Aventures en famille

Bali, on revit !

Écrit par Famille Carrard | 23/05/2013 11:58

Bali, rien que le nom fait rêver ! Sans doute l’endroit qui occupe l’une des premières places dans les prospectus touristiques… mais qu’est-ce qui pousse tant de monde à aller passer ses vacances sur cette île perdue au milieu de l’Indonésie ? Ça titille un peu la curiosité, pas vrai ?

Pourtant, nous avons failli zapper cette étape, car l’Indonésie est définitivement un pays trop grand pour être visité en 60 jours, surtout à vélo ! Mais nous nous devions d’aller vérifier, raison pour laquelle – entre autres – nous avons donné un grand coup d’accélérateur à notre traversée de Java.

Arrivée donc à Bali en ferry le 30 avril pour deux toutes petites semaines. Les changements de décor et d’ambiance se font très rapidement sentir : les mosquées sont remplacées par les temples hindous et les « Hello Mister » criards se font plus rares. En arrivant par l’ouest, on a vraiment le sentiment que ce petit bout de terre est oublié du monde, mais cette impression va très vite disparaître, à l’approche des zones touristiques…

Un peu de culture balinaise

Une forme originale d’Hindouisme – encore fortement teintée de vieilles croyances animistes – est pratiquée sur l’île depuis un millénaire. C’est la principale spécificité de Bali, par rapport au reste de l’Indonésie, pays majoritairement musulman avec d’importantes minorités chrétiennes. Si la structure sociale en castes propre à l’Hindouisme est encore vivace, elle reste peu perceptible à l’étranger de passage. C’est surtout lors des cérémonies religieuses que l’appartenance sociale prend toute son importance. En toute occasion, les  Balinais portent encore volontiers le costume et pas uniquement les jours de fête. Devant chaque maison se dresse un temple domestique, souvent imposant et très beau. Il est d’ailleurs parfois plus grand que l’habitation elle-même. Devant l’entrée, les « penjor » (de longues hampes en bambou orné et portant un petit casier à offrandes) se courbent par-dessus les routes et semblent saluer les passants. Enfin, à des heures précises de la journée, de multiples et très jolies petites offrandes sont déposées dans les temples, les autels domestiques et – de manière plus étonnante – sur les lieux de passage : seuils, entrées de garages, trottoirs pour se protéger des mauvais esprits…

Les enfants retrouvent de vieux amis : dragons et tigres, Ganesh et tous ces personnages avec plein de bras, ainsi qu’une multitude de divinités anonymes vues du Vietnam à la Malaisie qu’Hindous et Bouddhistes se prêtent volontiers. Autant Eugénie et Léon aiment piquer des fleurs sur les arbres, autant ils ne saccageraient pas une offrande. A l’inverse, ils prennent bien soin de passer à côté et de sermonner leur papa qui, maladroitement, les piétine !

La côte nord

Pour changer de Sumatra et Java, nous commençons par une jolie petite route presque plate et bordée d’arbres. Il fait bon, pas de moustiques à l’horizon et la circulation est fort raisonnable. Une première étape dans un homestay flambant neuf, charmant où nous testons notre première chambre avec WC et douche en plein air : un concept très à la mode !

La seconde étape dans un environnement campagnard nous mène à Lovina, station balnéaire où la chasse au touriste est un véritable sport pour les locaux. Il faut dire qu’hors saison, l’offre en magasins de souvenirs, restaurants à spécialités de poisson, bars et excursions pour voir des dauphins dépasse largement la demande. Nous passons trois nuits dans un petit hôtel à bungalows au milieu d’un grand jardin avec piscine.

On rencontre des Québécois, palisse !

Nous faisons la connaissance d’une famille de Québécois en route pour 6 mois et avec qui nous sympathisons immédiatement. A peine arrivés, Manon et Sylvain nous convient aux cinq ans de leur fils, pour le plus grand plaisir des enfants. Excellente entente entre Léon, Eugénie et Zachary, même si Léon trouve que son nouveau pote au nom difficile à prononcer (nous avons entendu « Safari », « Zafari », « Jacques-a-dit ») a une drôle de façon de parler. Pendant deux jours, le trio s’en donne à cœur joie entre piscine et plage de sable noir (volcans obligent !). Nous passons d’excellents moments et dégustons ensemble des spécialités balinaises dans notre cantine de Lovina, le petit bistrot tout simple qui fait la nique aux restos branchés du bord de mer.

Au moment de repartir, la séparation est difficile. Petit moment d’émotion et nous nous promettons de nous revoir au Québec ou en Suisse !

Nous nous relançons néanmoins sur les petites routes vallonnées menant à Singaraja, traversons les quartiers de pêcheurs longeant la mer avant de poursuivre par une grosse étape côtière jusqu’à Tulamben. Arrivés de nuit dans un hôtel (et plus largement, une station touristique) consacrée à 100% à la plongée sur les récifs coraliens et l’épave du Liberty (un navire américain coulé par les Japonais), nous ne nous sentons pas vraiment à notre place ici (un peu comme un courtier en assurances libéral parachuté dans une fête d’archéologues). Nous poursuivons donc dès le lendemain vers l’est, quittons la route principale de Denpasar pour aller explorer la région d’Amed à l’atmosphère beaucoup plus bohème que Lovina. Malgré la difficulté du parcours, le charme opère rapidement. Tellement rapidement que nous nous arrêtons à Bunutan, l’un des nombreux villages d’Amed après une étape de… 17 km qui nous a déjà bien usé les mollets.

Un nouveau coin de paradis

Car c’est là que nous avons trouvé notre bonheur : le Double One, petit hôtel composé d’une dizaine de bungalows agrippés dans une pente escarpée. Depuis notre très belle chambre (la catégorie « économique » se trouve tout en haut), nous avons une plaisante vue sur la mer.

Pour savourer d’excellents petits-déjeuners et profiter de la piscine, il faut par contre se rapprocher de la plage et descendre des marches de géants. Mieux vaut ne rien oublier avant de se lancer dans la descente, car la remontée est costaude même pour les plus sportifs (d’ailleurs, il n’y a aucun rondelet dans le personnel…) !

Pour un peu, on s’installerait ici jusqu’à la prochaine mousson, ou celle d’après, à l’image de Sophie, arrivée il y a six mois et qui – pas pressée de quitter l’endroit – aide à la bonne marche de l’établissement…

Pendant que les enfants barbotent dans la piscine, nous observons amusés quelques « pêcheurs » aux biscotos musclés qui se pavanent sur la plage, espérant emmener les touristes faire du snorkeling dans les coraux ou vendre à prix d’or leurs cerfs-volants.

La côte est

Nous avons toujours en ligne de mire l’échéance de notre visa et surtout, notre vol pour Brisbane la nuit du 12 au 13 mai… avec tout ce que cela comporte d’organisation logistique ! Nous quittons donc ce petit paradis après un – trop court – jour de pause.

Sans que ce soit une véritable surprise, nous allons vivre ce jour-là l’un des plus gros défis sportifs de notre voyage (et il y en a eu !). Sur le papier ou sur google maps, rien d’effrayant, le point culminant étant environ 300 m au-dessus du niveau de la mer. Avec les montées et descentes successives, on peut estimer la dénivellation cumulée des montées du jour à 700-800 mètres. Là encore, nous avons vu pire à plusieurs reprises tant en Chine qu’au Vietnam, au Laos, ou encore à Sumatra. Sauf que cette fois, nous serons en pleine fournaise, avec un taux d’humidité de forêt tropicale et surtout, des pentes impressionnantes, au point que nous nous sommes parfois demandés quelles machines ils utilisaient pour goudronner les routes…

Une fois dépassé le dernier hôtel, les aléas de la route nous mènent à des belvédères avec coups d’œil plongeants sur les criques azur et les villages de pêcheurs. Mais à chaque virage sur une bosse, le suspense: est-ce que ça redescend ? Parfois oui, d’autres fois, c’est un kilomètre de montée droit dans la pente qui donnerait froid dans le dos au montagnard le plus chevronné…

On met pied à terre et ho-hisse (cenovis)! Léon a bien pris le pli de faire l’ascension à pied, mais c’est plus difficile pour sa sœur. On la comprend : c’est plus confortable à l’ombre dans la remorque.

Les chaussures de Frédo, mises à mal par plusieurs mois de poussage rendent l’âme définitivement. Si les coutures laotiennes de la droite ont bien résisté, en revanche toute la partie centrale de la semelle a entièrement disparu : les clips ne tiennent donc plus en place que par la présence du pied, ce qui n’est pas top pour remplir leur fonction…

L’avantage d’avancer lentement est que nous avons le temps de sympathiser avec les locaux et de nous faire inviter pour le café sur un chantier de construction.

Pour le repas de midi, pas l’ombre d’un « warung » (petit resto local indonésien) ; en apprenant qu’il n’y a rien les 10 prochains kilomètres, Laure se résigne à demander de la nourriture à une modeste famille contre quelques dizaines de milliers de roupies. Heureusement, celle-ci accepte. Au menu : riz, sardine, thon (garanti local) et un petit choix de pâtisseries maison. Miam ! Ambiance sympa, les enfants du voisinage viennent s’asseoir calmement autour de nous et observent ces drôles de blancs qui ne font pas cette route pleins tubes en 4×4, pour une fois.

Partis vers 9h00, nous avons fait 18 km à 15h00 sur les 53 que compte l’étape. Mais nous avons repris des forces, ce qui nous permet de gravir la dernière grosse montée avant de redescendre vers la mer du côté d’Amlapura. Les jambes et les bras en compote, nous arrivons enfin sur des routes normales (pas plates, mais avec des pentes normales…). Nous traversons des rizières, un petit col, la station balnéaire de Candidasa pour finalement finir de nuit à Padangbai, ville côtière d’où partent les ferries pour Lombok.

Nous dénichons un hôtel avec d’étonnants cottages à toit de bambou en duplex et un bon restaurant servant du steak de barracuda : allez, après une étape pareille, on peut bien se faire plaisir ! Tous les quatre à moitié endormis sur la table, c’est le ballet des serveurs en train de boucler le resto qui nous poussera à bouger nos fesses jusqu’à notre lit…

Le lendemain, départ pour une dernière étape. Ce n’est qu’en sortant de l’hôtel que nous prenons réellement conscience de la dimension touristique de l’endroit : des milliers d’Occidentaux blancs comme des linges ou rouge écrevisse débarquent en masse de cars pour s’amasser au départ des ferries. Du coup, aucun regret de ne pas nous attarder plus longtemps ici. L’étape du jour nous mène à plat, à travers les rizières, avec quelques beaux coups d’œil sur la côte.

Après un arrêt près d’une plage, nous terminons sur des grands axes peu sexys, directement à Sanur, ville balnéaire située juste à côté du chef-lieu Denpasar.

Si rester plusieurs jours dans un secteur aussi urbain et touristique n’est pas l’idée qui nous réjouit le plus, en revanche, nous savons que c’est indispensable pour préparer au mieux notre départ avec les vélos.

Sanur car thons, pi Scott ?!

Quatre jours, c’est le temps que nous estimons suffisant pour nous assurer à l’aéroport de Denpasar que tout est OK pour que nous puissions transporter les vélos. Devant l’incompétence des employés d’agences de voyage indonésiens, nous avons en effet dû nous résoudre à réserver les vols en ligne, ce qui n’est évidemment pas idéal lorsque l’on ne voyage pas avec le paquetage standard. Surtout, il faut trouver des cartons, démonter et nettoyer vélo, tandem et remorque, tout emballer selon des mesures bien précises et conditionner l’ensemble de notre caravane. Le jeudi 9 mai, en cherchant un magasin de vélo, c’est devant les enseignes fermées que nous prenons conscience que l’on a beau être à Bali, en Indonésie, l’Ascension, c’est férié ! … et un jour de perdu, un!

Tout est donc remis au vendredi, avec plus de succès, puisque nous trouvons un magasin suffisamment complet, au personnel sympathique et compétent ; nous y allons à vélo, nos engins sont démontés et nettoyés, mis dans les cartons laissés ouverts et rapatriés en camionnette à notre hôtel. Ouf ! y’a plus qu’à … tout ressortir, renforcer le carton du tandem (bricolé à partir de deux cartons à vélo standards), jouer à tetris avec les différentes pièces détachées pour arriver pile poil au poids juste, avec l’aide de la vieille balance mécanique de l’hôtel… et ensuite faire la même chose avec toutes nos sacoches. A devenir maboule !

Le reste du temps sera consacré à la natation et à enseigner à Léon et Eugénie l’art de fermer la bouche quand on leur met la tête sous l’eau, faire des châteaux de sable, enrichir nos connaissances en matière de gastronomie indonésienne et balinaise, acheter des souvenirs, organiser le transport jusqu’à l’aéroport et notre arrivée à Brisbane, trier et jeter nos vieilleries, remplacer chaussures de vélo, tongs et maillots de bain défaillants…

En définitive, nous avons réussi à traverser Bali sans faire une seule des visites, ou attractions habituellement proposées aux touristes.

Trop fort ! Mais nous avons au moins vu la vraie vie des petits villages traversés à vélo, entretenu les biscotos, bu le café assis par terre, acheté des cerfs-volants et mangé toutes sortes de poissons… Pis surtout, c’est beau!

Aussie avec nos vélos

Dimanche 12 mai au soir, embarquement pour l’aéroport. Nous y sommes largement en avance – vers 20h00, alors que le vol est à passé minuit – par crainte de devoir réorganiser l’emballage de nos véhicules ou passer le tandem en fret (ça marche comment ? Euh… aucune idée) à la dernière minute. Afin d’éviter le même genre de gag que nous avions rencontré à Cointrin (cartons complètement ramollis par la pluie et défoncés par le personnel du tarmac) et de peaufiner l’apparence esthétique de nos vieux cartons, nous décidons d’investir 30 dollars d’emballage cellophane…

Victoire, tout passe la rampe et le tandem de 32 kilos est pesé à 21, suite à une erreur de balance, ce qui nous évite de payer la taxe de surpoids de 60 dollars. Finalement, tout s’est bien passé, la seule véritable galère ayant été d’occuper les enfants pendant les quatre heures passées à l’aéroport de Denpasar…

Arrivée à Brisbane le 13 mai au matin, aussi frais et dispos que des opossums du Queensland. Soulagement, tous nos bagages ont suivi !

Dis Freezy sharky, quels seront les nouveaux défis dans cet immense pays ? Let’s see…


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Java bien, et vous ?

Écrit par Famille Carrard | 09/05/2013 12:26

Il n y a pas que les crapauds et les pélicans qui voyagent. La caravane des cyclos en goguette a fait son petit bonhomme de chemin, avouons-le, avec pas mal de bus.

Java est une île de 128’000 km2, trois fois la Suisse mise bout à bout, pour 136 millions d’habitants (17 fois la Suisse). Autant dire que la densité de population et la circulation sont à l’avenant et que les abords des villes ne sont pas vraiment un paradis du cyclisme. D’ailleurs, le trafic sur les grands axes et dans les secteurs urbanisés et industrialisés offre un spectacle dantesque aux heures de pointe. Nous avons donc été bien inspirés de tout faire pour éviter Jakarta. Le gag, c’est que comme pour tout Indonésien, il est impensable de se trouver dans le pays sans être passé, arrivé ou sans devoir repartir par la capitale, on nous demande toujours, où nous allons après Jakarta, ou si on vient directement de Jakarta, si nous pensons arriver ce soir à Jakarta ou plutôt demain… Bref ! Pour nous, la réponse c’est « Jakarta tidak ! ».

Retour au 18 avril

En arrivant de Merak, nous avons donc directement effectué un crochet par la côte ouest. Les premiers kilomètres, nous nous demandions vraiment ce que nous étions venus faire dans cette galère, la route étant particulièrement chargée en fin d’après-midi entre Cianjur et Anyer, où camions, minibus, voitures et motos semblaient se disputer la pole position. On a intérêt à tenir sa gauche et à être prêt à freiner. Entre autres galères, perte de notre second compteur (arraché le matin même des griffes d’un vilain bonhomme). Cette fois-ci, il faudra vraiment compter les bornes – c’est le cas de le dire –  à l’approche des 10’000 km.

Le jour suivant (après Anyer), la route côtière sera miraculeusement quasi déserte ; petite étape tranquille au bord de la mer jusqu’à Carita où nous tentons le resort un peu plus luxe que d’habitude et où nous croiserons la route de Bruno le crapaud. A partir de Lubuhan, estimant que Jakarta a été suffisamment contournée, nous poursuivons en direction de l’est, remontant sur les plateaux entre les volcans jusqu’à Pandegelang avant de viser Bogor.

Le 21 avril, nous nous levons tôt pour une ultime étape de vélo. La barre des 10’000 km est franchie sans chichi (dans tous les sens du terme…) après un rapide petit déj’ et une demi-heure de route. Nous enchaînons les kilomètres, profitant de la fraîcheur matinale.

Comme tout ça donne faim, on fait un brunch de mi-matinée à grands renforts de poulet, riz et croquettes de patates, histoire d’avoir du jus pour la suite. Car Java, c’est « malplat » ! Pendant une cinquantaine de kilomètres, nous nous trouvons de nouveau en pleine cambrousse, sur une route qui d’abord suit la ligne de crête avant d’enchaîner avec une nouvelle série de vallées en enfilade en effectuant d’incroyables détours. C’est joli, mais peu ombragé, à part lorsque nous longeons des palmeraies sur des versants sud… tout ça donne soif aussi et nous faisons le plein à chaque fois que l’occasion se présente.

En fin d’après-midi, nous sommes encore à une bonne cinquantaine de kilomètres de Bogor, il y a de nouveau des petites villes, mais complètement hors des circuits touristiques sans un seul logement. Nous nous résolvons donc au plan B : l’auto-stop camionnette. Le premier essai est le bon et nous nous faisons livrer avec armes et bagages directement au centre de Bogor, sur le pas de porte d’un guesthouse. Comme toujours, à l’approche de la ville en fin de journée et déjà dans les quelques cités de banlieue couvrant la fin du parcours, une circulation épouvantable et complètement anarchique prévaut. Pas de regrets donc d’avoir ménagé un peu nos jambes et nos jantes, d’autant que la moitié du trajet aurait été passablement accidentée, poussiéreuse et sur une route défoncée.

Bogor

Bogor, une drôle de ville, près d’un million d’habitants à une soixantaine de kilomètres au sud de Jakarta. D’un point de vue urbanistique, les quartiers récents tirés au cordeau se développent à l’est du centre, alors que la partie ouest entre bidonvilles, gare et golf luxueux est sans queue ni tête. A l’abord de l’une des rivières traversant la ville, les maisons des quartiers populaires ont d’ailleurs tendance à tomber dans le ravin sapé par les fluctuations du cours d’eau.

La particularité du centre « historique » est qu’il ne s’agit pas d’une vieille ville avec des bâtiments coloniaux. Le véritable cœur de Bogor est le Kebun Raya : il s’agit d’un gigantesque jardin botanique de plus d’un kilomètre carré (4 fois le Jardin du Luxembourg à Paris !), avec zones de parc et palais. Originellement destiné à l’étude des plantes tropicales, il a gardé en partie cette vocation : la majeure partie est aujourd’hui ouverte au public et comme zone de détente, fait le bonheur des écoliers, des visiteurs étrangers et de tous les amateurs de verdure et d’environnement romantique.

Malgré son importance, la ville est délaissée par le réseau de transports. Pourtant en bonne place sur la voie ferrée qui relie l’ouest à l’est de Java, c’est devenu une gare cul-de-sac. Le prolongement sud de la voie est désormais condamné par une grille et squatté par des marchés et un nouveau parc qui semble peiner à s’imposer comme tel, à en croire le nombre de bistrots fermés. La gare n’est plus desservie par les directs et on doit donc aller sur Jakarta pour reprendre un train traversant la ville (mais pas la gare) si on veut se rendre dans l’est de l’île : tant pis, nous avons juré nos grands dieux depuis bientôt 10 mois que nous n’irions pas à Jakarta et nous n’irons pas ! Pour aller à Yogyakarta, nous devrons donc une fois de plus nous résoudre à prendre un bus.

Minibus privé, un luxe ?

La croix et la bannière pour relier Bogor à Yogya en transports publics : c’est ce qui nous attendait, à en croire le Lonely Planet (ou plutôt l’étonnante absence d’informations) et la tenancière de notre guesthouse. C’est donc sur son conseil que nous avons pris un bus privé « door to door », le double du prix des bus publics avec les vélos. La dame nous a tout organisé et s’est sucrée au passage d’une confortable commission. Bref, nous embarquons avec nos vélos démontés dans un minibus sept places (la moitié des sièges enlevés) et en payons six. Le trajet lui-même est intéressant : de Bogor à Bandung, c’est une imposante montée qui mène au sommet du col de Puncak (1400 m.) sans discontinuer dans un trafic impressionnant : nous sommes sur l’un des deux principaux axes est-ouest de Java. Si l’on fait abstraction des camions qui serpentent pare-choc contre pare-choc entre les innombrables épingles à cheveux du col, les paysages rappellent un peu ceux des Cameron Highlands en Malaisie avec des kilomètres carrés de plantations de thé dessinant d’étonnants labyrinthes à perte de vue dans des pentes impressionnantes. Resdescente sur Bandung pendant le rush de la nuit tombante avant de retrouver voies rapides et routes de plaine avec des traversées de villages et de villes à des vitesses qui font froid dans le dos…

Encore un trajet annoncé comme devant durer 15 heures, mais c’est nous qui le ferons prolonger en intimant l’ordre à notre chauffeur de dormir un moment : voyant dans la soirée qu’il faisait des trucs bizarres sur la route et qu’il n’avait plus l’air très frais, nous lui avons imposé trois heures de sommeil dans une station service, quitte à arriver plus tard. Résultat des courses : de quinze heures, nous sommes passés à 20 heures de trajet. En discutant avec lui, les chauffeurs n’osent d’habitude pas s’arrêter à part pour les pauses repas car ils ont de gros soucis avec les clients pour le moindre retard : promis, nous ne nous plaindrons pas du retard, trop heureux d’être arrivés en vie à destination… C’est le paradoxe : on prend le service plus cher que les bus de ligne, dont les deux chauffeurs roulent en alternance. Du point de vue de la sécurité c’est discutable !

Dès le petit matin, la voiturée émerge peu à peu en même temps que la vaste plaine qui s’étire entre Purwokerto et Yogya. Tranquillisés après les inquiétudes de la nuit – le chauffeur s’offrira encore une petite sieste après le petit-déj’ – nous pouvons apprécier à sa juste valeur le magnifique spectacle des rizières qui s’éveillent dans les brumes matinales. Tandis que les « chapeaux pointus » s’appliquent à repiquer le riz au pied des volcans, les pères et grands-pères de famille amènent les enfants à l’école par demi-douzaines dans leurs « becak », les rickshaws javanais. Nous sommes tout de même soulagés de débarquer au Bladok Hotel sur le coup de midi. C’est là que nous allons nous remettre de nos émotions quelques jours avant notre dernière grande virée en bus indonésienne.

Yogyakarta

« Jogja » pour les intimes ! Cette ancienne capitale entourée de sites culturels et naturels prestigieux (Borobudur, le volcan Merapi) présente tous les attraits d’une ville touristique. Monuments à visiter, artisanat, vie culturelle. Calèches et becaks font partie intégrante du paysage urbain et sont à l’usage tant des touristes que des locaux. A chaque fois que nous franchissons le seuil de notre hôtel, nous voilà hélés par les conducteurs de becaks à coups de sonores « transport ! » ; ils nous emmèneraient au bout du monde ou de la rue, c’est selon. C’est d’ailleurs dans un éclat de rire général – les Javanais ne manquent heureusement pas d’humour et ont le sens de l’auto-dérision –  que nous leurs renvoyons l’invitation en passant avec nos tandems et vélos à remorque.

Nous nous retrouvons donc quelques jours en immersion au milieu des touristes, guesthouses, hôtels, services de « laundry » (orthographes multiples), « tourist information » (agence organisant des tours organisés ou des minibus vers d’autres destinations touristiques) et restaurants indo-western. Nous nous accorderons d’ailleurs de nombreux écarts culinaires, ce d’autant plus que les équipes de cuisine, tant du Bladok que du Bedhot proche, sont rodées au mélange des styles. Yogyakarta sera donc probablement l’endroit où nous nous serons un peu remplumés après Sumatra et le début de Java.

Pour les courageux (ou les enragés), nous sommes dans la ville du shopping-souvenirs. La rue Malioboro est vendue entièrement au batik (technique d’ornementation des textiles à la cire perdue) et surtout à tous ses dérivés. Si on veut faire de bonnes affaires, il faut s’y connaître un peu et se lever de bonne heure. Nous nous contenterons d’une unique escapade dans un grand magasin de batik et de souvenirs pour voir ce que c’est, avant de déserter les Champs-Elysées de Yogya.

En matière de culture, nous aurons visité le Kraton (palais du sultan) dans la cohue, le Taman Sari (château d’eau, très joli !) et ses échoppes d’artisanat pour les touristes. Honnêtement, c’est surtout les trajets en becak ou à pied dans les ruelles adjacentes ou les balades à chercher notre chemin dans les kampungs et les arrière-cours qui nous auront le plus marqués.

En soirée, nous avons tenté le spectacle de marionnettes en ombres chinoises ; pas top avec les enfants : après une demi-heure de présentation des personnages, deux heures de descriptif détaillé du combat titanesque des figures légendaires héritées du vieux fond culturel hindou. C’est de l’épopée dans le style homérique, mais en javanais! Apparemment, il y a très peu d’Occidentaux qui tiennent jusqu’à la fin du spectacle… au moins, nous aurons vu comment sont fabriquées les marionnettes dans de la peau de buffle.

En guise de sortie des quartiers touristiques, nous nous sommes offerts des allers-retours à la gare des bus. L’occasion de faire une quinzaine de km à vélo en périphérie et de voir les quartiers au sud du Kraton s’animer à la nuit tombante.

En définitive, ce qui aura le plus marqué les enfants lors de notre unique stop javanais, outre les merveilles cuisinées au restaurant de notre hôtel, c’est surtout le fait de pouvoir sauter quasiment directement de notre chambre dans la piscine… et on peut dire que celle-ci a été largement rentabilisée !

Recette pour « alléger » sa chevelure en voyage…

Mais la pause à Yogyakarta a aussi été un arrêt utilitaire. Il s’agissait pour nous de régler la question de nos billets d’avion de Denpasar (Bali) à Brisbane (Australie), ce qui n’était pas une mince affaire. Incompétence des agences de voyage à réserver des vols dès que l’on sort du cadre du touriste moyen standard avec sa valise standard ; mauvais fonctionnement des systèmes de réservation en ligne (et d’internet en général). A l’heure où nous postons cet article, nous n’avons d’ailleurs toujours aucune certitude que le 13 mai, nous pourrons bien embarquer dans l’avion avec nos vélos, remorque et tandem. Prises de tête également (comme à Bogor) pour trouver le moyen le plus simple et le moins coûteux de relier Yogya au ferry pour Bali, avec éventuellement une escale au fameux volcan Bromo. Autant dire que nous avons fait une croix sur le volcan pendant qu’il nous restait encore quelques cheveux (y compris et surtout à Laure ; pour Frédo ce n’est plus d’actualité…).

Donc un bus de nuit pour 14 heures de trajet entre Yogyakarta et Banyuwangi, ville la plus à l’est de Java et départ du ferry pour Bali. Trajet sans histoire, de nuit, avec un chauffeur ni plus, ni moins taré que les autres conducteurs de bus indonésiens. Et comme à chaque fois, repas éparpillés sur la nuit, réveil un peu courbaturé au petit matin en extase devant volcans et rizières au lever du soleil. Franchement on se lasse des trajets en bus, mais pas des paysages javanais. Arrivés le 30 avril à 7h00 pétante au terminal de Banyuwangi, nous nous dépêchons de revisser tous les boulons de nos véhicules et engloutissons un dernier petit-déjeuner javanais avant de parcourir les dix derniers kilomètres qui nous séparent du ferry. Bali, nous attend !

Ça balance pas mal à Bali, ça balance pas mal !

Et voilà que nous la quittons déjà sans même vous avoir raconté notre très beau séjour balinais tout en vélo et en merveilles… Car d’ici quelques jours, nous vous saluerons depuis l’Australie (avec ou sans nos bagages !). Promis, la séance rattrapage est prévue avant l’été !


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Plus fort que la fiction !

Écrit par Famille Carrard | 27/04/2013 10:34

Depuis le début du voyage, les histoires du soir – réalistes, cela va de soit – sont improvisées à mesure sous la forme de feuilletons. Elles mettent en scène des animaux, doués de raison, dont le chemin croise parfois celui d’autres aventuriers, une certaine famille de fous à vélo voyageant avec deux enfants à travers l’Asie… et c’est là que la réalité rejoint la fiction !

Nous dédions ce petit texte aux jeunes lecteurs qui ont peut-être envie de percevoir notre périple par l’autre bout de la lorgnette…

Les (més)aventures de Bruno le crapaud

Si vous avez raté le début…

Bruno le crapaud aime l’inconnu et veut découvrir le vaste monde. Parti le mois dernier de l’arboretum d’Aubonne en Suisse avec son amie Aude (la Crapaude), il voyage à bord d’Ivan le Pélican, un autre aventurier passé là par hasard qui veut rejoindre Sydney. En ce moment, les trois compères traversent l’Indonésie et posent patte à terre au gré de leurs envies et des inévitables péripéties qui rythment leur périple.

L’histoire se passe un week-end d’avril à Carita, sur la côte ouest de l’île de Java. Les villages de pêcheurs y côtoient hôtels et pensions, surtout à l’usage des habitants de Jakarta, avides de calme après une semaine dans l’enfer de la capitale. Quelques «bule» (êtres humains à la peau blanche) itinérants fréquentent aussi parfois ces lieux lorsqu’ils sortent de la jungle…

Episode 23

L’équipage a quitté Sumatra et traverse le bras de mer qui la sépare de Java ; en chemin, ils survolent un archipel où fument des volcans actifs, notamment le célèbre Krakatau. A la nuit tombante, ils rejoignent la côte javanaise près de Carita. Ivan, qui a avalé un peu trop de poussières volcaniques, éternue. Le pauvre Bruno se trouve projeté dans les airs. Il tombe dans la piscine d’un hôtel. Tandis que son ami désolé se lance à sa recherche, Bruno doit se tirer seul de ce mauvais pas et se dépêche de quitter la piscine qui lui pique les yeux. Il se cache, craignant pour sa vie, car la nuit arrivant, de grandes chauves-souris tournoient déjà dans le ciel. Il erre de buisson en arbuste, prenant bien garde de ne pas être repéré par les diverses bestioles – varans, rats – qui hantent inévitablement les moindres ilots de verdure. Il trouve finalement refuge dans une sorte de réceptacle douillet mais malodorant laissé aérer sur la terrasse de la chambre 103.

Au petit matin, il est réveillé par un coup de gros orteil dans le popotin et la voix surexcitée d’un petit garçon : « Maman, y a un crapaud dans ma godasse ! ». S’ensuit un drôle de mic-mac : la chaussure passe de mains en mains, les flashs crépitent et Bruno croit sa dernière heure arrivée. Etourdi, il se retrouve finalement au bord d’un petit étang. Les routes se séparent ici : les fous repartent sur leurs vélos et Bruno grimpe dans le minaret de la mosquée voisine, d’où il arrivera à attirer l’attention d’Aude et Ivan, lancés toute la nuit à sa recherche et soulagés de retrouver leur comparse.

Ouf, le voyage peut continuer ! Remonté à bord, il rejoint sa douce Aude et les trois amis mettent le cap sur Bogor, Yogyakarta, Bali, d’où ils traverseront la mer pour rejoindre l’Australie (…).

Fiction que tout ça ? Pas du tout ! Et nous en avons la preuve !


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Côte ouest

Écrit par Famille Carrard | 25/04/2013 07:11

Jimi le muezzin

Avant de prendre congé du pays Minangkabau, mentionnons une spécificité locale – comment ne pas la remarquer ? – nous avons nommé le muezzin et l’imam zélés et insupportables. Le phénomène a pu être observé systématiquement de Bukittinggi à Pariaman, très peu ailleurs à Sumatra et assurément pas dans les autres régions musulmanes traversées au cours de ce voyage ou d’autres…

Ça a commencé à Bukittinggi : au petit matin, les muezzins des deux principales mosquées du centre-ville redoublaient de volume sonore et d’amplis saturés, au détriment de la qualité du chant, habituellement harmonieux et très beau à écouter. Ensuite, l’imam jouait des mêmes hauts parleurs pour faire profiter toute la ville de ses prières, mais surtout de ses « sermons » peu rassurants, sur un ton particulièrement criard et agressif. Entre 5h00 et 6h30 du matin, tous les jours ; souvent également plusieurs fois au cours de la journée (sauf que là on s’en fiche). Pauvres fidèles… Nous sommes en pays musulman et devons accepter les coutumes locales, soit, mais là c’était le pompon !

La variante campagnarde maintenant. Dans des bleds en plein Sumatra, on trouve des muezzins surdoués qui, rien qu’à la voix (mais à grand renfort d’ampli pourri et de larsen), réussissent à reproduire le son de Jimi Hendrix massacrant – sur sa Fender Stratocaster à Woodstock – l’hymne américain « The Star Spangled Banner » en imitant les B-52 sur le Vietnam : un vrai coup de maître !

Depuis Padang, retour à la normale, l’appel à la prière du matin, tout comme les quatre autres qui rythment la journée sont harmonieux, bien chantés et durent quelques minutes. Un petit côté exotique sympa et un appel au réveil plus en douceur pour démarrer tôt la journée.

Moussons-nous jusqu’à Bengkulu !

Les 44 épingles à cheveux

Comme déjà dit, chassés par l’imam, départ de Bukittinggi le 5 avril. Selon nos plans légèrement idéalisés, 36 km, comprenant la montée jusqu’au bord du cratère, puis la redescente sur le lac de Maninjau. Le beau temps menace ce matin, ça s’annonce donc plutôt comme une petite journée tranquille… Plans un peu trop optimistes, puisque les 250 m de dénivelé à la montée (BKT 950 m, sommet du cratère env. 1200 m) devront être faits plusieurs fois, la faute à quelques vallées prises en enfilade. Ne nous plaignons pas, maintenant que c’est derrière, nous en garderons un bon souvenir : rizières, buffles, jolies vallées et villages accrochés à leurs flancs.

Enfin les fameuses 44 courbes, pour 800 mètres de descente sur une dizaine de kilomètres, aussi régulières que dangereuses. La vue plongeante sur le lac Maninjau est splendide. La noirceur du ciel d’orage fait ressortir le vert éclatant des rizières.

Un dernier contrôle des freins et nous nous lançons. A chaque virage à gauche, l’équipe tandem au braquage limité a un coup de stress. Impossible de tenir sa gauche dans ces courbes si serrées et si raides. Il faut donc prendre au large en espérant ne pas avoir de mauvaise surprise en plein tournant. Pendant ce temps, Frédo vit un drôle de face à face avec un macaque fâché (contre qui ?) lorsqu’il bâche la remorque aux premières gouttes…

Car l’averse tropicale nous a forcément cueillis avant la fin de la descente. Laure, alors en croûte de sel, rencontre une nouvelle difficulté : la pluie en pleine figure va provoquer une irritation subite de ses yeux. Impossible de les garder ouverts. La caravane est forcée de s’arrêter, le téléguidage par Frédo n’étant pas au programme. Pourtant à l’avant, Léon ne bronche pas de se faire pareillement rincer. Quant à Eugénie à l’abri dans la remorque, elle en profite pour piquer un petit roupillon !

Contents d’arriver en bas, nous nous abritons dans un café et reprenons nos esprits à grand renfort de pancakes au chocolat. Au bout du 20ème « Is this love » en boucle sur l’iphone du fiston, nous demandons à la patronne si elle possède de la musique minangkabau. Toute heureuse de l’aubaine et pour notre plus grand bonheur, elle saisit sa guitare et nous gratifie d’un admirable concert privé. Génial !

Le cœur réchauffé, mais la culotte toujours autant mouillée, nous quittons le café à la recherche d’un toit à dodo, à nouveau sous la pluie. Deux cents mètres plus loin, le Beach Guesthouse, les pieds dans l’eau tiède, fera l’affaire.

Leçon de pédalo

Si l’environnement du lac Maninjau est magnifique, en revanche, après une nuit de sommeil profond – il y a paraît-il eu un tremblement de terre de 5.2 sur l’échelle de Richter vers minuit, mais rien remarqué – nous nous rendons compte au matin qu’il est illusoire d’attendre l’arrivée du soleil. Départ donc sous des trombes d’eau en direction de la mer et de Padang. Qui sait, le littoral sur l’Océan Indien sera peut-être plus épargné par le mauvais temps que les régions montagneuses à l’intérieur des terres ? Dans nos rêves ! Les deux grosses étapes menant à Padang se feront sous la flotte, entre accalmies, petites bruines et grosses tempêtes tropicales. Ici la mousson dure jusqu’en avril compris, qu’on se le dise !

Néanmoins, les paysages traversés par la route menant de Maninjau à l’océan valent le coup d’œil. Le long de la mer, la petite route tranquille est en partie inondée et on ne sait jamais ce que cache la grande mare à franchir. Humainement, les conducteurs sont toujours aussi mauvais et les gens aussi gentils et souriants que lassants : on doit être à 4500 « Hello Misterrrr, what you nèm’ » par jour (c’est sympa, mais ça fatigue un peu les oreilles et les nerfs).

La végétation et la vie ont repris leurs droits depuis le cataclysme qui a ravagé la région le 26 décembre 2004, mais on voit fleurir le long de la route des panneaux indiquant les voies d’évacuation en cas de tsunami. Une nouvelle étape de vélo, cette fois-ci dans un trafic « à l’indonésienne », nous mène à Padang, la plus grande ville de la côte occidentale de Sumatra.

Padang

Pas grand chose de passionnant à faire dans cette ville qui porte encore les séquelles d’un important séisme en 2009. Beaucoup de constructions nouvelles côtoient de vieilles bâtisses ruinées et nous-mêmes logeons dans la partie encore debout d’une maison ancienne qui a été un peu « raccourcie » lors du séisme précité. A la première adresse visitée – « our pick » du Lonely Planet, version 2009 – nous n’avons d’ailleurs trouvé qu’un terrain vague dont le bâtiment ruiné a été arasé au niveau des fondations et les déblais évacués ; cas école pour l’interprétation archéologique…

Le rivage est occupé par une plage-décharge interminable. Là par contre, le tsunami pourrait être passé la semaine dernière. Près du centre-ville, ce sont des alignées d’échoppes à poisson grillé assez cradingues et vides qui à la nuit tombante, mal éclairées et avec la sortie des mendiants et zoneurs en tous genres, ont tout du coupe-gorge. A mesure que l’on remonte la plage vers le nord, terrains de sport, place de jeu sans ombre et quelques barques de pêcheurs tentent de faire illusion au milieu des immondices. De l’autre côté de la route côtière, des grands hôtels tout neufs tournent le dos à la mer et aux bidonvilles qui leur font du pied.

Pour contrebalancer cette image assez peu reluisante, de la plage, on admire les magnifiques couchers de soleil sur l’Océan Indien, en particulier en cette période de fin de mousson lorsque les gros cumulonimbus guignant à l’horizon semblent littéralement s’embraser. Mais en définitive, Padang n’est pas le lieu où nous viendrons passer nos prochaines vacances balnéaires.

Bengkulu

Nous effectuerons en bus de nuit la route pour Bengkulu, théoriquement 570 km de route côtière. En fait, nous allons prendre l’itinéraire montagneux pour 840 km et 16 heures de trajet ; option pittoresque slalomant entre hauts plateaux et vallées. En fin d’après-midi, la première partie du trajet dans la vallée de Solok offre des coups d’œil grandioses sur les rizières et les volcans éteints environnants, recouverts par la forêt tropicale. Dans les villages, une part importante des maisons est en bois sculpté et peint dans la tradition minangkabau. Nous quittons ensuite les volcans pour les pics karstiques. Le reste se fera de nuit, entassés, avec Léon et Eugénie qui commencent à se faire à l’inconfort des trajets en bus.

Arrivés à Bengkulu aux aurores le 9 avril, deux journées seront nécessaires à reprendre nos esprits, nous remettre des courbatures, constater que le centre-ville est beaucoup moins joli que les kampungs-bidonvilles périphériques et surtout poster un paquet de souvenirs transbahutés depuis Toba.

Encore un effort !

Nous tentons ensuite la route côtière en direction de Bandar Lampung. Une bonne dizaine de jours de vélo à faire, alors que déjà la moitié de notre temps de visa indonésien est écoulée ; et l’extrémité sud-est de Sumatra semble être le bout du monde. Tant pis, on y va !

Chauffe Marcel

Près de la mer, les régions les plus plates entre Tais et Kota Manna sont envahies par les palmeraies, mais après Bintuhan, les reliefs sont particulièrement escarpés : la jungle y est encore quasi inviolée et a encore de beaux jours devant elle.

Autant les villes-étapes sont bétonnées et moches, autant les villages de paysans de l’intérieur des terres et de pêcheurs sur la côte sont typiques et souvent pittoresques, avec leurs maisons aux parois de bambou ou de torchis peint de couleurs pastel. Dans les rizières, les petites dames pataugent dans la boue à repiquer du riz ; c’est un festival de chapeaux pointus colorés, vissés des bouilles au sourire inamovible.

Nous tiendrons trois jours à vélo sur la partie du trajet théoriquement la plus plate des 600 km qui nous séparent de notre objectif, avant que la chaleur et les montagnes russes qui rythment ces paysages ne nous ramènent à la raison.

Cette très belle région côtière, où les rizières et la jungle proche se font de l’œil, vaut vraiment le détour… mais pas à vélo avec des enfants.

La goutte qui fait déborder le vase : des ados prêts à l’attaque en hurlant et visant le tandem au ballon de foot ! Pour une fois, le pétage de plomb de Laure gentiment épuisée  sera salutaire. De Bintuhan, après une petite parenthèse plage, nous décidons donc de reprendre le bus.

Crouille bahut

Nous croyions avoir tout vu en matière de transports pourris, c’était avant de connaître la compagnie Krui Putra. Notre bus est arrivé avec 1h20 de retard pour cause de pneu crevé.

A ce stade, en voyant l’état des pneus en question, on se demande vraiment si ça vaut encore la peine d’en mettre sur les roues. 1h30 de plus seront consacrées à la réparation de la roue de secours : en fait, comme la chambre à air était complètement déchirée, il a fallu attendre qu’un bus de la même compagnie fournisse une autre chambre à air percée de secours, elle réparable… Mais ce n’était que le début ! Au cours du trajet, le moteur a serré au moins cinq fois, avec calages en pleine montée dans des pentes démentes à 20%, bloquant toute la circulation. Nous avons également dû changer de batterie, faute de pouvoir allumer le moteur après un des nombreux calages… Lorsqu’il fallait embarquer des passagers en route, Frédo a dû se muer en aide-chauffeur et s’occuper du bloquage/débloquage de la porte arrière par un loquet improvisé, puisque les deux préposés à cette tâche se roupillaient parmi sur la banquette…

Finalement, nous arriverons à Bandar Lampung, avec seulement trois heures de retard, grâce aux talents de notre chauffeur : il faut savoir qu’en Indonésie, chaque conducteur de bus est un Ayrton Senna en puissance (vie et mort ?). Le sommet, c’est la gare de la compagnie Krui Putra : un bourbier indescriptible, d’où émergent les immondices les plus diverses et dans le désordre le plus total les carcasses de toute une série de véhicules semblables au nôtre, accidentés ou en phase de démontage-récupération. Nous déchargeons notre attirail avec la désagréable surprise de récupérer une sacoche à habits imbibée de mazout et attendons que notre carrosse poursuive sa route jusqu’à Jakarta (inch’Allah !) pour sortir nos kits petit déj’ de céréales au chocolat et commander thés et cafés, avant de remonter sur nos vélos, eux aussi encore entiers…

Kalianda

Comme tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts (déjà dit précédemment, mais ça se confirme), nous ne nous arrêtons pas à Bandar Lampung. Au taquet après notre nuit de bus, nous reprenons des forces à coups de cafés et de donuts dans la succursale locale d’une grande chaîne capitaliste de cochonneries occidentales. Puis nous embrayons pour Kalianda, petite ville autoproclamée station balnéaire imaginaire au bord de la mer. Rien à y faire, pas de village pittoresque, la plage, c’est pas ça non plus.

Nous goûtons peu le fait d’être dévisagés à chaque coin de rue et pris pour des bêtes de foire. Pour clore en beauté, pour la première fois depuis Jishou, en Chine, nous avons le sentiment de ne pas être à notre place ici ; outre les éternels « bule » (= blanc) appuyés et sur un ton peu amène, nous reconnaissons pour la première fois un témoignage haineux de la part d’enfants : un gosse qui complètement gratuitement vous fixe du haut de sa moto et de ses 7-8 ans dans le blanc des yeux vous gratifie d’un doigt d’honneur et d’un « f*** you ! », forcément, ça fait mal. Le fait reste isolé et nous avons en règle générale un contact très sympa avec les locaux, même si nous les trouvons souvent trop insistants et intrusifs…

Par contre, chouette et sympathique hôtel dans une maison « bourgeoise musulmane post-coloniale » tenu par une famille accueillante. Allez, on fait une petite pause avant de franchir le détroit à 30 km. Cure de martabak-kacang-susu (sortes de crêpes épaisses avec une sauce sucre-lait condensé-cacahuètes concassées, excellent mais pas léger-léger…), burgers-frites et rattrapage vitamines après l’achat de kilos de fruits au marché. A part les sorties pour les repas, la moiteur nous dissuade de quitter notre pied-à-terre. Léon et Eugénie, qui ont trouvé leurs marques plus rapidement que les parents, jouent avec les enfants de la maison, s’installent à peu près partout (surtout au chemin !) pour créer de nouvelles oeuvres sur papier ou en lego et visitent la crèche attenante. Eugénie participera même à un cours de dessins au milieu de petits écoliers en uniforme bleu.

Profitant de la fraîcheur du soir, nous nous offrons une petite excursion pour voir la mer et le port. Au retour, nous nous arrêtons dans l’entrepôt où le cacao de la région est amené et reconditionné. Petits et très petits producteurs se côtoient et nous croisons un monsieur qui apporte sa récolte sur sa moto : l’équivalent d’un demi cornet migros de fèves séchées, prêtes à être envoyées à la chocolaterie de Jakarta pour être torréfiées et moulues.

Sumatra saturam(us)

Mais nous voulons quitter Sumatra et changer d’atmosphère. Derniers épisodes désagréables : le type qui tente de nous racketter pour récupérer notre compteur tombé par terre à une pause et, 3 km plus loin, le camion qui fait un dépassement insensé et nous oblige à sortir de la route pour éviter l’accident. Nous avalons rapidement les 30 derniers km qui nous mènent au bout de l’île avec Java en ligne de mire.

C’est à la fois avec une foule de belles images en tête et un certain ras-le-bol que nous embarquons sur le ferry pour Merak le 18 avril, en chantant « La Javanaise ».

A bientôt dans « La traversée express de Java » par Bruno le crapaud !


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En nage et rage, restons sage…

Écrit par Famille Carrard | 10/04/2013 17:47

Nous étions prévenus. Après la parenthèse des petites vacances à Toba, nous serions lâchés dans la Sumatra sauvage et ce serait une autre paire de manches. Départ donc le 20 mars avec des images plein la tête et un petit peu d’appréhension tout de même.

Afin de vous faire partager notre intense quotidien, en voici le résumé jour après jour :

Jour 1

Départ en douceur du Lac Toba, en longeant la côte nord et ouest de la presqu’île de Samosir, entre jolis villages  et rizières. Nous aurions pu en rester là et loger à l’hôtel des sources d’eau chaude près de l’isthme de Pangururan, avant la grosse montée de Tele, mille mètres plus haut sur le rebord du cratère. Sous l’impulsion de Laure qui préfère liquider la montée tout de suite pour que ce soit derrière, nous attaquons l’ascension.

A mi-montée, nous arrêtons une camionnette pour nous hisser jusqu’au plateau supérieur. Incompréhension sur le prix, Tele-chargement à la hâte en deux fois, la caravane s’étant un peu « distendue » en route : résultat des courses, un compteur perdu lors de l’embarquement, coût de la course dix fois plus cher que prévu et pour couronner le tout, notre destination est un petit bled glauque, sans logement. Nous essayons la police, mais serions condamnés à passer la nuit dans un bureau guère plus grand que notre tente avec le flic de garde (antipathique au possible) réveillé et la lumière allumée. En terre chrétienne, nous voulons tenter l’église, mais personne n’est capable de nous indiquer où habite le pasteur du coin. Nous finissons donc dans un local désaffecté et aveugle à l’arrière d’un restaurant pour camionneurs glauquissime tenu par une patronne aussi sympathique qu’un bouledogue. Au moins, ce n’est pas cher…

Jour 2

Lever tôt, on veut déserter au plus vite le resto de la bouledogue. Quelle joie d’attaquer la journée au frais sur les hauts plateaux (1800-1900 m). Décor inattendu sous ces latitudes : petites maisons aux toits de tôle peu pentus, clochers pointus, petits jardins où on fait pousser des patates, friches, pâturages et forêts de conifères (en l’occurrence des pins sylvestres, de près) sur des reliefs assez doux. Un peu plus bas, une large vallée plate est entièrement occupée par une tourbière exploitée par des personnes âgées et des enfants.

Pour la suite, nous redescendons et traversons des vallées aux flancs escarpés couverts de jungle, puis, à mesure que nous redescendons, rizières, plantations de café et humidité sont de la partie. Et comme c’est la mousson, nous héritons de quelques très belles averses en début de soirée. Arrivée soulagés à Tarutung, où nous fêtons symboliquement (c’est approximatif, comme nous n’avons plus de compteur) les 9000 kilomètres devant une borne, sous la pluie avec des cacahuètes…

Jour 3

Jour de repos à Tarutung, où notre principale préoccupation sera de changer d’hôtel, puisque en arrivant de nuit et sous la pluie hier soir, nous avons pris en hâte le plus mauvais rapport qualité-prix de la ville. Journée lessive et trombes d’eau cinq minutes chrono après avoir fini d’étendre : pour le séchage, on a trouvé mieux.

Jour 4

L’étape de la mort dans toute sa splendeur : entre minibus et camions, les soixante premiers kilomètres s’effectuent à la dure sur un relief en dents de scie qui nous coupe littéralement les jambes et sur des routes où les parties goudronnées s’apparentent davantage à des rustines qu’à un revêtement.

Pour égayer l’étape, le cadre campagnard est en revanche très joli : quelques beaux villages aux maisons de bois où églises et mosquées se font de l’œil. D’innombrables petites rizières en terrasse s’accrochent aux flancs des vallées. Une nouveauté : le long des routes s’égrènent caféiers et cacaoyers dans les jardins et en bordure de champs, témoignage de micro-productions. Certaines familles ont moins de 10 arbres à exploiter. Quant à nous, notre avance est freinée à plusieurs reprises par de violentes averses tropicales qui nous obligent à nous abriter sous un porche de mosquée, dans un café ou devant un magasin de cartes sim.

Faute d’hôtel à l’horizon et les locaux étant apparemment peu enclins à loger des étrangers sous leur toit (nous qui avions foi en l’hospitalité musulmane…), nous attaquons un ultime mur en espérant rejoindre Sipirok, 700 mètres plus haut alors que l’après-midi est déjà bien avancé. Quelques coups d’accélérateur seront nécessaires dans certains villages, malgré la pente, pour échapper à des gamins surexcités qui se jettent littéralement sous nos roues ou s’accrochent à la remorque : nous n’avions plus connu ça depuis le Vietnam. A la nuit tombante, exténués et peu rassurés par les trajets de nuit, nous nous arrêtons pour respirer devant un restaurant. Les occupants s’approchent, contact sympa, deux jeunes très gentils parlant anglais nous assurent que nous pourrons dormir ici et profiter des sanitaires. Grâce à la présence d’une source thermale, il y a la douche chaude au baquet ! Nous déstressons directement, commandons à manger, les enfants jouent et font des dessins, nous prenons nos aises en attendant de pouvoir aller nous coucher une fois que les clients seront partis.

A 20h30, retournement de situation : le jeune vient l’air emprunté. Son père (le propriétaire des lieux, que nous n’avons vu que de loin) refuse de nous héberger, nous devons donc partir ! La haine ! Aucune explication ne nous a été donnée, probablement que les jeunes s’étaient trop avancés pour nous faire plaisir et que le paternel, vexé de ne pas avoir été directement associé à l’invitation, a décidé de ne pas nous ouvrir sa porte. Colère, pleurs, incompréhension devant une telle inhumanité, nous repartons les batteries et le moral à zéro sur cette montée en pleine cambrousse, de nuit. Encore 7 km de montée en n’ayant aucune idée de ce qui se trouve après le virage suivant. Le sommet enfin atteint, nous traversons Sipirok où invariablement, la réponse  à notre requête d’hôtel est : plus loin (avec de fortes variations dans l’indication des kilomètres) ; nous continuons encore 5 ou 6 km en terrain vallonné à la seule lueur de nos phares de vélo, sans vraiment savoir où nous allons atterrir et ne sachant même plus si ça monte ou descend. Envie d’étrangler quelques ados qui veulent taper la causette sur leurs motos ou, pire, qui se plantent au milieu de la route en plein virage pour nous regarder passer en rigolant, obligeant les chauffeurs de bus à des dépassements insensés juste à notre hauteur. Plus de peur que de mal, mais là on sature. Ce n’est que deux heures après avoir quitté le restaurant que nous trouverons un resort avec de spacieux bungalows et surtout une baignoire. Bain pour tout le monde à partir de 23h00, dodo à passé minuit. Nous ferons l’économie de la petite histoire avant de s’endormir…

Jour 5

Après l’épreuve d’hier, pas vraiment envie de se stresser, afin de profiter un maximum de la chambre et, surtout, d’un petit-déj’ occidental avec œufs au plat, toasts et vrai beurre !

L’étape du jour sera beaucoup plus tranquille que la précédente : une trentaine de kilomètres, surtout en descente au milieu des palmeraies, cacaoyers et rizières nous séparent de notre objectif du jour. Pour le repas de midi, c’est toujours le buffet indonésien, mais nous décidons de nous essayer à quelques spécialités, comme différents apprêts de poisson un peu plus appétissants que d’habitude.

C’est à Padang Sidempuan, pourtant une ville grise, sale et bruyante, que nous découvrons l’un de nos meilleurs hôtels du voyage : un véritable havre de paix au personnel adorable au milieu de la gabegie ambiante. Nous décidons d’y prendre un jour de repos bien mérité. La seule sortie pour souper le soir de notre arrivée sera d’ailleurs jugée largement suffisante pour prendre la température du centre-ville ; demain, nous mangerons des cordons bleus et frites à l’hôtel.

Jour 6

Jour de repos, mis à profit pour faire un peu de mise à jour internet, photos, etc… et surtout la lessive. Notre chambre est calme et donne directement sur le jardin à l’arrière de l’hôtel, où nous pouvons étendre notre linge. Les occupations de la journée : regarder des cartoons sur l’ordi entre deux coupures de courant, manger des salades d’avocat et boire des jus de fruits, pas mal comme programme, non ? Et pour Laure, skyper en solo plus de 30 minutes avec sa grande copine Kathrin !

Jour 7

Nous reprenons la route, cette fois sur un terrain pas trop accidenté. A part le départ et l’arrivée en ville, nous suivons une belle route de campagne en fond de vallée plate et traversons quelques jolis villages au milieu des rizières. Il fait très chaud et nous suons à grosses gouttes ; pour les lieux ombragés, on repassera ! Comme d’habitude, nous avons le sentiment que l’on nous prend pour des extra-terrestres.

Les locaux ne pouvant s’empêcher d’essayer d’attirer notre attention, nous commençons un petit florilège des meilleures citations: « I love you » de la part d’une sexagénaire en voile musulman à Frédo ; « I miss you » ou « Hello Miss, I dreamed a dream » de la part de jeunes mecs à Frédo ; sinon les « Hello Mister ! » ou « Hello Miss ! » s’adressent indifféremment  à tout occidental, quel que soit son sexe : ça fait partie de la formule !

Comme nous finissons l’étape en forme, nous nous offrons le luxe de traverser toute la ville de Panyabungan aller-retour dans la longueur pour trouver le meilleur hôtel (euh… il y en avait seulement trois, à l’entrée de la ville…) – et du coup, profiter du petit rafraîchissement de l’averse du soir.

Jour 8

Pas de raison de se poser à Panyabungan. Nous reprenons de bon matin par une grosse montée, avec des beignets indigestes dans le ventre. La première pause aura lieu après 7 km. Nous traînons un peu, Léon et Eugénie jouent aux legos, Laure tente de digérer et Frédo papote avec un local très causant et gentil (un peu trop ?) qui veut nous emmener dormir chez lui. Il est 10h30 du matin et nous déclinons poliment l’invitation. C’est absurde que cela arrive en début d’étape et jamais en fin de journée dans un bled perdu loin de tout hôtel… Nous souffrons pas mal dans cette longue montée sous une chaleur étouffante et les arrêts sont nombreux. La traversée d’une série de villages dont la population est quasi entièrement constituée de garçons portant fez et sarong étonne. Il s’agit d’internats religieux et tous ces jeunes logent dans de petites cabanes vertes alignées le long de la route.

Comme nous sommes l’attraction et que chacun y va de sa petite phrase (sympa ou moqueuse, c’est selon), nous pouvons un peu étoffer notre répertoire de citations. Passage du col après un dîner bien mérité, suivi d’une très belle redescente sur la vallée de Kotanopan où nous voyons parmi les plus belles rizières de notre voyage.

Arrivée à Kotanopan, une fois de plus sous la pluie de fin de journée : c’est devenu une sorte de tradition à Sumatra. Il faudra s’y faire, car à ce moment-là, nous ne savons pas encore ce qui nous attend pour la suite… Avant la douche, Frédo se colle au rebletzage de deux chambres à air dans la pénombre : les pannes de courant sont en effet aussi fréquentes que les averses !

Jour 9

Pause à Kotanopan, balade dans cette petite ville pas très jolie, mais entourée de paysages idylliques. Nous découvrons un bistrot tout en bois, rose, où nous aurions aussi pu loger (si Laure avait mieux travaillé son vocabulaire, elle aurait su reconnaître le « penginapan » !). La journée étant pluvieuse, nous attaquons le début d’une longue série des lessives impossibles à faire sécher, ce qui deviendra la règle pour la suite de notre séjour à Sumatra.

Jour 10

Nouvelle étape pimentée par une très belle et régulière montée. Cette fois nous sommes partis aux aurores, avons plus la pêche que lors de l’étape précédente et avons la chance que ce soit ombragé et frais.

Nous voilà donc « déçus en bien » en arrivant au sommet avant midi. Ben quoi ! c’était ça la montée? Dès passage du col, nous sentons que nous passons à un microclimat plus sec sur le versant opposé, où les pins remplacent pour quelques kilomètres la jungle humide. En traversant les villages, nous voyons régulièrement des bâtons de cannelle mis à sécher et de plus en plus souvent des fèves de cacao, picorées par les poulets en stabulation libre. Eh oui, en cette période pascale, nous avons percé le secret de fabrication des œufs en chocolat…

Si on se fait un peu arnaquer au repas de midi, c’est en revanche aussi un moment de partage avec un groupe de garçons rappliqués avec leurs voitures bricolées dans des bouteilles de lessive. Ils font un peu de dessin en notre compagnie avec un plaisir non dissimulé. Dommage qu’ils n’aient pas pris les stylos que leur offrait Eugénie et qu’ils aient conclu par un « money » à notre départ.

A l’arrivée à Panti, nous nous rappelons que c’est Vendredi-Saint en croisant le pasteur de la petite communauté GKBP (Gereja Kristen Batak Protestan) à la sortie du culte. Le reste de la ville est musulman, mais ce jour est férié pour tout le monde. Nous trouvons notre bonheur pour la nuit et c’est seulement là que nous apprenons enfin LE nouveau mot utile pour définir les petits hôtels : « Penginapan ». Nous sommes chez l’habitant dans un drôle de relais pistache à moulures faisant un peu maison de poupées. Ça aurait été parfait, si le gardien n’avait pas roupillé toute la nuit à côté de notre chambre avec la télé à fond…

Jour 11

Départ à 7h30 avec encore 106 km à faire jusqu’à Bukittinggi. A priori, deux grosses journées difficiles, vu les reliefs qui s’annoncent pour le dernier bout et une météo de plus en plus capricieuse. Nous partons tôt, à fond, malgré les averses intermittentes et la moiteur.

Rythme effréné jusqu’à notre pause de midi, commencée à 10h45 à notre arrivée à Lubuksikaping. Avec de jolis chars attelés pour seule attraction pittoresque, cette ville est bâtie tout en longueur autour d’un grand axe de circulation central. On n’y trouve que des bâtiments publics autour d’une rue pourrie bordée de trottoirs surdimensionnés. C’est l’Indonésie à l’envers… Mais où habitent les gens ?

Le repas est costaud : il s’agit du buffet indonésien connu sous le nom de « Padang food », où l’on nous apporte tout l’assortiment sur table dans des petits bols. Paniqués de devoir tout payer, nous stoppons les ardeurs de la serveuse, mais apprendrons par la suite que seuls les bols touchés sont facturés. Ah… ça fonctionne comme ça ? Quelques essais poisson, viande séchée (faut avoir les dents solides !), poulet frit dans une pâte à beignet croustillante et la découverte qui sauve nos repas lorsqu’on en a ras-le-bol du riz : les « pergedel », sortes de croquettes de patates et oignons, excellents !

Un dernier coup de cul à la sortie de la ville précède la belle redescente sur la vallée suivante. Nous passons l’équateur à Bonjol et, à notre grande surprise, nous ne ressentons pour l’instant pas de séquelles particulières de nous retrouver la tête en bas.

Contrairement à nos attentes, pas de logement à Bonjol et la suite de la journée s’annonce coton : nous sommes à 57 km de Bukittinggi et avons près de 1000 m de dénivelé à faire. Nous avançons donc jusqu’au dernier gros village de plaine avant d’attaquer la montagne. Pluie, crevaison à réparer, pas de « losmen » ou de « penginapan ». Pendant que Frédo rustine, Laure et les enfants tentent leur chance devant une mosquée. Malheureusement, nous ne sommes pas assez musulmans pour pouvoir y dormir  – d’ailleurs on se demande comment les autres cyclos dont nous suivons les blogs peuvent régulièrement se faire héberger dans les mosquées, car nous n’avons à ce jour rencontré aucun Imam prêt à déroger à la règle.

La solution nous viendra de Daryl, un sympathique monsieur, souriant et à l’anglais parfait qui nous poussera pour les 50 derniers kilomètres de montagne jusqu’à Bukittinggi dans sa camionnette flambant neuve pour un prix très raisonnable.

Première nuit dans un hôtel pourri, mais nous aurons mieux dès le lendemain : le Happy Gusthouse. Dès notre arrivée, nous découvrons immédiatement notre stamm du lieu, le Canyon Café. Spécialités minangkabau et bonne cuisine occidentale, pancakes et bircher pour le matin, prix doux, service efficace et souriant, enfants, wifi rapide : tous les ingrédients sont réunis pour que nous y passions  du temps, la météo n’étant décidément pas au beau fixe.

5 jours à Bukittinggi

Nous déclipons quelques jours, pour nous remettre un peu de nos émotions. Au menu : repos bien sûr, mais aussi une journée sympa avec Camil et Emilie déjà rencontré au lac Toba. Arrivés quelques jours avant nous, ils nous font le tour du propriétaire en nous indiquant où déguster de bons petits cafés, yoghurts, gâteaux au chocolat.

En ville même, nous nous perdons dans les méandres de l’immense marché des produits frais, dans le top ten des plus pittoresques vus du voyage… sur la colline, les marchands de pierres semi-précieuses polissent avec soin leurs trésors sur d’étranges machines bricolées à partir de vieux vélos.

Nous aurons réussi à crapahuter un peu en ville, voir le zoo local – assez déprimant – nous balader dans quelques quartiers plus populaires entre deux averses. Le temps maussade nous a néanmoins imposé des occupations d’intérieur, comme faire « l’école », alors que Ling, la propriétaire de notre guesthouse s’est découvert des talents cachés comme baby-sitter ultra zen et prof de pâte à modeler…

Pas trop chauds pour de grands tours organisés, nous avons préféré prendre les minibus locaux, les « angkot » pour faire des excursions dans deux villages connus pour leur artisanat : bijoux en argent à Koto Gadang, localité par ailleurs remplie de jolies maisons en bois ; sculpture sur bois et tissage à Pandai Sikat. Si nous n’avons pas flashé sur les productions elles-mêmes, la vie campagnarde et l’environnement des volcans perdus dans la brume étaient du plus bel effet. On a même vu des taureaux « suisses » de race Simmental…

Finalement, le muezzin de la mosquée aura eu raison de nous à force de beugler des discours agressifs à 5h du matin, en plus de l’appel à la prière traditionnel. C’est donc avec les oreilles qui sifflent et un certain soulagement que nous quittons la ville le 5 avril en direction du lac Maninjau.

Qu’allons-nous décider pour la suite ? Nous vous laissons quelques jours de répit afin de stimuler votre imagination !


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A Sumatra, des hauts et des bas

Écrit par Famille Carrard | 03/04/2013 08:53

Ferry, vélo, bus, minibus, vélo, ferry, vélo : ouf… on y est !

Nous nous attendions à un changement de rythme, de régime et de difficultés en arrivant sur l’île de Sumatra, région beaucoup moins touristique et « occidentalisée » que celles traversées les mois précédents, en particulier la Thaïlande et la Malaisie occidentale. En matière de dépaysement, nous n’avons donc pas été déçus en nous retrouvant dans le bain dès le débarquement sur sol indonésien à Dumai le 15 mars.

Après notre traversée en ferry rapide depuis Melaka, le débarquement se fait dans l’anarchie la plus totale sur un quai trop petit pour contenir les passagers, leurs bagages et les proches venus embarquer tout ce petit monde. Nous avons donc patiemment attendu que ça se décante pour attaquer les formalités d’arrivée à Dumai, ville portuaire sans grand intérêt, polluée et poussiéreuse.

A 13h30, c’est derrière et nous apprenons que vers 18h00, un bus de nuit part pour Prapat, principale ville au bord du lac Toba. Nous allons donc devoir nous occuper une demi-journée dans la ville de Dumai – tout un programme – sous un soleil de plomb, car il n’y a rien à y faire, pas un seul arbre où se mettre à l’ombre et les seuls établissements publics où nous sommes susceptibles de boire un jus sont des restaurants qui offrent tous exactement le même assortiment de poissons grillés (d’avance, pas super appétissants) ou en diverses sauces fortes, idem pour le poulet, le grillé étant le seul pas fort. Le menu type : riz blanc avec poulet grillé sec, généralement accompagnés de trois tranches de tomate et de concombre ; ce premier repas d’une longue série va devenir notre standard de l’Indonésie non touristique. Après avoir parcouru sans nous presser les 5 km qui séparent le centre-ville de la gare des bus, nous y passons l’après-midi à glandouiller et observer la faune qui y zone. Embarquement à la nuit tombante avec notre barda sur le toit du bus et c’est parti pour 18 heures de trajet…

Nous traversons des centaines de kilomètres de plantations de palmiers, de jungle, de villages colorés et quelques villes bétonnées. Circulation dense de camions croisant en force sur une route principale aussi large qu’une desserte villageoise, minée de nids de poules. L’arrêt pour souper dans un relais du crû se fait attendre jusqu’à 23h00 et nous devons réveiller les enfants qui avaient déjà bien commencé leur nuit. Bon courage pour les rendormir après le nasi goreng…

L’arrivée en pays batak au petit matin apporte son lot de surprises : le climat est plus frais, car nous sommes autour de 1000 m d’altitude ; les brumes matinales qui se dissipent sur les rizières laissent apparaître d’innombrables clochers en lieu et place des minarets et des dômes de mosquées. La route qui descend de Siborong Borong sur le lac Toba, étincelant au soleil, traverse encore quelques petites villes où s’intercalent entre fers à béton et maisons de catelles des bâtiments typiques en bois aux façades richement décorées.

Ultime péripétie, trente kilomètres avant notre but, le bus dont nous sommes les derniers clients s’arrête en rase campagne : « transit » nous annonce-t-on. Nous avions pourtant pris un véhicule à destination de Prapat ! Ici, lorsqu’il n y a plus assez de clients, le bus ne va pas au bout de sa course. Nous allons devoir terminer dans un minibus à desserte  locale complètement pourri. Lorsque le chauffeur baragouine à Frédo de faire le transfert des bagages, nous lui faisons bien comprendre qu’il rêve. Il se débrouille donc avec ses acolytes (il y a toujours 2 chauffeurs et deux aides par bus…) pour transporter tout le paquetage d’un toit à l’autre, sous haute surveillance. Ensuite ils nous monnayent comme de vulgaires marchandises avec le chauffeur du minibus pourri, à qui nous n’aurons – heureusement – rien de plus à payer. La fin du voyage est beaucoup plus folklorique, mais nous sommes vers midi à Prapat avec un Léon qui reprend enfin des couleurs. Aucune raison de rester dans cette ville et, après un petit dîner ravigotant, c’est reparti pour une tournée de ferry.

Débarqués à Tomok, nous reprenons nos vélos pour une ultime cavalcade et terminons au village de Tuk Tuk, presqu’île au bout d’une presqu’île au milieu du lac… fin de l’étape. Nous sommes heureux de dénicher une immense chambre avec vue sur le lac dans un guesthouse vide (les derniers clients occidentaux sont passés un mois avant et les Indonésiens ne viennent au compte gouttes que le week-end) où nous allons passer quelques jours.

On se plaît en terre batak

Danau Toba

Le lac Toba, « Danau Toba » en batak, occupe un gigantesque cratère de plus de 100 km de long sur ne cinquantaine de large formé par l’éruption d’un supervolcan il y a plus de 70’000 ans. Le plan d’eau lui-même se situe à 900 m d’altitude, a une surface un peu plus grande que celle du lac Léman et la majeure partie de son centre est occupée par la presqu’île de Samosir, résurgence du fond du cratère provoquée par la poussée du magma. Sur le flanc nord-ouest, le cône régulier d’un plus petit volcan, éteint lui aussi, est planté directement au bord du lac avec à son pied des sources d’eau chaude. L’une de ses coulées de lave a formé l’isthme de Pangururan qui relie la grande presqu’île de Samosir à la terre ferme. Tout autour, le bord du cratère constitue une barrière escarpée qui culmine environ 1000 mètres au-dessus du lac. Le mur est particulièrement impressionnant sur le côté occidental, avec une seule route praticable que nous avons choisi comme itinéraire pittoresque en fin de séjour pour quitter les lieux sur nos vélos.

Les Bataks

Isolés dans leurs montagnes et redoutables guerriers, les Bataks sont l’un des peuples des Indes Néerlandaises restés longtemps hors des sphères d’influence de l’Islam et des colonisateurs. En dépit d’une réputation de coupeurs de têtes et de cannibales, ils  étaient détenteurs d’une civilisation originale au système judicaire sophistiqué et avaient créé leur propre alphabet. Convertis au protestantisme luthérien depuis 1864 par des missionnaires allemands emmenés par Ludwig Nommensen, ils ont depuis lors arrêté de manger leurs repris de justice et de démembrer leurs ennemis. Actuellement, on peut donc se balader chez les Bataks sans grands risques, les plus dangereux étant les chauffeurs de bus (comme partout en Asie… ).

On connaît la chanson

La musique occupe encore aujourd’hui une place à part chez les Bataks. Nous l’avons découvert sur le ferry qui nous a emmené de Prapat à Tomok : pour gagner quelques roupies, un groupe de garçons a chanté tout le trajet a capella avec une conviction et une ferveur  que l’on retrouve par exemple dans les negro spirituals ou le blues des Afro-américains. Le soir les hommes se retrouvent sur les terrasses des bistrots et, tout en buvant leur alcool de palme, chantent en cœur ou à tour de rôle accompagnés d’une guitare. On retrouve un peu l’ambiance des veillées scoutes ou des soirées JP. Plus étonnant, au détour d’une balade dans le village de Tuk Tuk, un papy bonhomme et rondouillard sur sa moto s’adresse en chantant à une voisine qui lui répond de même… la version indonésienne des films aux dialogues chantés, transposée dans la vie réelle !

Art, culture et architecture

De leur culture plurimillénaire subsistent de nombreux domaines artistiques où les Bataks excellent, comme le tissage, l’artisanat du bois et des techniques de construction tout à fait étonnantes : leurs maisons en bois sur pilotis aux toits cambrés et aux façades obliques richement ornées sont immédiatement reconnaissables. Si les toits de tôle ondulée forment désormais l’essentiel des couvertures, on en trouve encore quelques-uns en chaume, roseaux ou en planchettes de bambous.

Le syncrétisme entre tradition batak et christianisme se traduit par des adaptations originales dans le domaine du sacré. Leurs églises à clocher pointu et haut perché, sont influencées directement par la forme de celles que l’on trouve chez nous, plus globalement au nord des Alpes et dans la région rhénane, à l’exception près que le fronton de leur porche reprend l’ornementation traditionnelle de la maison, avec des représentations en entrelacs encadrant un masque grimaçant à l’aspect démoniaque (ou du moins pas très catholique… vous suivez ?).

Autre exemple d’adaptation des rituels locaux : dans le domaine funéraire, très peu de cimetières fonctionnent à l’échelle communautaire ou villageoise. Généralement, on a affaire à un unique tombeau familial isolé, en bord de route, au milieu de la rizière ou le plus souvent directement à côté de la maison. Ces sortes de mausolées en catelles et béton portent une simple croix sur la face frontale et les caissons individuels s’ouvrent sur la face arrière. L’édifice est le plus souvent surmonté d’une représentation miniaturisée et joliment peinte de la maison traditionnelle, parfois d’une église et, pour les plus gros mausolées (ceux des familles les plus importantes ou les plus influentes, sans doute), des représentations d’ancêtres grandeur nature en costume d’apparat, en couple, parfois en armes. Et lorsque le mausolée familial est plein, on en construit un plus gros à côté…

Et nous pendant c’temps-là

Tombés sous le charme du lieu et contents de ne pas suinter pendant quelques jours, une de nos activités favorites est de dénicher de jolies pièces d’artisanat. Un peu déçus de ne pas avoir trouvé de souvenirs non périssables en Malaisie, nous nous lâchons et remplissons nos sacoches malgré les montées qui nous attendent… et il y a de quoi faire, moyennant que nous dépoussiérions un peu la couche supérieure des textiles ! La période faste du tourisme à Sumatra appartenant en effet au passé, les points d’intérêt touristiques et les échoppes environnantes semblent le plus souvent plongés dans une profonde léthargie. Dans le village de Tomok, connu pour les tombes d’un des derniers rois bataks, les échoppes s’étendent à perte de vue et attendent la visite du premier touriste de la journée (ou de la semaine). Passer là au milieu provoque une sorte de holà au sein de petites dames désœuvrées qui s’animent et font le marchandage toutes seules pour être sûres d’arriver à vendre l’une ou l’autre babiole. Si l’on fait abstraction des éternels T-shirts et porte-clés, l’artisanat local recèle de véritables trésors en matière de tissage, gravure et sculpture.

A Tuk Tuk même, nous rendons visite à un sculpteur sur bois, os et corne dont le magasin et l’atelier font également office de musée d’ethnographie, avec autant de vieilles reliques familiales que de productions de l’artisan. Nous lui commandons une plaquette en bois et il invite les enfants à venir dans son atelier le lendemain pour une initiation à la gravure. Après quelques coups de ciseau et maillet, les xylophones et les tamtams auront plus de succès auprès des artistes en herbe. Outre notre commande, nous repartirons avec un masque traditionnel, des pendentifs et le sentiment que si les œuvres avaient été moins volumineuses et plus légères, nous aurions sérieusement entamé ses réserves.

La deuxième activité favorite : manger des rösti ! Pour une fois dans la rubrique des spécialités « western » pour backpackers, les frites passent au second plan. Nous trouvons aussi du pain maison aux céréales et du bircher. Merveilleux ! Et surtout, nous savons qu’il faut vraiment en profiter, car notre prochaine traversée de dix jours sur Bukittinggi se fera dans la cambrousse indonésienne : riz et poulet à tous les repas !

Quand enfin nous nous décidons à bouger un peu de notre quartier, nous tombons sur le Maruba, petit restaurant aux spécialités bataks : poisson du lac grillé et légumes verts apprêtés avec des cacahuètes. Difficile de vous décrire exactement les goûts, mais nous, nous salivons encore rien que d’y penser !

La vie paisible à Toba nous a énormément plu, peu de touristes, des locaux adorables, un cadre magnifique, un lac propre et frais pour se baigner. Mais ce fichu temps qui passe nous a rappelé qu’il y avait encore de la route si nous voulions arriver à Bali début mai. Et quelle route…

Courage, en selle !

Le 20 mars, c’est le grand départ en direction de Bukittinggi où nous projetons d’être autour du 2 avril. Un peu anxieux de reprendre la route (comme au départ de Luang Prabang au Laos), nous nous répétons qu’en cas de difficultés, nous avons toujours trouvé une solution.

Cette devise s’est révélée exacte car nous sommes arrivés à destination le 30 mars, exténués, mais soulagés et fiers de nous. Le récit jour après jour dans le prochain article.


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