Aventures en famille

La libellule et le papillon

Écrit par Famille Carrard | 29/08/2012 – 17:35

Eh non ! Nous n’avons pas cédé aux sirènes du Disneyland géologique de Wulingyuan ; c’était hors budget pour nous et vu la météo brumeuse, peu de chances de pouvoir faire LA photo comme dans les guides touristiques… on a remplacé ça par une petite balade en famille dans les champs et les collines.

Nous en avons également profité pour nous familiariser avec le rapport si particulier des Chinois à l’alimentation carnée: au marché, on assiste à toute la chaine opératoire du dépeçage du gros bétail et il faut camber les abats étalés au milieu du passage. Léon adore cette ambiance, surtout la préparation du poisson, mais Eugénie trouve que ça pue et préfère ne pas trop penser au sort réservé aux canards et autres lapins qui s’ébattent joyeusement dans leurs cages… Dans la rue, les devantures des restaurants offrent au regard des passants un joli assortiment de bêtes séchées. Les bouts de lard noircis par les jours/mois/années (faites votre choix!) en exposition y côtoient chats, carpes ou lapins.

 

En guise de beaux paysages et de pittoresque plus « soft », nous en avons pourtant eu plein les mirettes ! Le 17 août, pour l’anniversaire de Frédo, l’étape du jour promettait une belle virée montagnarde et nous n’avons pas été déçus : nous avons débuté par quelques kilomètres à travers des gorges aux falaises et sculptures géologiques à pic surgissant comme des fantômes de la brume matinale.

Puis, prenant notre courage à deux mollets, nous avons attaqué avec l’arrivée du soleil une très belle montée dans les rizières en terrasses, avec heureusement quelques passages ombragés en forêt. Une fois en haut, un coup d’œil sur l’intérieur du parc naturel nous a permis d’apercevoir les fameuses aiguilles rocheuses qui font déplacer tant de cars de touristes. Nous avons poursuivi à flanc de montagne par la route de la corniche locale, sorte de belvédère au milieu des falaises. Celle-ci offrait de splendides coups d’œil sur la  vallée d’où nous avions commencé notre ascension quelques heures auparavant. Pas âme qui vive, à part les papillons et une petite dame qui coupait du bois. Impression fascinante d’être seuls au monde ! Lors de la redescente sur le versant sud, l’entrée principale du parc du côté de Zhangjiajie est brièvement venue nous rappeler la vocation touristique de l’endroit. Par chance, comme un tout nouveau tunnel dessert la région, et que nous évitons au maximum de les prendre à vélo (c’est déjà pour éviter un autre tunnel que nous avons opté pour la montée du matin), nous avons emprunté l’ancienne route touristique vidée de son trafic de cars. Bien que vannés après l’ultime ascension, nous avions encore les sens suffisamment aiguisés pour apprécier à sa juste valeur le panorama de cultures en terrasses qui s’offrait à nous et, surtout, les 600 m de descente qui devaient nous amener jusqu’à la ville de Zhangjiajie.

Cette cité coincée au fond de la vallée ayant comme seul intérêt le point de départ pour le parc proche, nous ne nous y sommes pas attardés et avons repris la route du sud en direction de Jishou, la prochaine grande ville, à trois étapes de montagne particulièrement ardues. Entre autre spécialité des ingénieurs des ponts et chaussées chinois, les montées en courbes progressives paraboliques : au début du faux plat, on voit 1 km plus loin le mur qui paraît vertical de face… bon pour le moral !

En raison de la fatigue accumulée, nous avons donc opté pour une halte intermédiaire à Shidizhen. Si cette petite ville est très peu excitante en soi, son environnement au débouché d’une vallée coincée entre collines, falaises et rizières est très pittoresque ; nous nous sommes donc offert une petite balade à pied au milieu de libellules de toutes les couleurs, mais très difficiles à prendre en photo (là il faut nous croire sur parole…).

Toute cette région montagneuse de l’est du Hunan offre des paysages magnifiques. Plus on s’éloigne des grandes villes, plus la présence de petits villages traditionnels est marquée. Des fermes tout en bois à toiture de tuiles grises, sont parfois disséminées entre petits lacs et rizières dans des paysages enchanteurs, sur fond des collines karstiques caractéristiques que l’on retrouve dans diverses régions du sud de la Chine. Le vert tendre des rizières dans la lumière tamisée forme un contraste du plus bel effet avec les talus des terrasses et les forêts de conifères couvrant les versants les plus escarpés des collines environnantes.

Dans cette région vivent des minorités telles que les Miao et les Tujia et il n’est pas rare de croiser des femmes en habit traditionnel. Ici, en se levant le matin, on revêt son grand chapeau conique et sa hotte de bambou avant de se brosser les dents – lorsqu’il en reste !

 

De notre étape du 20 août, outre les paysages et les inévitables montées, nous retiendrons principalement l’exclamation d’un jeune et cool cycliste chinois aux jambes poilues qui a qualifié notre équipage atypique de « so romantic !».

Le 21 août, après des semaines de canicule et d’étapes rendues pénibles par un soleil de plomb, nous avons enfin pu profiter d’un peu de fraîcheur : départ sous des trombes d’eau et l’après-midi sous un ciel gris agréablement tempéré. Une pause après la dernière montée nous a permis d’observer les tuiliers à l’œuvre, en plein démontage de la voûte du four où quelques mètres cubes de tuiles anthracite ont cuit pendant plusieurs jours.

Jishou, centre régional sans cachet, si l’on excepte une série de ponts enjambant la rivière locale et une pseudo-vieille ville à quelques kilomètres au sud qui paraît entièrement refaite, n’est qu’une ville étape qui donne peu envie de s’y attarder. Nous pensions d’abord excursionner un peu dans les villages et quelques belles vallées de collines environnantes, mais par souci de reposer un peu nos mollets, nous avons préféré mettre notre jour de repos à profit pour faire quelques emplettes et régler certaines questions techniques (bâche à recoudre, chaînes de vélo à dégotter, etc…). Du point de vue humain, le contraste est saisissant avec les journées passées précédemment dans les secteurs reculés (ou dans d’autres villes chinoises traversées plus au nord) : à l’opposé du contact généralement sympathique et détendu avec les petites gens des campagnes environnantes, on tombe des nues en ville, expérience déjà éprouvée à Guzhang, l’étape précédente. Nous voilà confrontés au racisme ordinaire – on nous snobe dans les commerces et les restaurants – et à l’incompétence et à la bêtise du personnel hôtelier, dont la compréhension tant de l’anglais que du mandarin de voyage parlé par le touriste étranger est véritablement à géométrie très variable. Pour illustrer le propos, Laure fait systématiquement l’effort de parler mandarin et les demandes sont toujours les mêmes : étonnamment, certaines fois tout est réglé en cinq minutes , alors que parfois, la réservation d’une chambre est rendue impossible à la dernière minute sous d’obscurs prétextes… Autre spécialité déjà maintes fois observée en voyage, la réceptionniste qui regarde sa série à l’eau de rose en mangeant ses nouilles et en nous ignorant derrière sa pancarte « informations » (bilingue anglais et mandarin) posée sur son desk. Malgré une journée d’effort, nous devons donc penser stratégique jusqu’au but ultime : investir la chambre avec 2 enfants impatients, 2 parents fatigués et plus de 50 kg de bagages. Mais avant, il s’agit de : se faire comprendre sans perdre patience, vérifier l’état de la chambre, maintenir les fauves qui sont dans les starting-blocks, trouver où ranger les vélos, négocier le tarif s’il nous paraît de très mauvais rapport qualité-prix et faire le check-in. Ensuite seulement, nous pouvons envisager de décharger la carrardvane. Parfois, il y a aussi des « surprises sympathiques » que nous ne développerons pas, lorsque nous entamons l’étape du dégreubage…

Résultat, nous préférons ne pas trop nous attarder et poursuivre notre périple vers le sud, à travers rizières, collines et vieux villages : direction Fenghuang, puis Hongjiang, deux anciennes cités que tout oppose.


1 commentaire »

  1. De Famille Gendre le 4 Sep 2012 | Répondre

    Ben comment dire, nous, on y avait cédé aux « sirènes du consumérisme »! C’était le 25.12.04 (eh oui) et ça nous a coûté (que) 160Y – Stéphane note tout :-), pour avoir la même puissante peuffe que la vôtre !
    Pour que vous n’ayez aucun regret, la montée à pieds (télésiège trop cher…) a duré 5 h. et le « cadeau de Noël » au sommet n’en valait pas la peine : une bande de touristes chinois beuglant à tout rompre dans un micro des chansons de karaoké, y’a plus authentique. quoiqu’en Chine…

    Au fait, bonjour la famille Carrard ! (oui, on sait la famille Gendre n’est pas très bavarde, c’est comme ça dans le canton de Fribourg, don).
    On ne vous cache pas que que ce que vous vivait en ce moment nous remémore une crâléééée de souvenirs.
    De notre côté, tout va bien. Notre voyage en Ukraine cet été était aussi une riche expérience pour nos yeux, nos dos et parfois même pour nos mollets.

    Laetitia pense à sa marraine tous les mois grâce aux Wakou, également prisés par son frère 🙂

    Bonne suite à toute la tribu !

    Nathalie, Stéphane, Arthur, Laetitia

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