Aventures en famille

Malaisie, quand tu nous tiens…

Écrit par Famille Carrard | 19/03/2013 – 10:10

Info : c’est bon, l’article a été complété avec les photos !

Pour clore notre magnifique séjour en Malaisie, rien de tel que de passer quelques jours à Melaka, ancienne colonie portugaise bâtie pour contrôler le détroit, actuellement classée à l’UNESCO. L’occasion également – une fois n’est pas coutume – d’apporter quelques éclairages sur la diversité culturelle de ce pays et de livrer nos impressions.

Melaka

Tourisme urbain

Avouons-le, nous avons eu un peu de peine à trouver nos marques au départ, dans cette ville qui, contrairement à Georgetown, l’autre grand site patrimonial de Malaisie, paraît sans queue ni tête du point de vue urbanistique. De l’établissement fortifié portugais, situé environ 3 km au sud-est du centre actuel, seul subsiste un canon pointé vers le large. Les nouveaux quartiers résidentiels actuels occupant les lieux sont plutôt jolis, alors que les résidus de vieux bouibouis populaires qui tiennent davantage du bidonville disparaissent au profit de gros complexes hôteliers. Le « Portuguese Square » n’est rien d’autre qu’un marché couvert en béton de plus et nous ne sommes pas allés vérifier si en lieu et place des nasi goreng, on servait de la bacalhau dans les petits bistrots du quartier.

Le centre-ville actuel, où s’est à l’origine développée l’occupation hollandaise, est séparé en deux parties par la rivière : sur la rive orientale, la colline Saint-Paul porte encore les vestiges de fortifications à son sommet et sur son flanc oriental, mais on a ici davantage affaire à un site archéologique qu’à un centre-ville bâti ; à son pied, directement au bord de la rivière, le quartier rouge s’étend de manière linéaire de part et d’autre de la Christ Church of Melaka, un temple baroque protestant construit par les Hollandais en 1757 (qui n’est pas sans rappeler celui d’Yverdon, de la même époque, à part la couleur) puistransformé par les Britanniques en église anglicane. Le très joli, mais petit centre historique se limite à une belle rue à arcades et à quelques imposants bâtiments coloniaux, tous rouges, couleur d’ailleurs imitée par une série de verrues sans style qui tentent de s’intégrer au milieu.

Sur la rive opposée, le quartier chinois autour de Jonker’s street offre les plus belles vues d’architecture urbaine coloniale, avec quelques superbes temples chinois et la plus ancienne mosquée de la ville. Hélas, l’offre en hôtellerie et restauration étant entièrement tournée vers le tourisme, on y trouve davantage de bars à Guinness et de boutiques de souvenirs que d’échoppes à soupe de nouilles. La population locale y est submergée par les touristes de tous azimuts.

Sinon, d’innombrables rues à maisons anciennes sont éparpillées sur des kilomètres hors du centre, mais non intégrées au périmètre classé, elles disparaissent lentement au profit d’un développement urbanistique complètement anarchique qui fait également fi des piétons et des cyclistes. Finalement, nous avons apprécié le romantisme un peu plus brut des quais graffités – envers du décor des façades toutes jolies du quartier chinois – et du Little India local.

Mention particulière pour le restaurant Indien qui nous a servi de cantine du soir : nous y avons dévoré avec bonheur d’excellents roti canai, nans et diverses spécialités servies sur des feuilles de bananiers. Mais ce qui rendait le lieu attractif, c’est principalement l’ambiance détendue et le personnel au sourire inamovible et aux petits soins pour les enfants.

En définitive, nous avions le sentiment que le centre historique de Georgetown avait un côté beaucoup plus authentiquement populaire que le centre de Melaka, qui semble avoir perdu un peu de son âme à cause du tourisme. Si le centre UNESCO de Melaka est très photogénique, c’est dans les quartiers périphériques que nous nous sommes le plus sentis à l’aise avec le petit peuple local.

Dans la jungle bleue

Pour nous rafraîchir, nous nous rendions en soirée à la piscine municipale – ou plutôt la piscine des Chinois – pour faire fructifier les talents de Léon et Eugénie et … observer les gens : les cours de natation privés avec des professeurs improvisés étaient dignes des Bronzés. Un escadron de gendarmes en slip de bain n’aurait pas été un luxe pour régler la circulation des différents groupes faisant des traversées sans regarder, qui dans la longueur, qui dans la largeur : une version aquatique de la circulation en ville avec feux de signalisation en panne… L’un des grands paradoxes des nageurs (en tout cas les Chinois de Malaisie), c’est que plus ils ont des lunettes de natation, moins ils regardent où ils vont !

Home sweet home

A notre arrivée, nous avons fait un tour de ville pour nous rendre compte que les logements urbains repérés dans nos guides – lorsqu’ils existaient encore – étaient peu avantageux et peu pratiques avec des vélos. Nous avons trouvé un premier pied à terre dans une belle maison coloniale chinoise rénovée, mais un peu excentrée et peu attractive pour une famille avec deux bougillons comme les nôtres. Lors de notre quête de restaurant du 3ème soir, notre découverte inattendue de l’Apa Kaba Guesthouse est donc une véritable révélation : située dans un « kampung » (quartier qui correspondait à l’origine à un village hors du noyau urbain), cette très belle demeure traditionnelle verte et bleue toute en bois est tenue par une famille adorable. Surtout, on y profite d’un immense jardin et des vélos et trottinettes des enfants de la maison.

Au petit-déjeuner, toasts, confiture et vrai beurre sont complétés par diverses spécialités locales, du riz en feuille de bananier à tout un assortiment de beignets salés ou sucrés. Le tout pour une bouchée de pain ! Nous nous y plaisons tellement (coup de cœur pour la cuisinette) que nous repoussons notre départ. Car quand on voyage longtemps, on a parfois besoin de se sentir comme à la maison. Juste à côté, la petite terrasse musulmane du quartier est devenue notre cantine du midi. Idéal pour une assiette de mee goreng servie par une jeune femme au rire communicatif.

Excursion à Ayer Keroh

Afin de nous remettre en jambes le dernier jour, nous avons fait une escapade d’une trentaine de kilomètres à Ayer Keroh. La grande route en plein cagnard nous a mené dans un joli site ombragé, sorte de Signal de Bougy local dont les installations tombent gentiment en désuétude en raison du développement exponentiel de centres d’attractions autrement plus lucratifs dans les environs.

Le zoo voisin venant de doubler ses tarifs (voire tripler pour les enfants), nous avons fait une croix dessus et nous sommes finalement rabattus sur une très chouette place de jeux au bord d’un lac avant de nous faire rafraîchir par un impressionnant orage tropical au retour.

La Malaisie « pour les Nuls »

Diversité culturelle et religieuse

La diversité ethnique et religieuse va de pair avec les groupes humains qui se sont greffés sur le substrat malais à l’époque coloniale. Avec des comptoirs commerciaux dans toute l’Asie du Sud-est, les Chinois ont été présents dans la péninsule bien avant l’arrivée des Occidentaux. Ils s’y sont implantés massivement et durablement à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Quant aux Indiens, ce sont les Britanniques qui les ont fait venir à la même époque, en premier lieu pour travailler dans les plantations d’hévéas, puis de palmiers.

Les Malais sont généralement musulmans sunnites, mais on trouve des communautés chrétiennes : catholiques convertis par les premiers missionnaires portugais ; protestants évangélisés par les Hollandais, puis les Britanniques. Du fait de la forte présence coloniale à Melaka, les communautés chrétiennes sont bien représentées dans cette région. Plus généralement, les Chinois pratiquent toutes sortes de religions populaires en plus du bouddhisme et du taoïsme, mais également le christianisme. Ainsi, chaque ville possède son église méthodiste chinoise. Les Indiens sont majoritairement hindous, une part importante provenant aussi des communautés islamiques présentes dans tout le sous-continent.

L’ensemble de ces groupes cohabite pacifiquement. Par contre, le sens communautaire étant très fort, les incompatibilités culturelles se ressentent dans la vie sociale : un mariage entre une Musulmane et un Chinois est quasi impossibles, par exemple.  De plus, les enfants fréquentent des écoles propres à leur communauté ethnique, linguistique et religieuse, ce qui ne facilite pas le mélange : les matières et les valeurs enseignées sont ainsi propres à chaque groupe.

La Tour de Babel à côté, c’est du pipeau…

Une multitude de langues sont parlées en Malaisie. L’affichage publicitaire en ville et les enseignes des commerces nous indiquent l’origine des tenanciers ou des constructeurs du bâtiment. On passe allégrement d’inscriptions en langue malaise, en alphabet latin ou arabe (comme dans la plupart des pays islamiques, utilisé par les Malais avant l’époque coloniale), idéogrammes chinois ou alphabet sanskrit.

Le malais est la langue maternelle des … Malais, soit un peu plus de la moitié de la population. Le reste se répartit entre de multiples dialectes du sud-est de la Chine, principalement le hokkien et le cantonais. Mais dans les écoles, on enseigne le mandarin comme langue officielle pour tous les Chinois. Pour les Indiens, c’est encore plus compliqué, vu les innombrables idiomes parlés par les multiples ethnies originaires du sous-continent. Les Tamouls y sont néanmoins majoritaires.

Dans les régions reculées, quelques minorités (les Orang Asli) parlent d’autres langues indigènes. Si le malais est la seule langue officielle pour tout le monde, il n’est cependant pas étonnant que l’anglais occupe une place importante dans les échanges, passé colonial oblige et aussi parce que c’est la langue internationale commune enseignée dans les écoles spécifiques à chaque groupe ethnique ; aucune surprise donc d’entendre des citoyens malaisiens chinois et indiens se parler en anglais (c’est un peu comme lorsqu’un Romand et un Alémanique parlent ensemble en anglais car aucun ne veut parler Hochdeutsch) ! C’est pourquoi au restaurant, une carte traduite en anglais n’est pas uniquement destinée aux touristes. Well…

Nos impressions

Le Malais, c’est facile (et parfois rigolo) !

Du colonisateur, la langue malaise a assimilé l’alphabet latin et nombre de mots d’origine anglaise retranscrits de manière phonétique. C’est en les lisant à haute voix que l’on comprend leur sens : « teh limao ais » pour les thés-citron glacés ; « botol » pour une bouteille ; « stesen » pour la gare ; « bas sekolah » pour les bus scolaires ; « motosikal » pour une moto  etc… quant à nous, nous voyageons sur nos « basikal ».

D’usage quotidien, on trouve des mots issus d’autres langues européennes, comme le français (l’indéboulonnable et international « restoran ») ou le portugais (« bomba » pour les pompiers). D’autres mots ont des étymologies plus obscures, mais prêtent à sourire, comme « isteri » pour l’épouse…

La palme du sympa pour les Malais et Malaisiens

Depuis notre arrivée en Asie il y a bientôt neuf mois, la Malaisie est de loin le pays où il est le plus facile de voyager en famille, du fait du bon niveau d’anglais et aussi du contact assez facile avec les locaux. Les gestes et mots de sympathie à notre égard ainsi que la bienveillance générale vis-à-vis de ces Occidentaux pédalant sur leurs drôles de machines nous ont généralement fait chaud au cœur. Combien de fois avons-nous entendu « take care ! » ou « God bless you ! » ? Sans parler des marchands qui offraient spontanément des fruits, etc…

Malaisie rime avec famille

Avec les enfants, comme partout en Asie, nous avons été bien accueillis presque sans exception. La principale différence avec les pays visités précédemment, c’est qu’en Malaisie, on trouve en plus un peu partout des espaces de détente avec places de jeux en très bon état. Nul besoin de s’inquiéter comme en Chine dans les châteaux gonflables défaillants plantés parfois dans des endroits sinistres, comme au Vietnam dans une cage remplie de 1.50 m de boules plastique où l’on voyait disparaître les enfants piétinés ensuite par d’autres, comme au Laos dans l’unique place de jeux du pays praticable uniquement de nuit (pas d’ombre) sans éclairage ou encore comme au Cambodge dans les prés où le gambadage était impensable à cause des mines… Bien sûr, une place de jeux, un zoo ou un parc d’attractions ne sont dans l’absolu pas nécessaires pour faire découvrir un pays à des enfants. Néanmoins, même à dose homéopathique, ils prennent un immense plaisir à se défouler dans un espace qui est spécialement conçu pour eux. Et pour les parents, quel plaisir de se détendre !

Encore un autre signe qui ne trompe pas : dans les restaurants, il y a systématiquement des chaises hautes pour bébés. On croit rêver ! Bref, un pays où il fait bon voyager avec des petits !

A table !

Autant nos mirettes sont restées sur leur faim à cause de paysages souvent dénaturés, autant nos papilles ont été largement mises à contribution ! Sans vous citer toutes les spécialités chinoises, malaises et indiennes que nous avons goûtées (pour cela, il suffit de lire nos articles sur la Malaisie, il y en a un peu partout), faites-nous confiance, nous avons réservé une part importante de notre budget pour… manger !

Sûrement parce que nous avions besoin de changement après des mois de nouilles et riz sautés, notre cuisine favorite était indienne. Peut-être aussi la plus accessible pour les enfants avec une pensée particulière aux roti canai que nous avons appréciés à toute heure du jour et de la nuit. La révélation était à tel point réussie qu’une prochaine aventure en Inde n’est pas exclue !

Nous découvrons que l’outillage principal pour se sustenter est la main droite. Dire que nous nous battons depuis toujours pour que Léon et Eugénie se servent de leurs couverts… Car voir une petite Malaise manger avec ses doigts est bien plus classieux qu’une Eugénie qui s’en donne à cœur joie en offrant un spectacle apocalyptique…

Alors, si vous êtes aussi gourmets et gourmands que nous, la Malaisie est une étape incontournable pour votre prochain voyage à thème !

Et vogue le ferry pour Sumatra

Pendant notre semaine à Melaka, nos montures ont subi un lifting en règle et les dérailleurs ont fait leur séjour de remise en forme chez l’ortho-mécano. Nous avons également pu profiter du « service de poste » offert par deux adorables Bernoises sur le retour.

Au matin du 15 mars, tout notre barda empaqueté, nous sommes donc fins prêts à quitter Melaka et la Malaisie, non sans une petite larme à l’œil. Objectif : l’Indonésie ! La traversée sur Dumai (Sumatra) se fera en ferry, puis nous enchaînerons avec un bus de nuit jusqu’à Parapat (lac Toba), où un nouveau ferry nous mènera jusqu’au village de Tuk Tuk. Arrivés le samedi 16 en fin d’après-midi dans un état second, nous y prendrons quelques jours bien mérités de repos total les pieds dans l’eau fraîche.

Mais cette équipée haute en couleurs vous sera contée une fois que nous aurons déjà quelques cols derrière nous… Nos mollets en tremblent d’avance !


5 commentaires »

  1. De Marie Agnès Richard le 22 Mar 2013 | Répondre

    Je rentre de 2 semaines en Birmanie…
    Magnifique pays avec incroyables gentillesse et hospitalité de son peuple…
    Je continue de vous suivre avec beaucoup de plaisir et d’admiration…
    A bientôt
    Marie Agnès

  2. De les franco laotiens le 22 Mar 2013 | Répondre

    Coucou !
    On vient de regarder avec Nivanh de nouveau votre site … on a vu que vous aviez largement continué vos aventures et ça nous a fait plaisir de se remémorer notre rencontre et de se rappeler ces si (chauds) moments passés au Laos !
    Un petit coucou de Bretagne …
    Florence et Nivanh

  3. De Pedro le 24 Mar 2013 | Répondre

    Coucou les voyageurs
    Je vois que tout se passe bien pour vous. Je viens de vous suivre a travers la Malaisie, ca me rappelle des bons souvenirs et j’ai aussi trouve que c etait le pays d asie du sud est, de ceux que j ai visité, dans lequel les gens etaient le plus sympas.
    Pour moi le voyage est fini et ca fait deja un mois que j’ai retrouvé la vie laborale, c est maintenant que je realise le plus le bien que l on est en parcourant le monde 🙂
    Bonne continuation et profitez un maximum !
    Pedro

  4. De Bernard et Karine le 30 Mar 2013 | Répondre

    Salut la famille en vadrouille,
    Comme toujours, je ne manque pas un article de votre blog, ni d’admiration pour votre épopée! J’espère que vous aurez autant de plaisir en Indonésie.
    Merci pour votre carte, que j’ai bien reçue tout dernièrement et merci, Léon, pour ton dessin. « Parrain Bernard » se réjouit de te revoir et de t’entendre raconter vos aventures.
    Et enfin… Bonnes Pâques! (c’est pas cette année que nous allons repeindre des oeufs!)
    Bises à tous
    Bernard

  5. De sarah le 3 Avr 2013 | Répondre

    Coucou les amis!
    Clouée au lit avec une bonne crève depuis 5 jours, c’est avec joie que je voyage un peu grâce à vous et découvre d’autres horizons que mon duvet et le mur de ma chambre… Bonne suite en Indonésie!
    Gros bisous Sarah

Ajouter un commentaire