Aventures en famille

Java bien, et vous ?

Écrit par Famille Carrard | 09/05/2013 – 12:26

Il n y a pas que les crapauds et les pélicans qui voyagent. La caravane des cyclos en goguette a fait son petit bonhomme de chemin, avouons-le, avec pas mal de bus.

Java est une île de 128’000 km2, trois fois la Suisse mise bout à bout, pour 136 millions d’habitants (17 fois la Suisse). Autant dire que la densité de population et la circulation sont à l’avenant et que les abords des villes ne sont pas vraiment un paradis du cyclisme. D’ailleurs, le trafic sur les grands axes et dans les secteurs urbanisés et industrialisés offre un spectacle dantesque aux heures de pointe. Nous avons donc été bien inspirés de tout faire pour éviter Jakarta. Le gag, c’est que comme pour tout Indonésien, il est impensable de se trouver dans le pays sans être passé, arrivé ou sans devoir repartir par la capitale, on nous demande toujours, où nous allons après Jakarta, ou si on vient directement de Jakarta, si nous pensons arriver ce soir à Jakarta ou plutôt demain… Bref ! Pour nous, la réponse c’est « Jakarta tidak ! ».

Retour au 18 avril

En arrivant de Merak, nous avons donc directement effectué un crochet par la côte ouest. Les premiers kilomètres, nous nous demandions vraiment ce que nous étions venus faire dans cette galère, la route étant particulièrement chargée en fin d’après-midi entre Cianjur et Anyer, où camions, minibus, voitures et motos semblaient se disputer la pole position. On a intérêt à tenir sa gauche et à être prêt à freiner. Entre autres galères, perte de notre second compteur (arraché le matin même des griffes d’un vilain bonhomme). Cette fois-ci, il faudra vraiment compter les bornes – c’est le cas de le dire –  à l’approche des 10’000 km.

Le jour suivant (après Anyer), la route côtière sera miraculeusement quasi déserte ; petite étape tranquille au bord de la mer jusqu’à Carita où nous tentons le resort un peu plus luxe que d’habitude et où nous croiserons la route de Bruno le crapaud. A partir de Lubuhan, estimant que Jakarta a été suffisamment contournée, nous poursuivons en direction de l’est, remontant sur les plateaux entre les volcans jusqu’à Pandegelang avant de viser Bogor.

Le 21 avril, nous nous levons tôt pour une ultime étape de vélo. La barre des 10’000 km est franchie sans chichi (dans tous les sens du terme…) après un rapide petit déj’ et une demi-heure de route. Nous enchaînons les kilomètres, profitant de la fraîcheur matinale.

Comme tout ça donne faim, on fait un brunch de mi-matinée à grands renforts de poulet, riz et croquettes de patates, histoire d’avoir du jus pour la suite. Car Java, c’est « malplat » ! Pendant une cinquantaine de kilomètres, nous nous trouvons de nouveau en pleine cambrousse, sur une route qui d’abord suit la ligne de crête avant d’enchaîner avec une nouvelle série de vallées en enfilade en effectuant d’incroyables détours. C’est joli, mais peu ombragé, à part lorsque nous longeons des palmeraies sur des versants sud… tout ça donne soif aussi et nous faisons le plein à chaque fois que l’occasion se présente.

En fin d’après-midi, nous sommes encore à une bonne cinquantaine de kilomètres de Bogor, il y a de nouveau des petites villes, mais complètement hors des circuits touristiques sans un seul logement. Nous nous résolvons donc au plan B : l’auto-stop camionnette. Le premier essai est le bon et nous nous faisons livrer avec armes et bagages directement au centre de Bogor, sur le pas de porte d’un guesthouse. Comme toujours, à l’approche de la ville en fin de journée et déjà dans les quelques cités de banlieue couvrant la fin du parcours, une circulation épouvantable et complètement anarchique prévaut. Pas de regrets donc d’avoir ménagé un peu nos jambes et nos jantes, d’autant que la moitié du trajet aurait été passablement accidentée, poussiéreuse et sur une route défoncée.

Bogor

Bogor, une drôle de ville, près d’un million d’habitants à une soixantaine de kilomètres au sud de Jakarta. D’un point de vue urbanistique, les quartiers récents tirés au cordeau se développent à l’est du centre, alors que la partie ouest entre bidonvilles, gare et golf luxueux est sans queue ni tête. A l’abord de l’une des rivières traversant la ville, les maisons des quartiers populaires ont d’ailleurs tendance à tomber dans le ravin sapé par les fluctuations du cours d’eau.

La particularité du centre « historique » est qu’il ne s’agit pas d’une vieille ville avec des bâtiments coloniaux. Le véritable cœur de Bogor est le Kebun Raya : il s’agit d’un gigantesque jardin botanique de plus d’un kilomètre carré (4 fois le Jardin du Luxembourg à Paris !), avec zones de parc et palais. Originellement destiné à l’étude des plantes tropicales, il a gardé en partie cette vocation : la majeure partie est aujourd’hui ouverte au public et comme zone de détente, fait le bonheur des écoliers, des visiteurs étrangers et de tous les amateurs de verdure et d’environnement romantique.

Malgré son importance, la ville est délaissée par le réseau de transports. Pourtant en bonne place sur la voie ferrée qui relie l’ouest à l’est de Java, c’est devenu une gare cul-de-sac. Le prolongement sud de la voie est désormais condamné par une grille et squatté par des marchés et un nouveau parc qui semble peiner à s’imposer comme tel, à en croire le nombre de bistrots fermés. La gare n’est plus desservie par les directs et on doit donc aller sur Jakarta pour reprendre un train traversant la ville (mais pas la gare) si on veut se rendre dans l’est de l’île : tant pis, nous avons juré nos grands dieux depuis bientôt 10 mois que nous n’irions pas à Jakarta et nous n’irons pas ! Pour aller à Yogyakarta, nous devrons donc une fois de plus nous résoudre à prendre un bus.

Minibus privé, un luxe ?

La croix et la bannière pour relier Bogor à Yogya en transports publics : c’est ce qui nous attendait, à en croire le Lonely Planet (ou plutôt l’étonnante absence d’informations) et la tenancière de notre guesthouse. C’est donc sur son conseil que nous avons pris un bus privé « door to door », le double du prix des bus publics avec les vélos. La dame nous a tout organisé et s’est sucrée au passage d’une confortable commission. Bref, nous embarquons avec nos vélos démontés dans un minibus sept places (la moitié des sièges enlevés) et en payons six. Le trajet lui-même est intéressant : de Bogor à Bandung, c’est une imposante montée qui mène au sommet du col de Puncak (1400 m.) sans discontinuer dans un trafic impressionnant : nous sommes sur l’un des deux principaux axes est-ouest de Java. Si l’on fait abstraction des camions qui serpentent pare-choc contre pare-choc entre les innombrables épingles à cheveux du col, les paysages rappellent un peu ceux des Cameron Highlands en Malaisie avec des kilomètres carrés de plantations de thé dessinant d’étonnants labyrinthes à perte de vue dans des pentes impressionnantes. Resdescente sur Bandung pendant le rush de la nuit tombante avant de retrouver voies rapides et routes de plaine avec des traversées de villages et de villes à des vitesses qui font froid dans le dos…

Encore un trajet annoncé comme devant durer 15 heures, mais c’est nous qui le ferons prolonger en intimant l’ordre à notre chauffeur de dormir un moment : voyant dans la soirée qu’il faisait des trucs bizarres sur la route et qu’il n’avait plus l’air très frais, nous lui avons imposé trois heures de sommeil dans une station service, quitte à arriver plus tard. Résultat des courses : de quinze heures, nous sommes passés à 20 heures de trajet. En discutant avec lui, les chauffeurs n’osent d’habitude pas s’arrêter à part pour les pauses repas car ils ont de gros soucis avec les clients pour le moindre retard : promis, nous ne nous plaindrons pas du retard, trop heureux d’être arrivés en vie à destination… C’est le paradoxe : on prend le service plus cher que les bus de ligne, dont les deux chauffeurs roulent en alternance. Du point de vue de la sécurité c’est discutable !

Dès le petit matin, la voiturée émerge peu à peu en même temps que la vaste plaine qui s’étire entre Purwokerto et Yogya. Tranquillisés après les inquiétudes de la nuit – le chauffeur s’offrira encore une petite sieste après le petit-déj’ – nous pouvons apprécier à sa juste valeur le magnifique spectacle des rizières qui s’éveillent dans les brumes matinales. Tandis que les « chapeaux pointus » s’appliquent à repiquer le riz au pied des volcans, les pères et grands-pères de famille amènent les enfants à l’école par demi-douzaines dans leurs « becak », les rickshaws javanais. Nous sommes tout de même soulagés de débarquer au Bladok Hotel sur le coup de midi. C’est là que nous allons nous remettre de nos émotions quelques jours avant notre dernière grande virée en bus indonésienne.

Yogyakarta

« Jogja » pour les intimes ! Cette ancienne capitale entourée de sites culturels et naturels prestigieux (Borobudur, le volcan Merapi) présente tous les attraits d’une ville touristique. Monuments à visiter, artisanat, vie culturelle. Calèches et becaks font partie intégrante du paysage urbain et sont à l’usage tant des touristes que des locaux. A chaque fois que nous franchissons le seuil de notre hôtel, nous voilà hélés par les conducteurs de becaks à coups de sonores « transport ! » ; ils nous emmèneraient au bout du monde ou de la rue, c’est selon. C’est d’ailleurs dans un éclat de rire général – les Javanais ne manquent heureusement pas d’humour et ont le sens de l’auto-dérision –  que nous leurs renvoyons l’invitation en passant avec nos tandems et vélos à remorque.

Nous nous retrouvons donc quelques jours en immersion au milieu des touristes, guesthouses, hôtels, services de « laundry » (orthographes multiples), « tourist information » (agence organisant des tours organisés ou des minibus vers d’autres destinations touristiques) et restaurants indo-western. Nous nous accorderons d’ailleurs de nombreux écarts culinaires, ce d’autant plus que les équipes de cuisine, tant du Bladok que du Bedhot proche, sont rodées au mélange des styles. Yogyakarta sera donc probablement l’endroit où nous nous serons un peu remplumés après Sumatra et le début de Java.

Pour les courageux (ou les enragés), nous sommes dans la ville du shopping-souvenirs. La rue Malioboro est vendue entièrement au batik (technique d’ornementation des textiles à la cire perdue) et surtout à tous ses dérivés. Si on veut faire de bonnes affaires, il faut s’y connaître un peu et se lever de bonne heure. Nous nous contenterons d’une unique escapade dans un grand magasin de batik et de souvenirs pour voir ce que c’est, avant de déserter les Champs-Elysées de Yogya.

En matière de culture, nous aurons visité le Kraton (palais du sultan) dans la cohue, le Taman Sari (château d’eau, très joli !) et ses échoppes d’artisanat pour les touristes. Honnêtement, c’est surtout les trajets en becak ou à pied dans les ruelles adjacentes ou les balades à chercher notre chemin dans les kampungs et les arrière-cours qui nous auront le plus marqués.

En soirée, nous avons tenté le spectacle de marionnettes en ombres chinoises ; pas top avec les enfants : après une demi-heure de présentation des personnages, deux heures de descriptif détaillé du combat titanesque des figures légendaires héritées du vieux fond culturel hindou. C’est de l’épopée dans le style homérique, mais en javanais! Apparemment, il y a très peu d’Occidentaux qui tiennent jusqu’à la fin du spectacle… au moins, nous aurons vu comment sont fabriquées les marionnettes dans de la peau de buffle.

En guise de sortie des quartiers touristiques, nous nous sommes offerts des allers-retours à la gare des bus. L’occasion de faire une quinzaine de km à vélo en périphérie et de voir les quartiers au sud du Kraton s’animer à la nuit tombante.

En définitive, ce qui aura le plus marqué les enfants lors de notre unique stop javanais, outre les merveilles cuisinées au restaurant de notre hôtel, c’est surtout le fait de pouvoir sauter quasiment directement de notre chambre dans la piscine… et on peut dire que celle-ci a été largement rentabilisée !

Recette pour « alléger » sa chevelure en voyage…

Mais la pause à Yogyakarta a aussi été un arrêt utilitaire. Il s’agissait pour nous de régler la question de nos billets d’avion de Denpasar (Bali) à Brisbane (Australie), ce qui n’était pas une mince affaire. Incompétence des agences de voyage à réserver des vols dès que l’on sort du cadre du touriste moyen standard avec sa valise standard ; mauvais fonctionnement des systèmes de réservation en ligne (et d’internet en général). A l’heure où nous postons cet article, nous n’avons d’ailleurs toujours aucune certitude que le 13 mai, nous pourrons bien embarquer dans l’avion avec nos vélos, remorque et tandem. Prises de tête également (comme à Bogor) pour trouver le moyen le plus simple et le moins coûteux de relier Yogya au ferry pour Bali, avec éventuellement une escale au fameux volcan Bromo. Autant dire que nous avons fait une croix sur le volcan pendant qu’il nous restait encore quelques cheveux (y compris et surtout à Laure ; pour Frédo ce n’est plus d’actualité…).

Donc un bus de nuit pour 14 heures de trajet entre Yogyakarta et Banyuwangi, ville la plus à l’est de Java et départ du ferry pour Bali. Trajet sans histoire, de nuit, avec un chauffeur ni plus, ni moins taré que les autres conducteurs de bus indonésiens. Et comme à chaque fois, repas éparpillés sur la nuit, réveil un peu courbaturé au petit matin en extase devant volcans et rizières au lever du soleil. Franchement on se lasse des trajets en bus, mais pas des paysages javanais. Arrivés le 30 avril à 7h00 pétante au terminal de Banyuwangi, nous nous dépêchons de revisser tous les boulons de nos véhicules et engloutissons un dernier petit-déjeuner javanais avant de parcourir les dix derniers kilomètres qui nous séparent du ferry. Bali, nous attend !

Ça balance pas mal à Bali, ça balance pas mal !

Et voilà que nous la quittons déjà sans même vous avoir raconté notre très beau séjour balinais tout en vélo et en merveilles… Car d’ici quelques jours, nous vous saluerons depuis l’Australie (avec ou sans nos bagages !). Promis, la séance rattrapage est prévue avant l’été !


5 commentaires »

  1. De Sylvie Favre le 12 Mai 2013 | Répondre

    Vous ne lirez certainement pas ce petit message aujourd’hui, mais nous voulions envoyer un bisou spécial à Laure, puisqu’ici, c’est la fête des mamans.
    Nous espérons que vous attraperez sans trop de difficultés vos correspondances pour l’australie et nous nous réjouissons de lire vos prochaines découvertes depuis un autre continent.
    Merci de nous permettre de voyager aussi et bravo pour vos toujours belles photos
    Sylvie et Jacques

  2. De Maé et Noa le 13 Mai 2013 | Répondre

    Coucou !

    Nous suivons régulièrement vos aventures, et ça nous fait plaisir de voir léon et Eugénie.
    Bonne fin de voyage, profitez bien et Gros becs De Suisse !!
    Maé et Noa et leurs parents de Bonvillars

  3. De Céline S. le 16 Mai 2013 | Répondre

    Coucou! j’espère que vous vous portez bien et que l’aventure est toujours aussi palpitante! Vivement les photos d’Australie et au plaisir de vous voir… prochainement!! Gros becs à tout le monde

  4. De Marraine Céline le 17 Mai 2013 | Répondre

    Rhôô j’adore la première photo!!! Vous êtes beaux les loulous!!

  5. De forestier Michele le 20 Mai 2013 | Répondre

    je pense que vous etes arrivés en Australie,je suis contente de voir que tout continue a aller au mieux,je n’ai toujours pas gagné au loto pourl venir vous rejoindre,mais me rejouie de vous revoir bientôt. bisous a vou s 4

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