Aventures en famille

Des vieilles briques au macadam, on passe par tous les états d’âme…

Écrit par Famille Carrard | 08/09/2012 – 18:16

Fenghuang

Fenghuang était notre prochaine étape et l’occasion d’un changement total de décor par rapport aux rizières et aux petits villages de montagne. Sise au fond d’une vallée, au bord d’une rivière serpentant entre des collines escarpées, la ville possède un centre historique pris d’assaut par le tourisme de masse chinois 365 jours par année (366 cette année).

L’arrivée dans cette effervescence avec notre caravane n’a rien d’une sinécure, entre la foule de touristes qui regarde aux fraises ou nous choisit comme sujet de photo (bien en travers de la route pour être sûr de nous ajuster avec l’iphone), installation du marché de nuit et traversée du pont Hong. Ce dernier couvert, à deux étages et rempli à ras bord de boutiques et de mendiants à qui il manque un bras, un nez un œil ou tout le visage… est un peu l’équivalent du Ponte Vecchio à Florence.  Une fois cet obstacle passé – eh oui, un pont peut être un obstacle… – Laure est partie en éclaireur dans les ruelles étroites et bondées pour trouver une pension avec vue sur la rivière, mais celles-ci étant hors de prix en pleine saison (même pas pleins, tellement il y en a !), nous nous sommes rabattus sur un petit hôtel typiquement chinois.

Le vieux rempart donne sur la rivière, tout comme les portes est et nord, dont l’entretien laisse à désirer. Hors les murs, et sur les deux rives, la plupart des vieilles maisons bâties en partie sur pilotis servent de boutiques à souvenirs, cybercafés, pensions ou boîtes de nuit, alors qu’en bordure de la vieille ville fleurissent des grands hôtels dans des styles parfois kitschissimes. Le touriste type voyage en groupe, talonnant une guide à micro qui brandit son parapluie rose au-dessus de sa tête, et se déplace dans des petits bus électriques aux chauffeurs sans foi ni loi, déjà vus à Pingyao (ils ne sont semble-t-il pas soumis aux mêmes règles de circulation que le commun des mortels). On voit également énormément de groupes de jeunes en goguette ou de jeunes couples en voyage de fiançailles ou de noce. Les petites dames des minorités ethniques locales vendent aux jeunes filles des couronnes de fleurs qu’elles arborent fièrement au bras de leur amoureux.

Fenghuang, c’est surtout un festival de lumière pour les yeux dès la nuit tombée : toute la partie de la veille ville donnant sur la rivière – pagode, remparts, tours et temples – brille de mille feux.

En fin de soirée, la vie ne s’arrête pas, au contraire. Le marché de nuit est un haut lieu du gueuleton à la chinoise : on commande des tonnes de nourriture (très bonne) et à la fin les trois quarts passent à la poubelle. On a toujours l’impression de passer pour des rapias à commander juste ce qu’il nous faut (20 brochettes pour 4, une marmite de riz et 3 platées de légumes) et à rendre les plats tout propres.  Dans les rues, les petits zoos en devanture des restaurants exhibés aux enfants la journée deviennent des abattoirs directement dans la rue le soir venu.

Les boîtes et bistrots prennent le relais des échoppes et c’est la bamboulé jusqu’au petit matin. Au niveau des souvenirs, ce n’est pas le choix qui manque : on peut tout acheter, des bijoux aux chapeaux pointus et de la tête de porc séchée à la fausse épée Ming. Mais notre budget voyage et notre chargement nous imposent une certaine discipline et c’est tant mieux ; nous rapporterons des souvenirs dans nos têtes et en photo, plutôt que sous forme de babioles encombrantes.

Retour à la vie sauvage

La nouvelle étape qui n’aurait semble-t-il pas dû sortir de l’ordinaire se transformera en véritable parcours du combattant. La première montée nous coupe littéralement les jambes et la chaleur nous impose dès lors de nombreuses pauses boisson. Au début, on ne s’inquiète pas trop et on profite que les enfants jouent bien avec leurs contemporains locaux et avec le billard de l’échoppe (enfin, ce qu’il en reste !) pour se délasser un peu.

La suite de l’étape nous mène dans des très belles vallées où ça monte et descend sans arrêt, mais les localités ne sont que des hameaux disséminés au gré de la route où nous ne trouvons pas l’ombre d’un logement possible. Apparemment, l’accueil d’étrangers chez soi, contre paiement ou pas, ne fait pas partie des mœurs et on nous renvoie toujours à Huaihua, la prochaine grande ville.

A la nuit tombante, nous en sommes encore à une bonne trentaine de km et d’après la carte, la présence de localités de moyenne importance nous laisse un maigre espoir de trouver un petit hôtel ou un relais routier avant. On continue de nuit – heureusement avec un bon éclairage sur nos véhicules. Pour les 20 derniers km, ça devient l’enfer : la route est de plus en plus défoncée par les camions qui sèment en plus sable, gravier, terre ou gros cailloux à chaque virage. L’explication en est une autoroute en construction 24h/24h : la route nationale, en bon état jusque là, sert de piste de chantier. Heureusement pour nous, les trax et camions surchargés roulent à notre vitesse, le danger vient donc plutôt des dépassements par des voitures dans des virages sans visibilité. Nous avons appris à anticiper ce genre de situation, mais ça reste assez stressant et surtout usant de mettre pied à terre en pleine montée pour éviter des chauffards qui roulent à contresens sur notre piste… Soulagement d’arriver, le ventre vide mais entiers, avec nos deux asticots endormis dans la remorque à Huaihua, passé 22h00, 93 km de tout-terrain dans les pattes. Nous n’avons plus qu’à trouver un hôtel…

Hongjiang

En deux courtes étapes de plaine, quoique sous la chaleur, nous atteignons Hongjiang, ancienne plaque tournante du trafic et de la consommation de l’opium au XIXe siècle, alors que la Chine des Qing était sous la coupe des grandes puissances coloniales, en particulier de la Grande Bretagne. Rien à voir avec Fenghuang : pas l’ombre d’un touriste, la ville semble oubliée du monde et son patrimoine souffre d’une absence totale de mise en valeur.  Elle tourne littéralement le dos aux deux importants cours d’eau à la confluence desquels elle est bâtie ; les quais qui auraient pu accueillir terrasses et échoppes gardent les vestiges en ruine de quelques restaurants et pêcheries glauquissimes, où aucun touriste sensé ne s’aventurerait. L’escalier qui mène aux attractions pour enfants de la terrasse inférieure (château gonflable et manèges) sous le principal pont de la ville sert d’urinoir aux clodos et autres fêtards et de défouloir aux amateurs de pétards du petit matin (ceux qui font du bruit, donc). On y fait aussi brûler des poubelles.

Pour voir la vieille ville, il faut éviter la billetterie et s’enfoncer dans des ruelles cachées par une rangée de façades pouraves aux catelles décrépies. Les hautes façades aveugles en briques grises des maisons qui abritaient les fumeries évoquent avec force l’époque à la fois faste et sombre de ces quartiers pratiquement à l’abandon.

Au détour d’une rue, nous tombons sur une série de figurants en costume « d’époque » et armés de vieilles carabines, occupés sur le tournage d’un film historique se déroulant pendant l’une des Guerres de l’Opium ou la Révolte des Boxers. Ambiance détendue entre deux prises, où chacun est affairé à terminer son bol de nouilles pendant  que les techniciens sont occupés à préparer l’éclairage pour les scènes de nuit.

Malgré l’aspect assez tristounet de la ville, nous y trouvons des habitants chaleureux et souriants, toujours curieux devant notre attirail. Leur attitude à notre égard, à la fois de retenue et de gentillesse est très apaisante en comparaison d’autres villes traversées où on se sentait vite assaillis et oppressés.

STOP !

Après cette pause bienvenue à Hongjiang, on va tomber de haut en début d’étape suivante. En route plein sud à cinq étapes de Guilin, tandis que Laure achète des pommes dans un marché, nous sommes arrêtés par la police. Amenés au poste, contrôle d’identité, formulaires et explications par une jeune fille parlant anglais alpaguée dans la rue par les forces de l’ordre : nous sommes dans une région « non ouverte aux étrangers » et devons rebrousser chemin.

Toutes les tentatives de discussion et de négociation s’avèreront vaines. Nous savions par le Lonely Planet que de telles régions existaient et que l’une d’elles se trouvait dans le Hunan, mais faute d’informations précises, nous n’avions aucune possibilité de savoir qu’elle s’étendait ici. Diverses recherches sur internet nous confirment qu’il est impossible de trouver des cartes ou des listes exhaustives de ces régions, que l’on pourrait alors prévoir d’éviter dans notre parcours… L’officier de police dirigeant le poste était au courant que sa juridiction tombait sous ce règlement, mais il était complètement incapable de nous dire si les arrondissements contigus de la préfecture voisine étaient également interdits pour nous. Il nous a donc renvoyé à Hongjiang en nous disant de remonter jusqu’à Huaihua (3 étapes au N-O) et de prendre un bus pour Guilin (logique, faire 150 km au nord pour aller 300 km au sud !

Bref, finalement nous sommes partis au nord-est – deux étapes en sens inverse – pour rejoindre Dongkou à l’est. L’impression de revivre le même scénario qu’un célèbre général carthaginois traversant les Alpes avec des éléphants… Il s’agissait de prendre la nationale G320 qui traverse les montagnes. A un second contrôle de police, on nous dévie encore un peu plus au nord, mais  nous comprenons que c’est surtout pour nous rendre service : environ 20 km supplémentaires de détour mais pour limiter les montées : on aurait fait 1000 m de dénivelé ce jour-là pour passer la montagne.

Après une nuit au point le plus au nord atteint depuis Huaihua et un nouveau contrôle de police, nous avons repris la route plein sud et sommes sortis des montagnes pour une centaine de km, ce qui fait du bien au moral. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur et malgré les efforts supplémentaires consentis, nous continuons à nous émerveiller chaque jour devant la beauté de cette région. Et quoique certains Chinois nous gavent par leurs manières intrusives, nous nous efforçons de penser à tous les locaux sympas avec qui nous avons partagé biscuits ou pastèque en chemin.

Incompréhension des gens également lorsque nous leur disons que nous allons à Guilin, alors que nous roulons en sens inverse. Tous nous montrent sur la carte la bonne route: celle que nous projetions de prendre au départ, un axe nord sud logique et tout tracé. Nous prenons conscience dans ces moments que le citoyen chinois, tout comme le flic de base, ne connaît rien des restrictions à la liberté dans son propre pays. En fait, du moment qu’on peut rouler à gauche ou à droite de la chaussée et parquer son véhicule n’importe où et n’importe comment, on ne ressent aucune restriction à sa propre liberté individuelle. Dans les villages chacun a le portrait de Mao qui trône au milieu du salon ou du garage et personne ne semble avoir le sentiment de vivre sous un régime qui n’a gardé du communisme que l’aspect totalitaire et dilapidé les valeurs fondamentales.

Trève de philosophie de bas-étage! l’aventure continue, et notre itinéraire encore parsemé de routes de montagnes et de cols nous conduit plein sud en direction du Guangxi, avec Guilin en ligne de mire, enfin!


10 commentaires »

  1. De sarah le 11 Sep 2012 | Répondre

    Coucou les amis!
    Un petit tour sur votre blog avant de commencer une nouvelle journée metro-dodo-boulot, ça donne une belle bouffée d’oxygène! J’en profite pour vous féliciter pour certaines photos artistiquement très réussies! Gros bisous
    Sarah

  2. De Bernard et Karine le 11 Sep 2012 | Répondre

    Salut la famille
    Eh ben, quelles aventures! C’est vraiment sympa de les relater régulièrement dans ce blog, merci! On voyage un peu avec vous… Bon, d’accord, c’est pas tout à fait pareil. Si vous êtes à vélos, nous sommes en pensée (c’est moins physique, mais c’est comme ça qu’on vous accompagne).
    Gros becs à tous!
    Bernard et Karine

  3. De Micheline et Albert Rusterholz le 12 Sep 2012 | Répondre

    Bonsoir à vous tous.
    Où trouvez-vous encore l’énergie de relater si bien et longuement ce voyage si peu ordinaire. C’est un régal de vous lire mais (pour moi du moins) pas forcément une envie d’être à vos côtés chaque jour. C’est parfois bien rude. Merci pour ces belles photos
    Affectueusement
    Micheline et Albert

  4. De Marraine Céline le 15 Sep 2012 | Répondre

    Et ben, c’est pas de tout repos! Si les autorités commencent à vous mettre des bâtons dans les roues ça va pas être fastoche de pédaler! Ah la Chine, c’est quand-même un sacré monde de contradictions! Mais je vois que vous vous en tirez à merveille, même avec ces quelques détours.
    Ca va vous sembler plat-plat la vie en Suisse à votre retour 😉 Faudra vous fixer quelques défis, genre faire du camping sauvage sur la place de la gare, histoire de ne pas trop vous ennuyer 😉
    Bonne suite de route, et merci pour vos histoires si bien racontées!
    Becs énormes à toute la smala!

  5. De Laura le 18 Sep 2012 | Répondre

    Salut les amis,

    Je suis toujours aussi épatée par votre périple, que j’ai beaucoup de plaisir à suivre. Vous êtes de vrais aventuriers-sportifs, Christophe (C.) ne peut qu’aller se rhabiller!

    Bonne suite et gros becs!

  6. De Garderie Tom Pouce le 21 Sep 2012 | Répondre

    Bonjour à toute la petite famille,

    C’est toujours avec plaisir de nous suivons votre magnifique voyage.

    Un tout grand merci la carte postale.

    Gros bisous de toute l’équipe de Tom Pouce à Eugénie et Léon!

    Tout de bon à vous pour la suite de vos aventures!

    Salutations
    Virginie

  7. De Tonton Pierre le 30 Sep 2012 | Répondre

    Bonjour la petite famille,
    C’est toujours un plaisir d’ouvrir votre site pour suivre vos dernières péripéties,parfois épiques et l’entrain de Léon et Eugénie.
    Merci pour les magnifiques photos et bon anni de mariage.
    Bisous à tous!
    Tonton Pierre

  8. De ivan le 23 Déc 2012 | Répondre

    chaire parrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrsssssssssssssss

  9. De ivan le 23 Déc 2012 | Répondre

    cere parin je te souhaite un joyeux noel.

  10. De ivan le 23 Déc 2012 | Répondre

    re

Ajouter un commentaire