu, avec miel et crème fouettée, nous avons eu du mal à nous arrêter !

Néanmoins, accueillis par les frimas et des averses dont nous avions presque oublié l’existence, nous avons été également refroidis par les tarifs surfaits de l’offre hôtelière et avons donc décidé de ne pas nous éterniser dans les Cameron Highlands. Nous avons donc repris la route – à la descente, ouf ! – et terminé notre traversée des serres. Nous avons heureusement profité du spectacle autrement plus esthétique des plantations de thé dans la vallée qui descend sur Ringlet, avant de filer vers la plaine sur le versant oriental des Cameron Highlands avec la remorque remplie de confiture, miel, thé et fraises. Quel plaisir de faire son marché à la « ferme version chinoise » !

La traversée de la jungle

La récente route 156 rejoint la vallée de la rivière Pahang et traverse des contrées encore sauvages, mais jusqu’à quand ? Le contraste est assez saisissant lorsque l’on passe les dernières serres pour entrer presque sans transition dans la jungle. Quelques villages-dortoirs pour les Tamouls exploités dans les plantations sont visibles le long de la route pendant quelques kilomètres. Puis des chantiers routiers annoncent la fin prochaine de la vie sauvage dans l’une ou l’autre des vallées qui serviront bientôt au transit nord-sud.

Ensuite de quoi, ce sont 60 km de vraie jungle qui nous accompagnent de part et d’autre de la formidable saignée que constitue le tracé bétonné. Absence totale d’activité humaine hors du tracé lui-même. Sans localité, ni lieu d’approvisionnement, nous avons été bien inspirés de prévoir notre réserve de fruits, en plus de nos éternels crackers de secours et de notre stock d’eau potable. Une fois redescendus de la montagne, la plaine s’apparente en réalité à un vaste tapis de cartons d’œufs : succession ininterrompue de petites bosses et de petits trous où la route ne cesse de monter et descendre. Si l’on y ajoute l’alternance entre moiteur et averses tropicales, cette étape n’avait rien d’une promenade de santé. Au bout de 100 km, le premier village, Sungai Koyan est donc l’étape obligée pour fêter notre retour dans la civilisation (entendez : les palmeraies), accueillis par notre cinq ou sixième douche tropicale du jour, la plus grosse.

Faute d’hôtel, nous serons baladés par un sympathique Pakistanais à moto à la recherche de son ami. Une fois celui-ci trouvé à la sortie de la mosquée, il nous logera généreusement chez lui, dans la remise, moyennant que nous l’écoutions nous raconter sa vie, le CV complet de ses neuf enfants et ses projets (à 78 ans !) de transformer sa maison en chambre d’hôtes… le tout pendant que nos loustics faisaient les 400 coups avec les enfants du voisinage… autant dire que nous n’avons pas eu trop de peine à trouver le sommeil une fois couchés !

Deux étapes supplémentaires à travers les palmiers sous une chaleur étouffante – nous savons désormais ce qu’est véritablement le climat tropical – nous mènent à Jerantut. Les routes décrivent d’incroyables détours à travers palmiers, collines et vallées, en se gardant bien de suivre ce que l’on aurait pu imaginer être la voie la plus naturelle pour un axe de communication comme le long de la rivière par exemple. Si les palmiers ont remplacé la jungle, les montagnes russes s’intensifient. Visions d’horreur à chaque sommet atteint : nous avons à nos pieds une descente abrupte et en face, la remontée du mur suivant dans la foulée ! Mais ne nous plaignons pas car en poussant nos vélos, nous effectuons souvent les ascensions plus vite que les camions surchargés de teck ou encore les vieux Indiens poussant leur bécane dont le moteur grillé vient de rendre l’âme… sourires empreints d’empathie en se croisant. Entre forçats, on se comprend !

Tchou Tchou

Jerantut, nous voilà… Un peu pressés par le temps et pour dire vrai, ayant eu notre dose de jungle pour un moment, nous tirons une croix sur la visite du parc national de Taman Negara sans regret.

Le « jungle train » sera notre prochaine aventure. Une loco vapeur et deux wagons aux portes toujours ouvertes (tenez vos enfants !), rien de tel pour s’économiser trois jours de vélo à travers les palmeraies. Pas le temps de pétouiller, il est à l’heure et reste deux minutes chrono en gare.

Nous passons donc une demi-journée dans un tape-cul qui roule bien assez vite par rapport à l’état de la voie. Pas grand monde, on prend nos aises ou plutôt, on case tout notre barda comme on peut dans l’arrière du train. Le paysage défile et – à part les rails eux-mêmes – c’est beaucoup plus horizontal que les régions traversées ces derniers jours. A l’arrêt dans une petite gare de campagne, nous restons en rade pendant que les deux mécaniciens et le contrôleur vont, sans se presser, faire leurs emplettes au marché du village et reviennent s’asseoir sous un cocotier au bord de la voie pour faire leur pique-nique. Nous attendons de croiser un train en sens inverse et c’est le seul endroit où la voie soit dédoublée. Une heure plus tard, arrive une même loco à vapeur que la notre, traînant de vieux wagons japonais bleus qui portent encore la pancarte de leur dernière destination avant leur seconde vie en Malaisie : Nagasaki !

Nous pouvons repartir et arrivons une heure plus tard à Gemas, une drôle de ville entre palmeraies et friches, qui ne semble avoir de raison d’être que pour sa gare. La toute nouvelle est d’ailleurs en phase d’achèvement pour remplacer la vieille « stesen » en bois, assurément indigne de ce nœud ferroviaire où se rejoignent la ligne occidentale en plein lifting et la « jungle railway ». Les hôtels étant trop pourris ou trop chers, nous décidons à 15h00 (après dîner) de rouler un peu, le temps de trouver un logement digne de ce nom. Ce sera Tampin, 56 kilomètres plus loin, où nous arriverons à la nuit tombée. Pas mal pour une étape de vélo entamée en milieu d’après-midi ! Nous ne ferons qu’une nuit dans cette sympathique petite ville, car la mer nous attend.

Entre migrateurs…

Repas au resto indien où, coïncidence, nous nous trouvons dans le quartier où les hirondelles ont choisi de se réunir avant d’entamer leur migration de printemps au nord. Ces sympathiques volatiles n’ont qu’un défaut : une fois alignés par centaines sur les câbles électriques, ils ont tendance à laisser se relâcher la musculature de la partie postérieure de leur corps. Ultime effort du jour, nous devons donc déménager de la terrasse du restaurant, afin de sauvegarder l’intégrité et la saveur de notre double portion d’excellents « roti canai ».

Ce soir-là, la présence des hirondelles nous ouvre les yeux sur un détail piquant : depuis notre départ de Chine, nous voyageons ensemble, avec elles. Nous les avons suivies dans tous les pays que nous avons traversés et, l’idée – aussi triviale soit-elle – que notre périple s’apparentait aux migrations d’un oiseau commun à nos contrées ne nous avait jamais effleurée… C’est maintenant chose faite et nous avons décidé que la prochaine fois que nous ferions Pékin-Sydney, ce ne serait pas en pédalant, mais en volant.

Retour sur la côte ouest

Trêve de plaisanteries, nous disions que la mer nous attend et dès le lendemain, nous attaquons une nouvelle tranche de palmeraies et de plantations d’hévéas – on les avait oubliés ceux-là – pour rejoindre Port Dickson, sans doute la ville touristique la plus moche de Malaisie. Comme nous sommes motivés et que nous trouvons un peu de fraîcheur sur la route du bord de mer en début de soirée, nous laissons de côté motels et resorts de luxe et prolongeons l’étape d’une vingtaine de km jusqu’au Cap Rachado, où nous nous offrons enfin une vraie pause dans un resort du même nom et à portée de notre bourse. Cette péninsule était l’un des points névralgiques pour contrôler le détroit de Malacca et les Portugais y ont, dès leur conquête de ces territoires, installé tour de surveillance et phare. Actuellement, aussi loin que porte le regard, c’est une procession ininterrompue de cargos qui traverse ce bras de mer reliant la mer de Chine à l’océan Indien.

Après la piscine, l’excursion terrestre. Une fois passé le parking du dernier hôtel de luxe, la petite route traverse la forêt tropicale où une très belle montée nous mène au phare. C’est le lieu privilégié pour l’observation de toutes sortes d’oiseaux migrateurs, en particulier de grands rapaces. Nous avons d’ailleurs de nouveau pu observer quelques magnifiques spécimens d’aigles de mer dans les parages. Le reste de notre temps, pendant les deux jours passés sur place, s’est partagé entre farniente, piscine et petites incursions sur la plage.

Pour rallier Melaka, deux nouvelles étapes campagnardes traversant villages de pêcheurs, jolies maisons traditionnelles en bois et diverses plantations seront nécessaires. La halte intermédiaire  à Tanjung Bidara nous offre une avant-dernière fois l’occasion de faire faire un peu de natation à Léon et Eugénie avant l’Indonésie.

N’appréciant guère l’atmosphère un peu snob et froide de l’établissement, nous avons préféré nous éloigner un peu de la mer (non sans avoir admiré le très beau coucher de soleil) pour aller manger local dans le petit bouiboui du coin, tenu par une brochette de mamies rigolotes. Nous serions bien restés plus longtemps à Tanjung Bidara pour la piscine et la vue sur la mer, mais les tarifs un peu abusés de notre ultime pied à terre balnéaire nous donneront finalement l’impulsion nécessaire pour tirer jusqu’à Melaka.

Avant-goût de Melaka

Melaka, comptoir portugais, puis hollandais et britannique, où la fusion des modes culinaires locaux avec ceux des immigrants chinois et Indiens a donné naissance à la cuisine nyonya (réflexions générales et culinaires sur la Malaisie suivront).

Voilà un endroit qui paraît idéal pour terminer en beauté notre séjour en Malaisie, avant de traverser le détroit pour l’île de Sumatra, pas (c’est ainsi que la grand-maman paternelle de Laure aurait conclu) ? Embarquement le 15 mars, souhaitez-nous bonne croisière !


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Une semaine à Penang

Écrit par Famille Carrard | 06/03/2013 16:42

Georgetown

L’île de Pulau Penang est un des hauts lieux du patrimoine architectural colonial en Malaisie. La partie côtière du chef-lieu Georgetown, longeant les quais à l’est et au nord de la ville, constituait le quartier colonial lui-même où se dresse encore aujourd’hui tout l’appareil monumental britannique avec les tours-horloge, divers palais et gros bâtiments administratifs. On y trouve également le fort Cornwallis, premier comptoir fortifié au XVIIIe siècle, ainsi qu’églises et musées.

Le long de la côte est, entre les terminaux des ferries et autres installations portuaires, un étonnant villages de pêcheur sur pilotis s’avance sur la mer. Nous sommes chez les Jetty, une communauté chinoise qui a la chance d’avoir son village classé à l’Unesco (les critères ne doivent pas être les mêmes que pour Lavaux…).

Au gré des marées, ils sont tantôt entourés d’eau, tantôt au milieu d’une vase nauséabonde où prolifèrent crabes, périophtalmes (les fameux poissons amphibies que les enfants appelaient « tritons traités » à Ko Phayam) et d’où émergent une multitude d’épaves de navires : assurément un chouette terrain de jeu pour les futurs archéologues.

Tout le vieux centre populaire se partage entre les quartiers indien et chinois, truffés de maisons à portiques et façades à moulures ; on y découvre également une ribambelle de temples surtout dans les styles chinois souvent très colorés, où l’on peut déambuler librement, ce qui n’était de loin pas le cas en Chine !

Les temples hindous ou les petites mosquées des communautés indiennes musulmanes ajoutent encore leurs couleurs à cette ville étonnante. Le reste de Georgetown appartient davantage aux Malais musulmans, avec encore des petits quartiers de style colonial disséminés entre parcs et centres d’affaires.

Entre cyclos

Ricky et Kimi, le couple de Malaisiens chinois rencontrés sur le ferry nous ont présentés à d’autres cyclos sympathiques et nous avons fait tous ensemble notre tour de la ville (enfin surtout des quartiers chinois). Alain, de Valence, fait un peu le chemin inverse du nôtre et remonte vers la Thaïlande. Toujours de bonne, d’une patience incroyable et adorable avec les enfants, il a eu particulièrement de succès avec Eugénie ! Satoshi, un cyclo japonais très sympa à la barbe fleurie pourrait quant à lui bien nous rendre visite en Suisse dans quelques mois…

Quant à Ricky, son crédo est qu’on peut aller à vélo absolument partout, en respectant les signalisations et règles de circulation, s’il vous plaît ! Nous nous sommes donc retrouvés à faire un tour de ville épique que nous aurions pu raccourcir de moitié à pied, à cause des interdictions de circuler, de tourner à droite, des bermes centrales sur les grands axes etc… de notre point de vue, Georgetown n’est pas vraiment une ville pour les cyclistes et nous avons donc ensuite décidé de laisser souffler nos montures quelques jours, sauf pour des excursions hors de la ville.

Nouvel-An chinois

Pour ceux qui s’étonnent que nous revenions sur le sujet du Nouvel-An Chinois (NAC), alors que nous en avons déjà parlé dans deux articles précédents, il faut bien avouer que nous avons eu l’impression de baigner dedans depuis plusieurs semaines et qu’au moment d’écrire ces lignes, nous ne sommes pas certains que ce soit terminé. Si le Nouvel-An occidental dure du 31 décembre au 1er janvier, pour le NAC, au contraire, ça doit plutôt être du 1er janvier au 31 décembre…

Rendez-vous était pris avec nos amis Ricky, Kimi et Alain pour voir ensemble les festivités du NAC. Nous avions tout de suite annoncé la couleur à Ricky : pour nous ce serait à pied, hors de question de prendre les vélos dans la foule, ça tombe sous le sens. Nous avons donc passé toute la soirée à pied, affublés de Kimi et Ricky fendant la foule avec leurs vélos, ce qui finalement était bien utile, puisqu’on pouvait poser les enfants fatigués sur le porte-bagages…

La fête elle-même commence par les danses des dragons, avec des rythmes de tambours endiablés qui se marient de manière étonnante avec les chants du muezzin appelant à la prière du soir. Ensuite scènes de fête dans les rues, où stands de nourriture, spectacles de quartier ou grande scène rivalisent d’imagination avec les charlatans en tous genres pour attirer le badaud. Difficile de trouver où s’asseoir pour croquer une morce et c’est finalement dans les petits bouibouis près du port que nous parvenons à poser nos fesses sur des caisses de bières, faute de tabourets. Pour la fin de soirée, nous faussons compagnie à nos amis cyclistes sino-malaisiens pour pouvoir errer plus librement à la recherche d’un dessert avec Alain. C’est tout de même un peu moins speed…

Espaces verts et leurs occupants (jaloux)

Pour nous mettre un peu au vert dans cette fourmilière multicolore, nous nous sommes lancés en quête de verdure. Une très belle place de jeux au bord de la mer semblait être parfaite pour laisser nos deux terreurs se défouler, mais les corbeaux (un nombre presque affolant en ville) en ont décidé autrement. Très nerveux, l’un d’eux est même venu donner un coup de bec sur la tête d’Eugénie. Plus de peur que de mal, mais ça nous a quand même un peu refroidis. Nous n’aurions pas été surpris de voir Hitchcock traverser le parc !

Plus sympa en revanche, l’excursion au jardin botanique constituait un joli but de balade à vélo et l’occasion de voir encore quelques beaux temples hindous sur la route. Si en soit il n y a rien de passionnant à visiter, sortir du brouhaha urbain et se promener dans la verdure nous a offert un bon bol d’air pur, dès lors qu’on arrivait à trouver un peu d’ombre. Parmi les occupants, papillons, varans et singes : des langurs, très jolis singes à lunettes qui ressemblent à des peluches et vivent tranquillement leur petit bonhomme de vie sans se soucier le moins du monde des humains.

Sinon, on trouve comme partout depuis la Chine les éternels macaques, plus démonstratifs. Léon n’a d’ailleurs pas manqué de décrire avec la candeur propre aux enfants une situation saugrenue en désignant un mâle en pleine excitation tentant de s’accoupler  avec sa femelle,  apparemment plus intéressée par une vieille pomme trouvé dans une poubelle publique : « Regardez, il essaie de lui piquer son bout de pomme ! ».

Nous avons encore fait une autre balade sur la colline de Penang, la montée en funiculaire constituant déjà une part importante de l‘attrait de la visite. Du sommet, où trônent temple hindou, mosquée et une petite volière, on embrasse toute l’île, la ville de Georgetown avec ses buildings et hôtels de luxe qui essaiment le long de la côte nord et le pont autoroutier qui relie l’île à la terre ferme.

Enfin, la petite journée bord de mer n’avait pas la saveur des plages thaïlandaises, à cause de la pollution et de la multiplication des sports fun pratiquement sur les rivages. Plutôt que d’admirer quelques décérébrés frimant sur leurs jet-skis, nous avons préféré rester le nez en l’air à admirer la valse lente de trois aigles de mer.

Pas seulement des vacances…

L’arrêt d’une semaine à Georgetown n’a pas été consacré qu’au tourisme, loin de là. Parmi les multiples choses à régler, nous avons profité de cette escale pour faire nos visas indonésiens. Malgré de nombreuses questions au consulat, notre demande a été acceptée et nous avons obtenu le précieux visa de 2 mois que d’autres voyageurs rencontrés se sont vus refuser à la capitale. Dans ce genre de situation, on se dit simplement : Yeeee !!! Il y eut aussi un peu de bricolage sur les vélos. Nous avons ainsi changé les chaînes que nous traînions depuis le Laos et les pneus de la remorque, avant de devoir rouler directement sur la chambre à air.

Laure a dû faire soigner une infection à une cheville pour pouvoir continuer le voyage avec nous : on pédale mieux avec deux jambes qu’avec une seule… Côté esthétique, la crinière de Léon le lion avait sérieusement besoin d’être raccourcie en prévision de la chaleur tropicale !

Mais ce n’est pas tout, il fallait repenser notre itinéraire. La ligne de ferry entre Penang et Sumatra n’existant plus, la nouvelle option consistait à descendre jusqu’à Melacca au sud de Kuala Lumpur. Notre boucle initiale en Malaisie n’avait donc plus de raison d’être (cf. itinéraire prévisionnel). Nous avons gardé la première partie du tracé en direction des Cameron Highlands. Le but de la manoeuvre : trouver un peu de fraîcheur en montagne, éviter la côte ouest très industrialisée et surtout ne pas mettre une pédale à KL !

Prêts et retapés, nous nous levons tôt au matin du 7ème jour bien décidés à atteindre Melacca autour du 10 mars et prenons congé une seconde fois de Carole et Alain, nos compatriotes rencontrés à Ko Phayam, qui sont arrivés à Georgetown peu après nous.

Et O’Malais dans toute cette histoire ? Nous l’avons perdu avant même de savoir ce qui était arrivé à sa queue. Vous suivez ?


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« Welcome to Malaysia ! »

Écrit par Famille Carrard | 27/02/2013 16:09

Pédales douces en Malaisie jolie

Nous sommes entrés le 10 février dans ce nouveau pays pour lequel – il faut bien l’avouer – nous ne savions pas du tout à quelle sauce nous allions être mangés. Quid du multiculturalisme ? Comment nos tenues sportives légères allaient-elles être considérées en pays musulman ? Le climat, la chaleur… on se rapproche dangereusement de l’équateur et nous arrivons alors que la mousson n’est pas encore tout à fait terminée… beaucoup de questionnements, quelques inquiétudes, mais surtout une grande soif de découverte et de nouveauté. Lors des deux dernières semaines en Thaïlande, l’arrivée prochaine dans un nouveau pays occupait une part importante de nos discussions. Pas un jour sans que les enfants ne nous lancent sur le sujet : « Demain on est en Malaisie ? », « Derrière la montagne c’est la Malaisie ? ». Papa, on est déjà en Malaisie ? ».

Nous y sommes sans coup férir. Passés la montée au poste frontière, les foules sur la route au marché du dimanche et un tampon vite envoyé avec le sourire par le douanier, on attaque la descente. Ou du moins le croit-on : à peine parcourus 5 km presque sans donner un coup de pédale, une ligne droite de 2 km commençant en faux plat montée puis, se redressant, fonce droit sur une montagne. La contournerons-nous par la gauche ou la droite ? On passe par-dessus pardi ! Voici donc 300 m de dénivelé particulièrement ardus : ça monte raide et surtout, à part quelques brefs coups de cul en Thaïlande, nous n’avions plus connu de vraies montées depuis le Laos, il y a plus de trois mois. C’est parti pour un bon dégrippage des articulations. Heureusement, nous effectuons la montée le matin et côté ubac.

En arrivant en haut, nous nous félicitons de ne pas avoir fait le même trajet dans l’autre sens : en plein soleil et deux fois plus raide, ça donne presque le vertige ! Devant nous s’ouvre une vaste vallée plate avec au milieu le lac Timoh Tasoh et quelques pics calcaires émergeant çà et là. Après le lac, Kangar et à une quarantaine de km à vol d’oiseau, le détroit de Melaka.

Nous descendons prudemment et faisons notre première halte près d’une terrasse au bord de la route entre deux palmeraies, accueillis par deux hommes qui nous invitent à nous asseoir, tout en nous informant que normalement c’est fermé, Nouvel-An chinois oblige ! Tiens, le populo de base parle anglais en Malaisie !? Ils nous servent des limonades halal (avec un goût de sirop contre la toux), puis des cafés. Finalement, c’est déjà pas mal pour un bistrot fermé, non ? C’est ça la Malaisie, sourire, gentillesse et envie de rendre service semblent être innés. « Welcome to Malaysia ! » Nous l’entendons plusieurs fois par jour et ça fait chaud au cœur.

Le reste de l’étape, nous tirons sur Kangar, petite capitale de province où nous découvrons le premier défaut de la Malaisie. Pour le logement hôtelier, il faut compter un peu plus qu’en Thaïlande pour un standard nettement moins bon ; à qualité équivalente, c’est en moyenne 1.5 à 2 fois plus cher. Il faudra s’y faire et adapter notre train de vie, ce qui n’est finalement pas trop difficile puisque Frédo va dans un même temps fortement réduire sa consommation de bière (les Musulmans ont pensé à tout pour nous aider !). La seule marque locale n’est pas terrible et les bières d’importation hors de prix. Nous nous rattraperons sur les innombrables déclinaisons de jus de fruits frais, thés et cafés !

Nous décidons de poursuivre en direction d’Alor Star en espérant nous arrêter dans un « homestay », dès lors que nous en avons croisé plusieurs fois dans la journée ; au passage, nous tournons un peu en rond en suivant des panneaux indiquant des hôtels largement au-dessus de nos moyens.

Rencontre

Un peu empruntés, nous sommes plantés à un carrefour à nous demander quelle route prendre. Une voiture familiale s’arrête, le visage d’une jeune femme voilée tout sourire et s’exprimant dans un anglais parfait nous demande si nous cherchons bien un logement pour la nuit et nous invite à la suivre. Pas le temps de poser 36’000 questions, nous suivons la voiture, rejoignons grande route, feux, files de présélection, perdons la voiture, la retrouvons dans la file… Une semi-autoroute sur 10 km à 20 à l’heure sur la bande d’arrêt d’urgence à la poursuite de la voiture, deux échangeurs et quelques croisements plus loin, nous arrivons dans le campus universitaire de l’Université de Kuala Perlis. Nous pouvons enfin faire les présentations : Ummi est chercheuse à l’université et également chargée des logements pour étudiants du campus. Elle peut ainsi nous loger gratuitement dans une maison actuellement libre; son mari Dino est employé par un journal anglophone. Ils ont trois enfants et l’aînée de 9 ans s’exprime déjà parfaitement en anglais.

Nous passons une soirée sympa avec Dino et les enfants. Invités dans un restaurant malais typique, nous n’avons pas pu sortir notre porte-monnaie, hospitalité musulmane oblige.

C’est aussi l’occasion de découvrir la diversité et quelques étrangetés du pays. Nous mangeons dans un restaurant musulman traditionnel, familial. Les hommes portent le fez et les femmes le voile, ce qui semble traduire des mœurs et des valeurs plutôt « conservatrices ». Au service, un ladyboy sexy et outrageusement tape-à-l’œil fait également partie du staff et tout le personnel a l’air à l’aise comme ça. Nous demandons à Dino ce qu’en pensent les Musulmans et il nous répond qu’il n y a pas de problème, les Malais sont habitués à la diversité. C’est ça la Malaisie et ceci, malgré un discours politique officiel très anti-déviants sexuels… en Occident, c’est le contraire : on a un discours officiellement plus souple vis-à-vis du troisième sexe ou de l’homosexualité, mais dans la pratique, à part dans les bars gays, y a pas beaucoup d’entreprises qui embaucheraient des transsexuels…

Ça cogne dur dans les rizières

Nous quittons nos nouveaux amis au petit matin pour poursuivre notre route vers le sud. La plaine côtière est parcourue par d’interminables routes toutes plates et droites traversant des villages-rues et des rizières : les états du Perlis et du Kedah sont à juste titre considérés comme les greniers à riz du pays. Routes peu ombragées, à part lorsque nous pouvons prendre des petits sentiers parallèles longeant haies et palmeraies.

Sous un soleil de plomb, il ne faut donc pas se montrer chiches avec la crème solaire et les pauses pour se rafraîchir – une impressionnante panoplie de thés glacés aux noms les plus exotiques – rythment les trajets. La mousson est-elle bien terminée dans la région ? Rien n’est moins sûr, comme nous aurons l’occasion de le vérifier…

Alor Star

Nous arrivons à Alor Star, capitale provinciale où les Chinois occupent en principe le haut du pavé en matière de commerce. Pas étonnant donc que leur quartier – toute la moitié ouest du centre-ville, en particulier le secteur historique colonial – fasse un peu ville-fantôme, en cette période de vacances (pour quoi déjà ?).

La partie moderne du centre-ville est particulièrement moche, les rares bâtiments anciens étant noyés sous un magma de béton et de buildings à catelles hideux, mais c’est là que nous trouvons l’atmosphère la plus vivante et la plus authentiquement malaise.

Au marché, nous nous essayons avec plus ou moins de bonheur à toutes sortes de spécialités culinaires, la palme du rigolo revenant aux fameux « ais kacang ».

Hormis la visite du vieux quartier commerçant chinois, le centre-ville est digne d’intérêt, avec tout l’apparat monumental colonial et une très belle mosquée.

La principale attraction pour les enfants, c’est principalement la tour d’où on domine toute la ville et la fête foraine – le « carnaval » musulman – à ses pieds : musique folklorique et hamburgers halal font partie de l’ambiance très populaire.

En route pour Penang

Après deux jours de pause bien mérités, nous attaquons encore deux étapes ensoleillées. La première nous fait traverser les rizières par des petites routes campagnardes, puis une petite montée pour arriver sur le versant humide de la côte occidentale de la péninsule.

A la sortie d’un virage, un monsieur en fez nous fait signe de nous arrêter avec beaucoup d’insistance en se plantant devant nous. Nous freinons pour éviter l’accident en ronchonnant. Le sourire revient rapidement, il se présente comme un cycliste, il a lui-même traversé tous les pays d’Asie du sud à vélo. Séance photos, dix minutes d’interview saisies avec son appareil photo ; photos souvenirs avec son épouse qui tente de réfréner un peu les ardeurs de son mari.

Finalement, nous nous faisons inviter à boire un lait de coco chez un marchand de fruits un peu plus loin. Il nous offre encore deux kilos de bananes et des salak, drôle de fruit à peau de serpent et dont la chair ressemble extérieurement à une gousse d’ail. Il est tellement enthousiasmé par notre équipée que son enthousiasme déborde sur le marchand qui nous offre encore un kilo de bananes supplémentaires et deux noix de coco à l’emporter…

Nous devons néanmoins prendre congé et terminer l’étape jusqu’à Sungai Petani, lieu où nous rencontrons Peter, un cyclo danois. Nous passons la nuit dans un hôtel particulièrement pourri et c’est donc sans aucune peine que nous arrivons à démarrer aux aurores pour terminer notre voyage vers Penang.

Cette ultime étape avant notre grosse pause insulaire nous conduit à Butterworth (la ville qui compte pour beurre dans les circuits touristiques), où une imprécision de signalisation pour le ferry nous mène sur l’autoroute. Bien nous en a pris, puisque nous avons une trois voies rien que pour nous, avec une bande latérale de 3 m de large. Après un gros mic-mac d’échangeurs, nous sommes tout de même soulagés d’arriver au terminal des ferries, dont l’accès n’est absolument pas prévu pour les vélos. Sur le ferry, nous rencontrons Kimi et Ricky, un couple de cyclos malaisiens chinois, qui nous guident au centre-ville – moyennant présentation avec leurs amis, arrêts pour discuter, visite de différents hôtels etc… Nous faisons grâce à eux la connaissance d’autres cyclos, comme Alain le Français et Satoshi le Japonais. Quant à notre pied à terre pour une semaine, ce sera le Noble Hotel dit le « cimetière d’éléphants », un étonnant vivier de routards sédentarisés plus ou moins originaux !

La ville de Georgetown, que nous avons quittée le 22 février au matin, vaut à elle seule un article. Il faudra patienter pour connaître les aventures de O’Malais le chat de gouttière à Qkc…


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