Aventures en famille

Le long de la Baltique, tout baigne !

Écrit par Famille Carrard | 26/10/2014 – 20:25

Ce parcours le long de la Baltique, c’est un peu un concentré des petites choses qui pimentent les voyages à vélo : de l’aventure, des tracés qui ne figurent pas dans les manuels des ponts et chaussées, des conditions météo capricieuses, des découvertes culinaires, des rencontres…

Notre petit article de mi-parcours était teinté d’incertitude car nous étions en train de réaliser que notre objectif de rallier Stralsund (au nord de Berlin) à Gdansk le long de la Baltique et retour en trois semaines était peut-être trop ambitieux… En effet, à la moitié du voyage – soit le matin du 6 août – il nous manquait encore quelque 200 km avant d’atteindre Gdansk. N’ayant aucunement envie de mettre une croix sur cette ville, nous avons passé la deuxième pour y arriver.

Pour le retour, nous avons retraversé le pays en train jusqu’à Szczecin, puis jusqu’à Francfort sur l’Oder, notre ultime ville étape.

Notre parcours

Partis de Bâle le 26 juillet, nous sommes arrivés à Berlin le 27 ; sans sortir de la gare, nous avons enchaîné jusqu’à Stralsund, charmante ville hanséatique qui fait face à l’île de Rügen, le point le plus au nord-est de l’Allemagne. Comme la motivation est au rendez-vous, nous traversons le viaduc menant sur l’île et logeons au camping d’Altefähr. Dès le lendemain, traversée du sud de l’île, ferry pour rejoindre la terre ferme, puis via les vieilles routes pavées de Poméranie jusqu’à Eldena, à la sortie de Greifswald. Gdansk se trouve alors à 580 km, selon la signalisation de la R10 (l’itinéraire cyclable Eurovelo 10).

La deuxième étape nous mène à Wolgast, puis sur l’île d’Usedom, où nous découvrons les chemins ensablés. La forme est là, pas de séquelles du voyage en train et Léon est très fier de pouvoir faire 35 km sans être accroché au vélo de Frédo. En fin d’étape, nous atteignons notre premier objectif majeur : la Pologne ! A Swinoujscie, nous testons le camping « à la polonaise ».

La troisième étape, nous franchissons la Swina (l’un des bras du delta de l’Oder) pour rejoindre l’île de Wolin. Nous perdons rapidement la R10 et suivons donc de grandes routes jusqu’à Miedzyzdroje. Sous une pluie battante, les chassés-croisés entre routes et chemins forestiers inondés nous conduisent jusqu’à Dziwnow où nous nous offrons notre première pause de deux nuits.

Du 1er au 4 août (étapes 4 à 7), nous commençons par des tracés à plat, le long de la côte avec une alternance de chemins sauvages en forêt, de routes à très gros pavés et de stations balnéaires dignes de Disneyland. Nous faisons halte à Kolobrzeg, puis à Koszalin chez Jacek (cf. plus bas : « Rencontres »). Sur ses conseils, les chemins étant très ensablés, nous enchaînons les tronçons loin de la mer et goûtons aux campagnes vallonnées de l’arrière-pays, avec un vent sec de face comparable à une bonne bise de chez nous.

Après une étape au drôle de camping de Darlowo, nous atterrissons à Ustka, charmante petite ville touristique, mais plus pittoresque que les habituelles stations balnéaires. C’est pendant cette pause que nous aurons l’occasion de tester l’étanchéité de notre matériel de camping (cf. plus bas « Déluge au camping »)…

Après deux nuits à Ustka et autant d’inondations, nous repartons de plus belle par monts et par vaux, avec toujours les mêmes chemins ensablés, et traversons le parc national autour du lac de Gardno après Rowy.

Suite aux orages torrentiels des derniers jours, nous quittons les sentiers forestiers pour faire un peu d’avance par la grande route. Arrêt près de Leba puis une nouvelle étape de cambrousse bien vallonnée (la neuvième).

Nous passons devant le lac artificiel de Jezioro Zarnowieckie, qui entre-deux-guerres marquait la frontière entre l’Allemagne et la Pologne. A la fin de cette harassante neuvième étape, nous voyons du sommet d’une colline la baie de Gdansk et la presqu’île de Hel. Arrêt bien mérité à Puck, dernière ville-étape avant notre but.

Nous ferons la dixième étape en compagnie d’un couple d’Allemands, Louisa et Stephan et atteindrons Gdansk en soirée, non sans avoir fait des détours, des montées inutiles, réparé deux fois les pneus de Stephan et bien d’autres aventures. A notre arrivée, nous totalisons 612 km.

Deux jours de pause à Gdansk nous permettent de sillonner à pied le centre-ville.

Le 11 août au matin, embarquement dans le train pour Szczecin où, arrivés à la mi-journée nous prenons nos quartiers au camping.

Le lendemain, notre onzième étape, la dernière à 100% polonaise, nous faisons une avance substantielle par la route jusqu’à Chojna (anciennement Königsberg in der Neumark).

L’étape suivante sera plus campagnarde, avec des petites routes à travers champs et forêts jusqu’au hameau de Gozdowice, où nous retrouvons la très belle vallée de l’Oder. Entrés en Allemagne par ferry, nous suivons la rive occidentale du fleuve par les digues.

Après une nuit au camping de Zechin, à l’intérieur des terres, nous rejoignons pour la treizième et ultime étape Francfort sur l’Oder, très sympathique épilogue à notre aventure cycliste.

Le lendemain 16 août, nous reprenons le train jusqu’à Berlin, où nous passerons encore une journée à sillonner la ville sur nos fidèles destriers, avant d’entamer l’ultime gymkhana pour embarquer toute la caravane dans le train de nuit.

Itinéraires balisés

La côte balte comporte, outre une multitude de petits itinéraires régionaux plus ou moins bien balisés, deux grandes routes : le « Ride the Baltic », que nous avons emprunté dans la région de Koszalin et qui commence on ne sait où pour se terminer on ne sait où… Il s’agit plus vraisemblablement d’une appellation régionale de la R10, l’un des grands itinéraires européens. C’est en gros ce dernier que nous avons tenté de suivre de Stralsund à Gdansk. Etonnamment, tant que l’on se trouve sur des routes toutes droites sans possibilité de tourner à gauche ou à droite, il y a un balisage régulier tous les 20 m (ou tous les deux tilleuls) ; par contre, dès que l’on se retrouve sur des chemins sinueux en pleine cambrousse ou dans la forêt, les indications disparaissent.

Et ce n’est pas faute d’avoir cherché aux croisements stratégiques. Le phénomène s’observe tant sur le territoire polonais qu’en Allemagne, pays pourtant réputé comme le mieux équipé en matière d’itinéraires cyclables… et pour ceux qui ont tenté de suivre certaines routes de « La Suisse à vélo », ce type de petit défaut de balisage semble une constante…

Fesses en feu et bras en compote…

En matière de pistes cyclables, nous pourrions créer une typologie assez sophistiquée, à commencer par des pavages tout neufs et bien marqués sur des trottoirs avec une séparation nette des pistes pour cyclistes et piétons. Cette norme urbaine allemande se retrouve en Pologne de manière aléatoire, en ville bien sûr, mais aussi parfois dans des petits bleds perdus, pour 200-300m… Sinon, il y a les anciennes grandes routes pavées de Poméranie (remplacées par des semi-autoroutes) et qui servent maintenant aux vélos, aux tracteurs et à quelques Fangio autoproclamés qui veulent se faire monter l’adrénaline en slalomant à pleins tubes entre les précédents.

Mais la grande découverte pour nous, ce sont les pistes de forêt et de campagne le long de la mer : il faut savoir que le vent y souffle en permanence; il en résulte que les chemins de forêt sont systématiquement composés d’un sable fin meuble, parfois jusqu’assez loin à l’intérieur des terres, conférant à notre parcours un petit côté Paris-Dakar.

C’est joli, mais nous passons parfois plus de temps à pousser qu’à pédaler, ou alors, il faut rouler hors du chemin, dans l’herbe. Lorsque le sable est couplé à des tronçons inondables dans des régions de lagunes ou de marais, ça peut en devenir dantesque ! Heureusement, nous avons pu éviter le pire tronçon en la matière en suivant les conseils avisés d’un vieux Polonais sur son biclou… bien nous en a pris.

Routes

Nous avons donc aussi dû effectuer pas mal de kilomètres sur des routes, idéalement secondaires, parfois à fort trafic, pour éviter les parties les plus pourries des voies vertes. Là aussi, à boire et à manger avec d’inexplicables bouchons sur des petites routes se terminant en cul de sac à Mielno, « l’Ibiza polonaise » alors qu’aucun véhicule ne circule en sens inverse… pour ce qui est des égards des automobilistes vis à vis de leurs amis cyclistes, c’est assez aléatoire, mais dès que l’on se trouve sur la chaussée principale des grands axes, on n’est souvent pas les bienvenus, en Pologne comme en Allemagne.

Rencontres

Les voyages permettent toujours de faire des rencontres sympas. En Pologne, nous avons fait un bout de route avec Jacek, jeune père de famille qui nous a invités chez lui. Nous avons donc passé une mémorable soirée. Paulina nous a fait un accueil très chaleureux et la petite Hanja du haut de ses 2 ans et demi, n’entendait pas se faire piquer la vedette par nos deux grands.

Au menu : pâtes pesto maison – nous avons cru que c’était le souper, mais en fait il s’agissait du goûter ! – suivies de poisson fumé local, acheté directement chez le pêcheur l’après-midi par Jacek et transporté dans ses toutes nouvelles et propres sacoches Ortlieb… Quoique Koszalin se targue d’avoir la meilleure eau du réseau en Pologne, pour se réhydrater, c’était dégustation de sirop pour les enfants et de bières de tout le quart nord-est de l’Europe pour les grands, ° hips °.

Le lendemain, après les traditionnelles séances de photos, d’embrassades et de larmes, Jacek nous a encore accompagnés en faisant des détours par quelques endroits pittoresques de son crû.

C’est suite à une série de chassés-croisés que nous avons apprivoisé Louisa et Stephan, jeune couple de Brême en Allemagne. Tour d’abord, en les sauvant sur le bord de la route, arrêtés par un pneu crevé et sans pompe.

De coup de main en coup de main (deux crevaisons pour eux dans la même journée), nous avons enchaîné le pique-nique, profité de leur carte détaillée des itinéraires vélos, mangé une glace à Gdynia, fait des montées inutiles, des détours inutiles dans les banlieues de Gdansk et ensuite enchaîné avec les recherches de logement et soupé ensemble. Point non négligeable, ils étaient adorables avec les enfants qui le leur rendaient bien.

Le tourisme de masse estival polonais

Le contraste est saisissant entre les villages de l’arrière-pays (à 10 km de la Baltique) – pauvres, dépeuplés, avec passablement de maisons en ruine – et les stations balnéaires côtières. Il y a de tout : petites villes historiques et pittoresques comme Ustka, mais noyées dans un magma d’animations kitsch où on vend vraiment tout et n’importe quoi. Sinon, ce sont les ex-villages de pêcheurs, retransformés en « pokoje » («  chambres » à louer), sans rien de pittoresque mais qui offrent des biotopes tout à fait intéressants d’un point de vue sociologique. Contrairement aux idées reçues, le Polonais ne boit pas que de la vodka : la boisson de prédilection, en tout cas sur les terrasses, c’est la bière de base agrémentée de sirop de framboise ! Pour ce qui est des heures des repas, c’est 24h/24h, et on mange tout et n’importe quoi, du moment qu’il y a une double portion de frites avec.

Régime fit et houblonné

« La Pologne, c’est le pays de la nourriture »… dixit Léon en pleine phase de croissance.

Quand on pédale, on se rit des plats caloriques. Tout y passe et les repas sont gargantuesques ! Gaufre quasi quotidienne pour les enfants, dégustation de bières, poisson-frites-salade de choux, tartine de saindoux, jarret-choucroute… Mmmm… un délice !

Nous recommandons ce régime à toute personne prête à éliminer le surplus de graisse au fur et à mesure grâce à 60 km de vélo par jour et qui déteste sortir de table en crevant de faim… chose par ailleurs impensable en Pologne !

Déluge au camping (le meilleur pour la fin)

Dans l’ensemble, la météo a été beaucoup plus clémente sur la côte balte qu’en Suisse à la même période. Nous avons donc pu profiter de belles journées d’été ensoleillées, même si le temps était parfois venteux.

Quelques beaux orages ont ponctué des fins d’étapes et ont largement justifié des nuitées à l’hôtel plutôt qu’au camping.

Sauf lorsque nous avons décidé de camper alors que se préparaient les deux plus gros orages du voyage… Ustka, Ustka, Ustka ! Ce pourrait être une chanson de Kusturica. Et pourtant, c’est bien celle des Carrard : résumé en trois essais.

Premier essai : arrivée au camping, sorte de réservoir de bungalows où s’intercalent des centaines de tentes tant bien que mal et de manière totalement anarchique. Nous avisons le seul endroit qui n’est pas plein comme un œuf. C’est joli, sous les pins, avec du dégagement et tout près de la plage. Pourquoi personne n’a pris cet excellent emplacement avant nous ?  Mystère ! C’est bien un peu dans une cuvette mais bon, on est sur du sable : s’il pleut, ça pompera !

La première soirée nous gratifie d’un formidable orage. Profitant d’une phase d’accalmie pour regagner nos pénates depuis le resto, nous allons nous coucher et constatons que le sable ne pompe pas beaucoup. De grosses gouilles s’immiscent déjà sous la tente…  bah, ça va bien s’arrêter ! Une heure plus tard, l’orage redouble encore et nous sentons que nos matelas gonflables ondulent et que nous flottons. Le fond de la tente tient bon, merci Hilleberg ! Mais nous nous sommes transformés en île flottante. On nous appelle en anglais depuis dehors ; c’est notre voisin, sorti à la recherche d’une pelle pour sécuriser sa tente qui s’inquiète de constater que nous ne bougeons pas (faut dire que c’est pas facile de nager quand on est dans un sac de couchage). Frédo sort et avec l’aide de notre altruiste et anonyme voisin et de sa pelle, creuse une batterie de puisards dans le sable pour drainer toute cette flotte pendant que, dans la tente, Léon et Eugénie roupillent comme des bienheureux.

Ouf, le niveau redescend et avec la fin de l’orage vers minuit, le terrain retrouve enfin son état normal… enfin presque, car au petit matin, les environs ressemblent davantage à la ligne de front de la Somme en été 1916 qu’à un terrain de camping.

Deuxième essai : la matinée suivante est entièrement consacrée au nettoyage et au séchage de la tente et de nos affaires sauvées des eaux. Nous décidons de déplacer le camp et comme les possibilités d’installation en hauteur sont inexistantes, nous nous mettons dans une pente afin de nous éloigner du « bassin de rétention d’eau ». La mi-journée est consacrée à un peu de tourisme, à un restaurant et au constat que la saison des orages n’est pas terminée… puisqu’un véritable déluge s’abat sur Ustka pendant plus de 2 heures de temps.

De retour au camping, nouvelle surprise : cette fois, ce n’est pas le lac qui est monté, mais un torrent qui est descendu depuis le chemin. La tente se trouvant au milieu du torrent, rebelote mais en plein jour cette fois. Tout est détrempé et de plus, nous retrouvons dans la tente du sable, du gravier et des bouts de bois gracieusement déposés par l’orage. Nous refaisons sécher et profitons de vous rappeler qu’il s’agit de notre  « jour de pause »…

Troisième essai : pour cette ultime tentative, nous visons une bosse pleine de pommes de pin et de racines. Nous creusons des tranchées autour comme assurance anti-inondations. Bien sûr que ce n’est pas très confortable de dormir avec le dos arqué et une pive qui se plante dans le Q. Néanmoins, une nuit au sec est à ce prix.

De notre forteresse hydrofuge, nous pourrons enfin savourer sereinement notre dernière nuit ustkaïenne sous un magnifique ciel étoilé !

Et maintenant…

En définitive, une bien belle aventure familiale, avec le sentiment que la dynamique instaurée lors de Pékin-Sydney est encore bien là un an après notre retour.

L’expérience sur la Baltique a réveillé plein de bons souvenirs, des moments de partage et nous a offert une bouffée d’air frais bienvenue après une année de « retour à la vie normale » qui n’allait pas de soi. Quant aux prochains projets de voyages… suspense !


1 commentaire »

  1. De Paulina le 27 Oct 2014 | Répondre

    Hi guys!!! It was so exciting to see the new post and some of our photos in it! It was a great pleasure to have you stayed at our place. See you sometime on the way! 🙂

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