Aventures en famille

Mauvaises mines enfouies, mais bonnes mines souriantes

Écrit par Famille Carrard | 07/12/2012 – 17:46

Nous sommes entrés sans encombre au Cambodge le 25 novembre. Première impression, après 500 km de vallée du Mékong côté laotien, on est repartis pour de la plaine légèrement (mais bien assez) vallonnée en plein soleil, avec toujours la même route qui évite le fleuve. Pas de changement majeur direz-vous ? A y regarder de plus près, nous nous trouvons pendant près de 50 km (presque jusqu’à Stung Treng) dans une sorte de no man’s land.

Le long de la route, la forêt tropicale a été défrichée, puis les terrains se sont recouverts de broussailles. Quelques misérables bicoques, de temps en temps un semblant de hameau, mais les environs donnent l’impression d’être laissés à l’abandon. Impression confirmée sur une bonne partie du trajet entre Stung Treng et Kratie. De grandes étendues de terrains plats appropriés à la culture du riz sont en friche. Pas un paysan et, surtout, ni vache ni buffle. Nous nous doutions un peu des raisons, mais cette fois l’explication est là, sans appel : tous les 100 mètres le long de la route sont placardés des panneaux rouges à tête de mort « Danger !! Mines !! ».

Même si les régions minées n’ont évidemment pas la densité de population des régions que l’on qualifiera de sûres, on a l’impression que les gens se sont faits à l’idée (ou  alors sont complètement inconscients), les générations passant. Pour nous, pas de prise de risques inutile : les petits pipis se font sur la route et pour l’instant, hors de question de faire du camping. Entre parenthèses, nous trouvons la seule auberge sur 140 km de route, où nous dormons sur des lits durs à paillasses pour 2$, notre nuitée la meilleure marché (hors camping et nuitée chez l’habitant) depuis le début du voyage. Un peu spartiate, mais il y a des vraies moustiquaires, ce qui n’est de loin pas toujours le cas dans des hôtels de plus haut standing (à notre échelle, s’entend) !

Pour revenir aux mines, il n’est pas rare de voir la fameuse pancarte rouge sur l’arbre ou la vieille clôture devant une maison dans la cour de laquelle jouent des enfants ; plus inquiétant, hors de l’enceinte de la maison dans le terrain vague derrière une autre pancarte, des tout petits escaladent des monticules de terre. Inversement, on voit également des maisons juste (pas ?) terminées, vides, avec deux pancartes toutes neuves placardées devant l’entrée… seront-elles jamais habitées ?

Dans tous les cas, ce qui contraste avec le sordide de cet environnement, c’est le sourire contagieux et la gentillesse des gens. Les « Hello » fusent de tous les coins d’ombre, arbres, fenêtres de cabanes avant même que nous y devinions la présence d’enfants ; étonnamment, ils ne nous saluent jamais dans leur langue, au point que nous ne savons toujours pas si nous prononçons « Suo sadai » correctement…

En approchant de Kratie, la campagne s’égaie. Cette fois ce sont de vrais villages qui s’étirent, reliés entre eux le long de la seule route aménagée de la région. Derrière l’alignement de maisons en bois sur pilotis aux jolies toitures, des rizières à perte de vue. Quelques buffles, mais surtout de très grands bœufs blancs à l’air hautain traversent nonchalamment la route pour aller prendre leur bain dans la mare aux lotus la plus proche. Pour nous rafraîchir, rien de tel qu’un arrêt où déguster ananas ou lait de coco, créant presque à chaque fois un attroupement d’enfants et de mamies hilares.

C’est une véritable averse tropicale qui nous accueille peu avant Kratie. Si le rafraîchissement est bienvenu, en revanche, nous ajoutons une bonne couche de boue sur les strates successives de poussière accumulées.

Nous arrivons en ville juste après la pluie, au moment où les vieux bâtiments coloniaux bordant le Mékong revêtent leur parure d’or au soleil couchant. Kratie est une petite capitale provinciale, reliée depuis quelques années au reste du monde – et donc aux circuits touristiques – par des bonnes routes. On vient y voir les quelques dauphins Irrawady (comme à Siphandon au Laos) qui subsistent ou quelques vieux temples bouddhistes. Le centre-ville au fond colonial a une coloration toute asiatique : les bâtiments anciens blancs et jaunes ornés de moulures ont été noyés dans un magma de panneaux publicitaires et d’échoppes où l’on vend tout et n’importe quoi.

A Kratie, comme dans la plupart des villes de l’ancienne Indochine française, deux types de professions sont en vogue : la première, c’est de glander toute la journée sur sa moto, la seconde – plus méritoire – c’est de faire tous les métiers ; ainsi, le tenancier de guesthouse est aussi agent de voyage, bureau de change, marchand de meubles, kiosque à bonbons et pharmacien. Nous nous reposons une journée dans cette petite ville sympa en tentant de satisfaire notre gourmandise dans des bistrots compatibles avec notre budget.

Nous quittons Kratie par le sud en prenant la petite route qui longe le Mékong, via Chlong et Roka Khnaor. Région magnifique, avec une campagne à l’image de celle traversée lors de notre arrivée à Kratie : beaucoup plus riante qu’au nord vers Stung Treng. A nouveau, les villages s’enchaînent et la route parfois les traverse, parfois fait un petit détour entre les rizières et d’innombrables lacs. Fraîchement goudronnée les 60 premiers km, elle nous permet d’avancer malgré un soleil de plomb.

Une nouveauté en arrivant dans la province de Kampong Cham : dans les villages, les majestueux et kitchs temples bouddhistes sont maintenant remplacés par (ou côtoient) d’innombrables petites mosquées.

Cette région est habitée par l’ethnie Cham, musulmane sunnite, sans doute l’un des groupes humains les plus malmenés de leur histoire, en dernier lieu par les Khmers Rouges. Visages souriants, femmes voilées aux couleurs bigarrées, parfois une vieille femme au tchador noir et toujours les mêmes enfants aux bouilles sales et aux mines réjouies.

A mesure que l’on s’enfonce dans ces campagnes et que le goudron et le plat se raréfient sur la route, les véhicules motorisés sont remplacés par des attelages à cheval, à bœufs ou à buffles conduits par des hommes fièrement enturbannés de leur krama.

Comme les mines ne semblent pas poser problème dans ce secteur (nous avons tout de même croisé un jeune homme clopinant sur sa prothèse), nous campons dans un village sur un pré servant de terrain de volleyball. Nous devons faire le montage de la tente, la douche, les toilettes et le repas sous le regard de tout le village. Si susciter la curiosité et y faire face avec le sourire font partie des aspects positifs et enrichissants de notre voyage, là on sature : au moins vingt gamins sont collés à nous, quasi les pieds dans nos assiettes, pendant que nous tentons de faire un petit repas bricolé (on n’a même pas tenté de sortir le réchaud ce coup-ci…). En voyage, nous avons parfois l’impression – et un peu mauvaise conscience – de faire un safari en photographiant les gens, mais cette fois, c’est vraiment nous les singes !

Le lendemain, démontage rapide, juste avant que tout le voisinage ne rapplique : nous ferons notre petit-déj’ à la soupe de nouilles et bouilli sur une petite terrasse un peu plus loin… A mesure que la journée avance, on s’enfonce de plus en plus dans les tréfonds de la campagne. Quelques images étonnantes, comme ces bateaux de pêche perdus au milieu des champs, qui attendant la prochaine saison des pluies et les crues du Mékong pour rejoindre le fleuve.

Toujours les mêmes maisons, mosquées, temples, et bonnes bouilles des Khmers et des Chams. Par contre, la route n’est plus goudronnée et de graviers damés, elle passe à ornières boueuses, quand la route n’est pas remplacée purement et simplement par une mare. Une dizaine de kilomètres avant Kampong Cham, c’est le pompon. Gracieusement aiguillés par un local, nous faisons 1 km à travers champs, puis sur la bordure du talus bordant le Mékong pour éviter la gadoue. Pour rejoindre la route, il faut traverser les jardins des maisons du voisinage. Nous sommes en pleine saison sèche ; en période de mousson, ce doit être apocalyptique !

La douche, quel bonheur ! A Kampong Cham, nous dormons dans un guesthouse-pharmacie très sympa avec une immense terrasse que nous investirons longuement le lendemain pour nous reposer, jouer et surtout profiter de l’ombre.

D’ici, nous avons une vue plongeante sur le marché couvert de tôle. Peu reluisant au premier abord, une fois lancés, c’est une vraie mine aux trésors. D’ailleurs, Frédo en est ressorti heureux avec son krama rouge et blanc qu’il essaiera de nouer de mille manières de retour au guesthouse !

Le 2 décembre, nous prenons le bus car nous avons un rendez-vous d’importance à Siem Reap : nous y retrouverons les grands-parents d’Aubonne venus exprès pour nous voir et – accessoirement – pour visiter les merveilles d’Angkor !

Nous sommes entrés dans la période de l’Avent. C’est étrange, ici rien ne laisse présager que nous approchons de Noël. Nous vivons un peu hors du temps, pourtant celui-ci file à toute allure car il y a déjà cinq mois que nous arpentons les routes d’Extrême-Orient, allant de découvertes en découvertes. Bien que les mollets se soient transformés en béton, que toute la famille aie trouvé le rythme, les défis sont presque quotidiens et c’est sans doute ce qui pimente autant notre voyage !


9 commentaires »

  1. De Rusterholz le 7 Déc 2012 | Répondre

    Bonsoir les amis,
    il est 22h15, je rentre d’une « fenêtre de l’Avent » au village, dans la bonne odeur de vin chaud. Ici, ambiance hivernale garantie. Il neige, tout est blanc, propre, silencieux. C’est un vrai régal que de marcher dans la rue, le nez en l’air à regarder tomber les flocons à travers les lumières des décors lumineux de Noël. Demain, les pistes de la Dôle seront ouvertes, les skieurs ont de quoi se réjouir. Par contre les risques d’avalanche sont élevés. Voici des propos bien éloignés de votre environnement. J’ai toujours grand plaisir à vous lire. Une gros baiser aux grands parents qui doivent être vraiment impatients de vous retrouver.Un gros calin aux enfants.
    Affectueusement
    Micheline

  2. De Gérald le 8 Déc 2012 | Répondre

    Bonjour et surtout bon anniversaire à ma chère nièce Laure. Depuis quelques temps, je prends le temps a voyager à travers vos reportages. C’ est à la fois merveilleux et un peu fou ce que vous êtes en train de réaliser. Beau projet , en vérité un sacre challenge. Je vous souhaite de bonnes fêtes en orient. Pour moi, ce sera modestement l Espagne. Grosses bises à toute la tribu. Amities. Gt

  3. De Carrard Andree et Jean-Daniel le 9 Déc 2012 | Répondre

    Nous venons de rentrer a Bangkok apres avoir passe quelques sympathiques journees avec nos enfants et petits-enfants. Merci pour tout, bon vent pour la suite et a bientot a Bangkok. Nous irons en reconnaissance aujourd’hui pour trouver l’hotel ou nous logerons encore quelques nuits ensemble avant de rentrer chez nous en Suisse et retrouver la neige !
    Grand-maman Andree et grand-papa JD

  4. De sarah le 9 Déc 2012 | Répondre

    Coucou la famille!
    Plein de gros bisous floconneux, car ici la neige n’a pas attendu Noël pour tomber…pour mon plus grand plaisir, surtout en voiture cqfd!
    Bien en pensées avec vous! Sarah

  5. De Anne Marie le 14 Déc 2012 | Répondre

    Bonjour a vous,

    Quelle bonheur de voir tout ses paysages et de voir que vous allez bien.
    Ici tout va bien ,je suis au centre aujourd’hui et nous avons la fête de noel jeudi 20.12.12.
    Pense bien a vous
    Bisous
    Grand maman Anne Marie

  6. De Girardet( Bergier)Annette le 22 Déc 2012 | Répondre

    Bonjour la famille Carrard,
    J’ai souvent de vos nouvelles par les parents de Frédéric, je vous souhaite une bonne continuation pour votre grand voyage, j’envoie de grosses bises à toute la famille et spécialement à la petite Eugénie qui a son anniversaire le même jour que moi.
    Bon ventet meilleurs voeux à vous.
    Annette

  7. De ivan le 23 Déc 2012 | Répondre

    cher parin je te
    sou

  8. De Bernard et Karine le 23 Déc 2012 | Répondre

    Salut l’équipée sauvage!
    Nous vous souhaitons un joyeux Noël sous les palmiers! Nous sommes toujours heureux de voir que ça roule (si on ose dire…).
    Gros becs à tous
    Bernard et Karine

  9. De forestier Michele le 24 Déc 2012 | Répondre

    Salut les aventuriers
    Je souhaite un joyeux anni a Eugenie et de belles fetes de fin d’annee a vous tous sans foie gras mais sous les palmiers,ici aujourd hui il fait A
    15degres,
    Je vous embrasse

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