Aventures en famille

Lao sur la montagne

Écrit par Famille Carrard | 28/10/2012 14:40

L’était une belle forêt…

Au départ de Hanoi le 12 octobre, nous étions prêts pour foncer à l’ouest en direction du Laos, avec une dernière halte touristique vietnamienne à Mai Chau à mi-chemin. Nous avions fait réviser les vélos, retiré des dongs pour 4 jours, changé des kips pour 2-3 jours le temps de trouver un ATM de l’autre côté de la frontière et étudié la tracé sur google maps jusqu’à Mai Chau. Cette Mecque de l’écotourisme (selon Lonely Planet) nous paraissait être l’endroit idéal pour une pause entre Hanoi et le Laos, où recharger nos batteries, faire un état des lieux de nos finances pour bien budgéter les derniers jours au Vietnam et étudier plus en détail notre itinéraire montagnard jusqu’à Sam Neua au Laos. Etant habitués à nous approvisionner en fruits et autres casse-croutes en route, nous avions uniquement nos gourdes remplies et quelques combines à grignoter. Pourtant, un enchaînement de tuiles a passablement mis à mal notre bel optimisme. Avec le recul, nous ferons nôtre l’adage d’un célèbre moustachu : « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts… ».

Notre parcours du combattant

Jour 1 : nous quittons Hanoi après avoir profité une dernière fois de notre stamm (une sympathique terrasse aux excellents cafés et jus d’oranges frais) en dégustant les pains au choc trouvés dans une boulangerie « à la française ». Nous nous amusons même à filmer les routes bondées de scooters. Mais la fête s’est terminée dès que nous avons pédalé en périphérie de la capitale : camions, poussière, klaxons… la rengaine habituelle que nous avions presque oubliée. L’achat de fruits s’avère aussi ardu car les prix prennent l’ascenseur à la vue de visages blancs. Dégoûtés, nous préférons nous priver de vitamines et attendre de trouver une honnête marchande (cela se produira seulement le deuxième jour). Le soir, bien qu’il n’y ait eu que du plat et que l’étape ait été d’une longueur très raisonnable, nous sentions déjà la fatigue. La nuit dans l’hôtel du bled avec karaoké nous a privés d’un repos réparateur.

Jour 2 : le terrain commence à être vallonné, rien d’alarmant pour nos mollets. Pourtant, Laure a le souffle court, la faute au smog, probablement. Les haltes sont rapprochées. Peu avant midi, un motard s’arrête. C’est Pedro, un Lausannois qui est parti de Suisse à moto et avec qui nous partageons avec plaisir le dîner à Hoa Binh. Après cette pause très appréciée de tous (entre Helvètes, on se comprend si bien !), nous nous retrouvons nez à nez avec notre premier reck et ce n’est que le début.

Jour 3 : nous nous échauffons sur des petits cols bien raides (mais pas trop longs heureusement), avant de passer littéralement par-dessus la montagne.

A l’arrivée, la récompense est néanmoins au rendez-vous, avec une large vallée de rizières truffée de buffles et de petits villages sur pilotis.

A Mai Chau, nous dormirons chez l’habitant dans une maison traditionnelle au sol de bambou « mou » en face d’une espèce de terrain vague. De jour, cela ressemble à un dépotoir où jouent les enfants et où pâturent les buffles. Ce que nous ne savions pas en choisissant notre logement si paisible, c’est que chaque samedi et dimanche, des étudiants de Hanoi se déplacent en masse pour y karaoker faux, y faire un feu de joie et y installer une disco mobile beuglante. Manque de bol, nous sommes dimanche… Nous préférerons donc garder le souvenir de l’excellent repas servi par nos hôtes plutôt que de notre soirée à haïr la jeunesse hanoïenne.

Jour 4 : nous apprenons une nouvelle peu réjouissante. Ni à Mai Chau ni dans aucune prochaine « ville » vietnamienne il n’y aurait de distributeurs d’argent. Notre itinéraire est donc résolument tourné vers le Laos que nous devons rejoindre au plus vite car le budget d’une journée devra nous en faire au minimum trois… Notre principal carburant de ces étapes de montagne sera composé de bananes et de riz. Vu les circonstances, c’est l’occasion pour nous de nous désintoxiquer un peu du café et de la bière. Faute de carte précise, nous nous sommes offerts le luxe d’un détour en montagne au lieu de suivre la rivière à la descente, ce qui aurait été un peu plus reposant… quand on aime l’effort, on ne compte pas. L’occasion rêvée de traverser l’une des plus belles régions de notre voyage : montagnes couvertes d’une végétation luxuriante, parfois entrecoupées de très belles rizières en terrasses, alors que de petits hameaux en bois aux toits de feuilles de palme s’égrènent le long de chemins de moins en moins goudronnés.

En faisant abstraction des motos, des antennes paraboliques sur les cahutes en bois et des portables, on a souvent le sentiment d’avoir fait un bond de plusieurs siècles en arrière. Durant la montée, dans l’impossibilité de nous ravitailler en eau et en nourriture, nous nous invitons tout d’abord dans une famille pour boire le thé, puis nous finirons les restes d’un repas (riz collant) dans l’épicerie voisine… A la guerre comme à la guerre ! La descente sur Ba Thuoc n’est pas plus reposante que la montée tant la route est défoncée…

Jour 5 : une fois notre dernier café viet avec triple dose de lait condensé siroté (fallait pas nous laisser la boîte sur la table !), nous attaquons la route 217 qui nous mènera à la frontière. Les montées et descentes se succèdent et les enfants marchent de plus en plus à côté des vélos lorsque la pente devient trop raide. A la nuit tombante, nous sommes bien décidés à planter la tente et demandons à des villageois la permission d’utiliser un bout de terrain. Nous sommes finalement invités à dormir et à manger dans une maison typique habitée par une charmante famille.

Nous avons ainsi partagé un peu du quotidien de ces montagnards. Côté confort, ils investissent davantage dans l’électronique de loisir que dans les sanitaires (ni toilettes, ni « durc » comme dirait Léon, ni trou tout court d’ailleurs !).

Jour 6 : Nuit difficile, réveil à l’aube. Nous paquetons rapidement de peur de déranger nos hôtes et trouvons une épicerie dans le village suivant pour notre petit-déjeuner. Eugénie a étrangement peu d’appétit et son état de santé se dégradera au cours de la journée. Vers 10h30, nous nous réfugions dans un boui-boui pour nous abriter d’une grosse averse. Nous repartons après avoir été littéralement mis à la porte par le patron (alors que nous étions en train de finir de manger !) pour faire place à la prochaine tablée. Dans les montées qui suivent, la route est rendue tellement glissante par la pluie que nous patinons dans la boue. Le moral faiblit à mesure que la fièvre d’Eugénie augmente, et c’est finalement avec soulagement que nous arrivons à Na Meo à la frontière du Laos. Dans cette ville moche et sans âme, le style monumental d’inspiration coloniale du seul hôtel paraît complètement décalé, au milieu de cahutes tenant à peine debout autoproclamées épiceries, où les camions laotiens viennent se remplir de produits alimentaires industriels.

Jour 7 : le passage de la frontière le 18 octobre au matin se fait sans problème ; il faut juste être patient comme partout en Asie, le temps que les formalités soient remplies et contrôlées 3 fois. Arrivés de l’autre côté avec notre solde de 19.000 dongs vietnamiens (env. 90 cts.) sans pique-nique pour midi, nous sommes néanmoins soulagés d’avoir tenu le budget fortement raccourci des 3 derniers jours. Reste le souci de notre petite malade avec ses pointes de fièvre à 40 degrés et ses vomissements, ainsi que de notre état de fatigue général au 7ème jour de vélo d’affilée.

Il fallait s’y attendre, en traversant du côté laotien, on ne va pas vers le plat. C’est toujours aussi joli, rizières, petits villages, sourires des gens et enfants qui courent à notre rencontre…

Et toujours aussi difficile de s’approvisionner. On s’improvise sur le bas côté de la route un frugal pique-nique de midi avec nos restes du Vietnam, c’est dire ! La pause est écourtée par une attaque de sangsue dont Frédo est victime. Rien de méchant, mais sur le moment, nous ne savions pas si ce genre d’animal était vecteur de maladie.

Pour compléter le tableau, nous expérimentons la route la plus pentue depuis le début du voyage. On peut avoir les meilleurs muscles du monde, quand les pneus patinent à la montée, il faut pousser le vélo. Le problème, c’est que les chaussures patinent aussi… nous avons néanmoins la chance de nous faire prendre en stop par un gentil monsieur dans une camionnette jusqu’à Vieng Xay, la prochaine localité d’importance, où nous pourrons nous offrir un jour de repos, qui permettra à Eugénie de reprendre du poil de la bête et d’être complètement rétablie le jour suivant comme si de rien n’était.

Fin du feuilleton !

Puis, jusqu’à Luang Prabang…

Vieng Xay est une sorte de non ville composée d’une série de hameaux et de maisons foraines disséminées autour de petits lacs-pêcheries perdus entre rizières et pics rocheux. Entourée de grottes transformées en bunkers dans les années 60, la localité revendique haut et fort son statut de centre de la résistance du Pathet Lao contre les frappes massives de l’aviation américaine pendant la « guerre secrète ». Par hasard, nous nous retrouvons là au premier jour du Bun Nam, la fête des courses de bateaux qui a lieu chaque année dans tout le Laos à la fin de la mousson. L’occasion pour les locaux d’écluser bière, alcool de riz et de sortir du placard la fine fleur des karaokistes. Ambiance bon enfant et colorée, où la compétition officielle d’aviron est malheureusement concurrencée par celle, plus inofficielle, du jeter de canettes dans le lac.

Notre pause est de courte durée : pour cause d’ATM en panne et cartivore (heureusement qu’un employé de la banque était là pour libérer directement la maestro…), nous nous voyons forcés de poursuivre rapidement jusqu’à Sam Neua.

Au terme d’une courte étape qui nous permet de mettre en doute les indications de pourcentage de pente indiqués sur les panneaux, et à Frédo de casser la chaîne de son vélo, nous nous retrouvons dans la capitale du Houaphan, une métropole de jungle dont on se demande bien où elle loge ses 40’000 habitants.

Deux jours de vrai repos plus tard – il n’y a vraiment rien à faire à Sam Neua, à part se balader dans les quartiers populaires et au marché – nous avons étudié l’itinéraire en direction de Luang Prabang, à 450 km. Il faut se rendre à l’évidence : si nous voulons avoir le loisir de nous servir encore de nos mollets pour continuer notre périple, mieux vaut les économiser un peu. Nous prenons donc le bus jusqu’à la perle du Mékong, où nous arriverons frais comme des gardons à minuit, après 16 heures de trajet, deux vomis, quelques milliers de virages et un bon kilo et demi de bananes ingurgitées. Un trajet mémorable, dans des paysages à couper le souffle, habités par des tigres, une multitude d’ethnies aux noms les plus exotiques et quelques milliers de tonnes de vieux obus US non explosés.

Arrivée à Luang Prabang, où nous allons passer quelques jours, en pleine nuit à essayer de trouver un logement. Là une nouvelle épreuve nous attend : résister aux multiples tentations qui s’offrent à nous, si nous voulons conserver les moyens de voyager jusqu’à juillet 2013. Et ça va être dur ! Des soieries aux pains au choc, en passant par les terrasses sur le Mékong, tous les ingrédients sont réunis pour ne pas tenir un budget…


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Hanoi

Écrit par Famille Carrard | 20/10/2012 18:44

Le temps file et, perdus dans les montagnes entre Vietnam et Laos, nous n’avons pas pu mettre à jour nos articles vietnamiens. Plutôt que de longs discours, voici donc un aperçu de Hanoi par nos yeux (et notre objectif) :

Dans l’effervescence de Hanoi

Hanoi, c’est surtout un trafic  en flux tendu nuit et jour. Les gens vivent dans la rue et descendent parfois de leur moto pour boire une « bia hoi » ou un café et déguster les délices les plus improbables (et parfois innommables…)

Vues de la ville

Entre passé colonial, influence soviétique et caractère asiatique très marqué, c’est un véritable melting-pot architectural.

Marionnettes

Nous avons pu assister à la spécialité locale en matière de spectacle : les marionnettes dans l’eau : bluffant et d’une grande beauté esthétique !

Les gens d’ici

Hanoi ne serait pas Hanoi sans ses habitants. Au XXIe siècle, le « turlututu chapeau pointu » est encore de mise, lorsqu’il n’est pas remplacé par le casque militaire, très en vogue.

… et nous, et nous, et nous…

Ben oui, on y est resté quelques jours, et on a tenté de s’imprégner de la capitale vietnamienne, sans y perdre notre identité !

 

Aventures à suivre tout bientôt, depuis le Laos…


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Golfe du Tonkin

Écrit par Famille Carrard | 11/10/2012 01:58

On prend nos marques au Vietnam

L’arrivée au Vietnam nous place devant de nouvelles situations. Si le dépaysement n’est pas total par rapport à la Chine, il nous a fallu un petit temps d’adaptation, notamment pour assimiler quelques notions de vietnamien et perdre le réflexe des phrases toutes faites en chinois.

Le changement de cadre apporte son lot de bonnes et moins bonnes surprises ; de l’Indochine française, les Vietnamiens ont entre autre conservé les sandwiches-baguette, ce qui constitue toujours une bonne alternative aux spécialités locales quand on a besoin de notre « petite dose d’Occident ». Outre les boulangeries, nous découvrons avec bonheur les petites terrasses de cafés, alors qu’en Chine, pour boire un jus, il nous fallait squatter les devantures des épiceries ou des stations-service où nous nous approvisionnions en boissons fraîches. Enfin (et surtout !) le café fait partie intégrante des plaisirs quotidiens au Vietnam. Le café viêt glacé est un must, mais très concentré, il se consomme plutôt en début de journée, faute de quoi c’est la nuit blanche assurée !

L’un des aspects auxquels la Chine ne nous avait pas habitués, c’est malheureusement le fait que l’étranger est de manière assez systématique considéré comme une vache à lait ; on n’a aucune vergogne à doubler, voire tripler les prix des produits de base, tant au marché que dans les commerces ou les bistrots. A peine passée la frontière à Mong Cai, nous avons été confrontés à une tentative d’arnaque dans un fast food, dont les prix étaient pourtant affichés : au moins nous étions prévenus !

Côté trafic, nous n’avons été confrontés directement à une circulation dense qu’à partir de Cam Pha, une vingtaine de km avant d’arriver à Ha Long : l’extrémité nord-est de la côte sur la mer du Tonkin est en effet très peu peuplée et le trafic motorisé transfrontalier avec la Chine peu important. En ville, c’est une autre histoire, comme nous avons pu le constater en arrivant à Ha Long, puis Hai Phong : beaucoup moins de gros véhicules qu’en Chine et moins de vélos et autres véhicules lents avec ou sans moteur ; le scooter y est en revanche roi et omniprésent ! S’il y a donc moins de risque de collision grave contre plus gros que nous, par contre, comme ça fuse dans tous les sens, il faut avoir les sens constamment en éveil pour ne pas se faire accrocher. A Hai Phong en particulier, les axes du centre-ville hérités de la trame urbaine coloniale sont assez étroits et dépourvus de pistes « cyclables », ce qui restreint considérablement la possibilité de garder ses distances avec les autres usagers. Vivement Hanoï !

De Mong Cai à Ha Long

Etrange ville que celle de Mong Cai : elle tourne littéralement le dos à la mer et s’organise autour de quelques avenues et ronds-points disproportionnés pour la taille de la localité. Près de la frontière, d’immenses hôtels à l’architecture d’un délicat goût stalinien semblent tout droit surgis de champs en friche. Quelques quartiers populaires conservent néanmoins de petits bâtiments centenaires aux teintes beige-jaune.

Bien décidés à rejoindre le plus vite possible la baie d’Ha Long, nous embrayons directement sur trois étapes à la suite (ce qui fera six jours de vélo d’affilée, avec les trois dernières étapes chinoises). D’abord au plat dans les rizières, nous découvrons une campagne verdoyante moins tirée au cordeau qu’en Chine voisine. La population rurale habite de minuscules masures turquoises entourées de jardinets qui, disséminées au milieu des champs, ont l’air de maisons de poupées. Les villages semblent avoir poussé uniquement le long des routes, où s’alignent d’étroites maisons colorées bâties tout en hauteur, qui tranchent avec les larges façades à catelles qui nous ont accompagnés tout au long de nos pérégrinations chinoises. Le pittoresque des plus petites villes tient souvent du bric et du broc et de l’ambiance générale très colorée de la rue vietnamienne. Au cours de nos étapes, nous devons nous forcer à ne pas nous arrêter à chaque terrasse où l’inscription « Café » (en français, s’il vous plaît !) nous fait relâcher la pression sur les pédales.

La route passe au droit en évitant les fluctuations du rivage et nous ne voyons la mer que de loin, via les estuaires de rivières servant de port à des bateaux de pêche bariolés. En s’approchant de la Baie d’Ha Long, la côte devient de plus en plus accidentée. Tantôt la route prend à travers les collines et nous gratifie de quelques montées et descentes mémorables (dignes du Hunan), tantôt elle passe au pied des falaises calcaires en bordant les mangroves, l’occasion d’admirer pendant qu’ils subsistent encore, ces écosystèmes passablement malmenés par les activités humaines.

La baie d’Ha Long et l’île de Cat Ba

Ha Long consiste en fait en un agglomérat de plusieurs localités distinctes. De l’est, nous arrivons d’abord à Hong Pha, ville moderne et bruyante qui développe pourtant toute une série d’hôtels avec vue sur rien ou sur des chantiers navals, exception faite d’un quartier de petits hôtels concentrés autour d’un lac intérieur. Une fois passé le pont suspendu sur le bras de mer qui sert de port industriel, on trouve le quartier de Bai Chay, dont la façade donnant sur la baie a été vendue aux grands complexes hôteliers. En retrait, une fois franchie une imposante alignée de petits hôtels tous pareils, on trouve une vraie petite ville normale, sans cachet, mais avec un marché et des bistrots à l’atmosphère plus populaire.

Après nos six jours intensifs de vélo avec un passage de frontière au milieu, nous ressentons le besoin de souffler un peu. Nous évitons donc de frayer avec les inévitables casse-pieds qui vendent des tours en bateau et profitons de spécialités culinaires, où fruits de mer et poisson se taillent la part du cachalot. Nous sommes en basse saison et ça se voit : les restaurants à touristes sont désespérément vides, les tour operators roupillent derrière leur guichet et les vendeurs de babioles en tous genres du marché touristique semblent nous tenir la jambe davantage par désœuvrement que par appât du gain…

Fidèles à notre credo de voyageurs « différents », pendant que d’autres vont dépenser des dizaines de millions de dong en dormant sur des jonques avec jaccuzzi, nous admirons la baie, ses pics calcaires et ses pétroliers depuis la plage : imaginez une belle plage de 300 m de long où il n’y a absolument personne (à part vous). C’est assez fascinant, lorsque l’on sait qu’ailleurs, les plaisanciers se bagarrent pour le moindre mètre carré de sable où poser sa paillasse… Il est vrai aussi que les occidentaux qui font le voyage de la baie d’Ha Long ne sont généralement pas là pour du balnéaire… quelque part, y bâtir des châteaux de sable avec les seuls crabes pour compagnie relève d’un snobisme que n’aurait sans doute pas renié Boris Vian !

Après deux jours à ce régime, nous embarquons armes et bagages sur le ferry pour l’île de Cat Ba. La traversée nous permet d’admirer de plus près le paysage sublime de ces pics surgis de l’eau – ou plutôt, ce qui dépasse encore du « dragon s’enfonçant dans la mer », car telle est la signification de « Ha Long ».

Une trentaine de km à vélo à travers champs et forêt tropicale nous amène à l’extrémité sud de l’île. Depuis la désaffectation de son fort d’artillerie, la petite ville de Cat Ba est tiraillée entre son histoire de petit bled loin de tout et un très récent développement touristique sans précédent: il suffit de comparer ce qu’en disent des guides comme le Routard et le Lonely Planet : il y a un monde entre les versions de 2008 ou 2009 et 2012. Nous terminons au 5e étage d’un petit hôtel avec une vue imprenable sur la baie qui sert de port principal et ses multiples bateaux de pêche.

Nous ne pouvions faire l’économie d’une balade dans les îles de la baie de Lan Ha, la partie la plus au sud-ouest de la baie d’Ha Long, qui borde la côte est de l’île de Cat Ba.

Entre parenthèses, nous avons ici un exemple d’un des grands paradoxes de notre voyage : nous avons choisi une minuscule chambrette bon marché et avons pourtant loué un joli bateau privé ayant le triple de surface de celle-ci (no comment sur le prix !)…  Fin de la parenthèse.

Grimper un peu dans l’île aux singes nous permet d’embrasser du regard une bonne partie de la baie.

Par contre, le panneau interdisant de jeter des détritus et de nourrir les singes prête à rire : ceux-ci vivent dans un dépotoir ne résultant pas de ce que jettent individuellement les touristes de passage, mais bien du fait que le seul bistrot de l’île (à 10 m du panneau) n’évacue pas ses déchets. Dans le ruclon à l’arrière du bâtiment, que les singes ont éparpillé jusque sur la plage et dans la forêt voisine, ceux-ci s’évertuent à terminer les fonds de canettes et de bouteilles. L’alcoolisme chez les macaques de l’île risque de devenir un problème de société à part entière…

Nous continuons notre périple à travers les innombrables îlots aux formes les plus étonnantes et traversons plusieurs gros villages flottants où les pêcheurs s’adonnant à l’élevage d’huîtres et de divers mollusques. Ces localités consistent en une multitude de maisons de bois et de tôle peintes en vert ou bleu bâties sur des plateformes flottantes. Les petits porches devant l’entrée voient fleurir cuisinette, tables et chaises pour l’apéro et plantes vertes. On y vit en permanence, en témoignent des épiceries et des magasins de fripes. Des bateaux de pêche, que l’on retrouve aussi bien dans ces villages que dans le port de Cat Ba,  sont reconvertis en stations-service flottantes.

Hai Phong

Nous quittons Cat Ba pour Hai Phong sous une pluie torrentielle ; la route de la côte ouest borde d’abord les chantiers de futurs complexes hôteliers puis serpente, creusée dans les falaises qui tombent dans la mer ou longe la mangrove. Au premier ferry fait suite une seconde île – toute plate celle là – avec des villages de pêcheurs sur la terre ferme cachés derrière des digues ; un second ferry et nous voilà à nouveau sur la terre ferme. Dur retour à la réalité, puisque la bande côtière bordant Hai Phong au sud et à l’est consiste en une gigantesque zone industrielle en chantier. Usines, gravats et remblais y ont depuis longtemps remplacé la mangrove.

La ville de Hai Phong, troisième du Vietnam en taille, n’est pas une destination touristique en soi. Nous y découvrons l’effervescence des grandes villes avec ses centaines de milliers de scooters. Boulangeries, cafés et baguette au pâté (dès le petit déj’ dans la rue) sont omniprésents et évoquent le passé français du pays, tout comme une imposante série de maisons et de bâtiments publics anciens disséminés dans la ville. D’innombrables petites ruelles permettent de découvrir ça et là des bijoux de vieilles masures plus ou moins décrépies. Pourtant, l’atmosphère générale, les chapeaux coniques, les faisceaux de milliers de fils électriques pendouillant jusqu’aux trottoirs défoncés et squattés par marchands ambulants et scooters, les rez-de-chaussée grands ouverts servant à la fois de magasin, d’atelier mécanique, de bistrot de quartier et de chambre à coucher sont la pour nous rappeler que nous sommes bien en Asie du sud-est…

Nous restons deux journées à Haiphong à prendre la température du vrai Vietnam. Si le rendement kilométrique pédalé diminue, c’est pour mieux profiter des pains au choc !


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Zài jiàn Zhong Guo, Xin chào Viêt Nam

Écrit par Famille Carrard | 02/10/2012 17:30

Dongxing,  seul un pont nous séparait du Vietnam : nous y sommes arrivés le 26 septembre avec trois jours d’avance sur l’échéance de notre visa chinois.

Auparavant, les dernières étapes précédant l’arrivée à Nanning et les kilomètres cumulés depuis notre départ – 3000 km passés avant Liuzhou, déjà – nous avaient laissés sur les jantes.

La pause bienvenue et indispensable de Nanning en attendant nos visas vietnamiens nous a fait un bien fou – hem à part au budget, la faute aux « iced cappuccinos » de notre auberge de jeunesse et aux vraies glaces à l’italienne dégotées dans un petit café du voisinage… tiens, une ville chinoise où il y a des cafés et des terrasses !

Quelques mots sur Nanning, peut-être : une insignifiante capitale de province, qui regroupe l’équivalent de la population suisse dans son agglomération (7 mio d’hab.). Ville de contrastes typiquement chinoise, où en changeant de trottoir, on passe d’une audacieuse architecture très 3e millénaire à des marchés populaires qui s’entassent au pied de vieilles bâtisses ruinées.

Côté nourriture, les quartiers chics offrent un vaste panel de menus à l’occidentale que nous avions l’habitude de ne trouver que dans les « guesthouses », alors que le marché de nuit autorise toutes les audaces culinaires : qui veut goûter une brochette de crocodile ?

Alors que de nombreux espaces verts permettent de laisser les enfants se défouler, le bord de la rivière et ses couchers de soleil sont un must des soirées nanninguéennes…

Les siestes de Léon et Eugénie ont été mises à profit pour planifier un peu la suite. Nous commençons à être plus au clair quant à notre futur parcours indochinois. Nous avons attendu le dernier moment pour prendre la décision stratégique de franchir la frontière sino-viétnamienne par le bord de mer (Dongxing – Mong Cai) plutôt que par la montagne (Pingxiang – Dong Dang, par le « col de l’Amitié »).

La fin de notre épopée chinoise a été réglée en trois journées de vélo : mais sous un soleil de plomb, nous regardions le ciel dès le matin en espérant que l’orage du soir ne se ferait pas trop attendre… Avouons-le, l’étape qui devait nous mener sur la côte à Fangcheng par des petites routes secondaires nous a donné du fil à retordre : 80 km, dont 65 sur des pistes de chantier et des tronçons de routes complètement pourries en attente d’être retapées… nous avons connu journées plus reposantes !

Nous nous attendions à un véritable parcours du combattant pour franchir la frontière : c’est ce qui est promis à tous les usagers du passage « du col de l’Amitié », pourtant le plus fréquenté par les voyageurs occidentaux. Etonamment, la seule véritable difficulté a été le passage de la première barrière (porte trop étroite pour la remorque) du côté chinois et un étage d’escaliers avec notre caravane – heureusement, un douanier sympa nous a aidé pour le transport. Du côté des formalités, si l’on excepte l’étrange obligation de prendre un ticket payant pour passer la frontière (20 yuans par adulte !) – ça s’est fait les doigts dans le nez, sous le regard bienveillant de douaniers plutôt « gouzi-gouzi », tant du côté chinois que vietnamien. Le comportement pour une fois exemplaire de nos deux asticots nous a facilité la tâche, et nous sommes passés outre les fastidieux contrôles et le passage au scanner de nos bagages.

Nous voilà donc débarqués au Vietnam en douceur, ce qui est de bon augure pour la suite de notre expédition, avec pour premier objectif la Baie d’Ha Long. Mais pour en savoir plus, il faudra patienter un petit peu…

Bilan Chine en quelques chiffres

  • 3489 km à vélo : de Pékin au poste frontière de Dongxing
  • 108 km : étape la plus longue
  • 100 commerces visités pour trouver des piles d’1,2 V au lithium (en vain)
  • 60 stations-service Sinopec visitées pour nos arrêts ombre et boissons fraiches
  • 56 jours de vélo
  • 30 fois par jour où Frédo s’arrête pour prendre LA photo de sa vie
  • 22h30 : fin d’étape la plus tardive
  • 20 Yuans (env. 3 CHF) : chambre la moins chère
  • 15 blocs de feuilles pour les dessins de Léon et Eugénie
  • 8 kilos perdus par Fredo depuis le départ
  • 5 yuans (env. 0.75 CHF) : repas de midi complet le meilleur marché
  • 4 jours de vélo sous la pluie
  • 3 nuits à dormir alignés comme des sardines les quatre dans le même lit
  • 2 places de jeu pour enfants non payantes
  • 1 crevaison
  • 1 nuit sous tente
  • 0 accident… (à part 2 accidents de pipi) !


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